Aude Dugast, postulatrice de la cause de canonisation du professeur Jérôme Lejeune, est interrogée dans L’Appel de Chartres. Extrait :
Jérôme Lejeune a été déclaré Vénérable le 21 janvier 2021. L’Eglise reconnaît ainsi l’héroïcité de ses vertus, théologales et cardinales. Ce grand savant français, réputé dans le monde entier, qui alliait la rigueur scientifique à l’amour inconditionnel du médecin pour ses patients est, sans aucun doute, un grand modèle de laïc scientifique catholique du XXe siècle. En déclarant
vénérable cet infatigable défenseur des enfants à naître, ami de Saint Jean-Paul II, l’Eglise offre aux Serviteurs de la vie du monde entier un formidable signe d’espérance ! C’est une très grande étape. Il faut maintenant un miracle pour sa béatification.
Jérôme Lejeune a laissé un héritage multiple : découverte scientifique, réflexion éthique sur la vie, pensée catholique. Pouvez-vous commenter son regard sur ces thématiques ?
L’œuvre de ce grand généticien, qui a découvert la trisomie 21 et d’autres maladies chromosomiques, fut une œuvre de miséricorde. Œuvre de miséricorde au sens propre du terme, c’est-à-dire ce sentiment par lequel la misère d’autrui touche notre cœur et qui se manifeste par des actes corporels (nourrir, abreuver, visiter les malades…) et spirituels (annoncer la vérité). […]
En nous fondant sur la réflexion de Jérôme Lejeune, quel regard pouvons-nous porter sur la société d’aujourd’hui, à l’heure où la fragilité de la vie naissante comme finissante est menacée ?
Il y a 40 ans, Jérôme Lejeune écrivait avec une clairvoyance extraordinaire : “les initiales IVG ont une signification terrible : l’Interruption d’une Vie Gênante. Et l’âge n’y fait rien. Les vieillards sont aussi menacés que les plus jeunes.” A l’heure où dans la même semaine la France inscrit le droit à l’avortement dans la Constitution et prépare l’euthanasie, ce raccourci de Jérôme Lejeune est saisissant. Mais face à cette déferlante qu’il prévoyait, il invite à dire et redire la vérité :
“Le droit à la vie n’est pas donné par les gouvernements. Les gouvernements n’ont donc pas le pouvoir de retirer ce droit à qui que ce soit. […] Pour que la civilisation continue d’exister, la politique doit nécessairement se conformer à la morale : à la morale qui transcende toutes les idéologies parce qu’elle est inscrite au plus profond de notre être par le décret impénétrable qui régit à la fois les lois de l’univers et la nature des êtres humains. […] Un pays qui tue ses enfants tue son âme. Et quand il aura tué son âme, ce pays mourra “.
Et il invite à l’engagement :
« Dans une société pluraliste, c’est le devoir – je ne parle pas de droit, je parle de devoir – c’est le devoir de chaque citoyen d’essayer de faire entrer dans les lois de son pays, autant qu’il le puisse et légalement, la morale qui lui semble supérieure, car s’il ne le fait pas il trahit son devoir démocratique […] On dit que l’avortement est entré dans les mœurs et qu’on n’y peut plus rien. Mais les mœurs changent aussi. Cela nous en sommes sûrs parce qu’en 1974 il était encore interdit en France de tuer les très jeunes français. Alors le changement peut se produire dans l’autre sens et même sans jouer au prophète on peut être certain qu’il se produira. La santé par la mort est un triomphe dérisoire. C’est la vie qui seule peut gagner. »
« La tâche est immense, mais l’espérance aussi. »