Charles de Meyer, assistant parlementaire de Marie-France Lorho, qui a succédé à Jacques Bompard atteint par le cumul des mandats, raccroche :
Ce soir, je prendrai donc mon ultime bière de fin de semaine parlementaire au Bourbon. Cela fait cinq ans que je tourne autour de la brasserie préférée des députés. La première fois, c’était avec Benjamin Blanchard qui fit confiance à un jeune homme d’à peine vingt ans pour travailler à ses côtés. C’est tellement loin. Depuis j’y compte des amis, beaucoup sont partis, d’autres veillent encore, tapis dans les couloirs.
Pendant des années, chaque lundi soir, nous y organisions les recrutements de volontaires [pour SOS Chrétiens d’Orient]. On parlait Syrie, souvent avec quelques bières de trop dans le gosier, à côté des freluquets du Quai. Ce fut amusant. C’est aussi au Bourbon que nous imaginâmes les journées parlementaires pour la vie, les discours virulents d’un député du Vaucluse, les citations inédites dans l’hémicycle. Ça aussi, ce fut amusant.
Je partage dix conseils pour ceux qui se lanceraient dans l’aventure de l’assemblée nationale :
- D’abord, dépensez votre argent au Bourbon. La politique consiste à échanger avec des personnes incarnées, à les connaître, à aimer leurs défauts et à travailler à les investir dans le combat.
- N’ayez jamais honte de vos maîtres, plaignez ceux qui n’en ont pas.
- Osez ! Le politiquement correct résiste d’abord parce que vous avez honte de vos idées. Si vous refusez les combats difficiles, vous refuserez les batailles accessibles.
- Lisez, lisez, lisez. La purge qu’est actuellement le débat parlementaire vient de sa monopolisation par des incultes, des falots sans doctrine ni culture. Un vieux communiste est cent fois préférable à un jeune ignare. Tout le monde a toujours le temps de lire, si vous ne l’avez pas, vous êtes sur la mauvaise pente.
- Recrutez des stagiaires. Perdez du temps à corriger leurs erreurs, à prévenir leur naïveté, à supporter les défauts. Transmettre des méthodes et des convictions, c’est ce qu’il y a de plus politique à faire à la chambre.
- Parlez à vos collègues. C’est une fumisterie moderne que de mépriser d’autres Français parce qu’ils ne partagent pas vos idées. Vous êtes des artisans de la reprise du pouvoir, tout l’inverse de censeurs prétentieux.
- Lisez la presse, surtout celle de vos adversaires, et constituez des archives. Google n’est pas votre ami, c’est votre mémoire qui l’est.
- Invitez-les ostracisés : les religieux que certains voudraient chasser de la proximité avec nos institutions, les universitaires qui ne communient pas dans la pensée molle, les militants dont l’enthousiasme exaspère les personnalités installées.
- Soutenez, par tous les moyens, ceux qui œuvrent, dans le secret ou en public, en mettant toute influence à leur disposition.
- Souvenez vous que le Palais Bourbon n’est pas le pays réel. Votre force ne réside pas dans la conformité aux codes du pays légal.