Anne Coffinier est interrogée sur Enquête et Débat. Extraits :
"Notre prisme : la liberté scolaire, car nous avons la ferme conviction que c’est en appelant les acteurs éducatifs à leurs responsabilités et à leurs libertés propres que nous parviendrons ensemble à sauver l’école. C’est au niveau local, à savoir au niveau de l’établissement scolaire et peut-être aussi de la commune, qu’aura lieu le sauvetage de l’école. La rue de Grenelle a, quant à elle, fait la preuve ces quarante dernières années de son incapacité à conduire les réformes qui s’imposaient. En raison de son gigantisme, de sa gestion centralisée, de sa politisation et de son conservatisme corporatiste, l’Éducation nationale est incapable de se réformer d’elle-même. Pour sauver l’école de la Nation, il est urgent de stimuler l’Éducation nationale de l’extérieur. Le développement d’un secteur privé dynamique, réellement libre de ses choix de programmes, de méthodes et de recrutement pour assurer la meilleure efficacité pédagogique possible, est indubitablement un aiguillon précieux pour l’école publique. […]
Aujourd’hui, tout observateur sérieux de la question scolaire comprend que la guéguerre entre l’école privée et l’école publique appartient au passé. Seuls quelques idéologues dont c’est le lucratif fromage s’en délectent encore. Mais les citoyens, eux, veulent simplement une école qui instruise, qui donne ainsi à chacun sa chance de vivre debout sa vie d’adulte. Nous vivons une époque fascinante dans laquelle certaines contre-vérités ne peuvent plus être décemment assénées. Ainsi premièrement, on ne peut plus opposer sous-contrat et hors-contrat comme deux réalités différentes se regardant en chiens de faïence. En effet – et l’Enseignement catholique lui-même le reconnaît à présent – le contrat se passe au niveau de la classe et non de l’établissement, ce qui signifie qu’un établissement privé peut être tout à la fois sous contrat pour certaines classes et hors contrat pour d’autres. Deuxièmement, le contrat apparaît de plus en plus comme ce qu’il est : un moyen de financement, instauré en 1959 par la loi Debré, non une fin en soi. Une école catholique ne tire pas sa légitimité scolaire du contrat qu’elle a passé avec l’État : ce n’est pas le contrat qui lui confère son caractère d’école. Ce n’est pas non plus le contrat qui lui confère son intérêt général, c’est la nature éducative de son activité et son caractère non lucratif et ouvert à tous. De même, elle ne tire pas davantage du contrat son caractère propre – sa catholicité, dans le cas d’espèce. Le contrat tel que conçu en 1959 constitue une formule intéressante dans la mesure où l’État tient ses engagements, c’est-à-dire finance tous les postes de l’école privée dès lors qu’ils correspondent à un « besoin scolaire reconnu » au niveau local. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. L’État ne fait objectivement rien pour faciliter le développement des écoles privées. Il refuse de financer toute nouvelle création de classe, empêchant l’école privée de répondre aux demandes des parents dans les zones privées de choix scolaire, qui ont pourtant un« besoin scolaire reconnu ». Par ailleurs, il n’octroie pas assez de postes de professeurs sous contrat aux écoles existantes alors qu’elles sont plébiscitées par les parents, ce qui conduit l’enseignement catholique à avoir des classes pouvant dépasser 40 élèves. En conséquence, les distinctions privé/public, sous-contrat/hors-contrat ne doivent vraiment plus être au centre de nos préoccupations.
[…] L’école ne tire sa légitimité que du service qu’elle rend aux familles. Si l’école publique ne remplit plus la mission que la République lui a confiée, alors il faut que la société civile mais aussi les collectivités locales fondent de nouvelles écoles. Il n’est plus temps de sacraliser l’école publique et d’en faire un absolu intemporel. […] Une énième réformette ne sauvera pas l’école. Pour refonder l’école, tout en minimisant les risques d’erreur globale et en prenant en compte la variété des aspirations de la société en matière d’éducation, il faut miser sur la liberté scolaire. De plus en plus de professeurs de l’école publique ou sous contrat songent sérieusement à fonder leur propre école, à l’instar de Françoise Candelier de l’école du Blanc Mesnil dans le Nord. Ils doivent y être encouragés. Cette année, 25 nouvelles écoles indépendantes ont ouvert leurs portes sans un euro d’aide de l’Etat."
PG
Le problème du hors contrat est son coût : l’école doit-elle être un élitisme par l’argent ?
Pour payer une institutrice ou instituteur, les parents de 20 enfants peuvent suffire.
Mais pour le collège et le lycée ?
Combien de lycées et collèges totalement hors contrat se sont-ils créés depuis 5 ans. Beaucoup d’écoles primaires, mais peu d’établissements secondaires.
C’est en cela que le raisonnement d’Anne COFFINIER trouve ses limites : le hors contrat n’est qu’une partie de la réponse aux problèmes de l’enseignement en France, c’est une évidence dont les catholiques des banlieues bourgeoises des grandes villes devraient comprendre.
[Il me semble qu’elle plaide aussi pour le chèque scolaire, ce qui règle votre question. D’ailleurs la Fondation pour l’école avait fait une étude comparant le coût d’un élève dans le public et dans le privé. C’est du simple au double, façon de faire comprendre que le chèque scolaire donnerait non seulement la liberté aux parents, mais aussi de fortes économies à l’Etat.
MJ]
PG
@ Michel JANVA
Exact. Le chèque scolaire serait une partie de la solution, ne serait-ce que sur le principe même de la liberté des parents.
Mais une partie seulement : car il faudrait connaître toutes les conséquences financières du chèque scolaire, puisqu’il s’agit de passer d’un système centralisé uniforme et avec monopole à un système décentralisé et multipolaire. Il faut comparer comparer ce qui est comparable, et particulièrement l’ensemble des coûts, sur tous les niveaux scolaires, ce qui n’est pas très clair dans cette étude, par exemple en intégrant le montant des salaires des enseignants dans ces écoles (leur retraite, leur couverture sociale, etc…..), la question du matériel et des bâtiments dans la durée, etc…..Les écoles actuellement hors contrat bénéficient indirectement de services et de formation externes qu’elles ne paient pas et ne budgètent pas.
On ne passe pas d’un système à l’autre sans examiner l’ensemble des facteurs : ceci, non pas sur le plan du principe (je suis pour le chèque scolaire depuis très longtemps, ayant découvert cette idée au travers de Friedman, car c’est une idée que les économistes et penseurs libéraux défendent depuis des décennies), mais sur le plan de la crédibilité et de la faisabilité globale du chèque scolaire.
C’est un aspect très important de toute politique de réforme : on ne propose pas une réforme nationale sans pouvoir en justifier les étapes auprès de TOUS les acteurs concernés. Tous les enseignants et parents ne sont pas des catholiques convaincus ou des libertaires de principe.
Il est très certainement nécessaire de commencer par une décentralisation et déconcentration des centres de décisions. Les ”révolutions” ou ”réformes” sans concertation et sans étapes claires surtout pour ce ministère et sur ce sujet, ne peuvent que provoquer révolte et rejet.
Le chèque scolaire ne doit donc pas être présenté d’une manière simpliste qui en justifierait le refus par l’opinion.