Contrairement à Jeanne Smits, Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune, est troublée par l’unanimité qui semble réunir, certes pour des raisons radicalement opposées, les partisans de l’avortement et les médias chrétiens, par définition opposés à l’avortement, au sujet de ce film. Jean-Marie Le Méné s’en explique dans un article publié par Liberté Politique. Extraits :
"Un mauvais film sur l’avortement
À la première question – s’agit-il d’un bon film sur l’avortement ? – la réponse est négative. Non, il ne s’agit pas d’un grand film, d’une œuvre majeure sur l’avortement, pour la raison fondamentale qu’on ne saurait parler d’œuvre quand le sujet n’est pas traité (…) Ce qui est traité, et sans doute bien traité, c’est l’interdiction et la répression de l’avortement par le régime communiste de Ceaucescu et les moyens de les contourner, ce qui est totalement différent. Alors qu’on est confronté à une question de principe, la suppression d’une vie humaine, il n’est question que de mise en œuvre : comment y parvenir. Si c’était l’avortement lui-même qui avait été le cœur du sujet abordé, la question de la conscience n’aurait pas pu être évitée (…) Il a mis en scène des personnages qui se demandent seulement comment ils vont s’y prendre pour organiser et financer un avortement clandestin en Roumanie. Rien de plus.""Une vision amorale de l’amitié
Il y a une autre raison qui incite également à dire que le film de Mungiu n’est pas un grand film. C’est sa conception de l’amitié (…) Mais quelle est aujourd’hui la conception qu’on a de l’amitié ? Aider une copine à avorter sans se — ni lui — poser de question et appeler cela de l’amitié, c’est tout de même une vision pour le moins réductrice de l’amitié. La plus grande faiblesse du film est peut être là (…)""La pédagogie de la neutralité
Ensuite, cette œuvre offre-t-elle une dimension pédagogique, comme les commentateurs chrétiens ont cru la déceler ? Pour que ce soit le cas, il aurait fallu que le film comporte intrinsèquement des éléments qui permettent au spectateur — en l’occurrence collégien ou lycéen ! — de se forger une opinion et donc de progresser dans sa réflexion (…) L’information est complète sur les risques de la clandestinité, elle est neutre sur la connotation morale de l’avortement (…) Dès lors, à quoi est inéluctablement conduit le spectateur ? À penser qu’on a bien de la chance que ça ne se passe pas ainsi en France où l’avortement, sans être interdit ni banalisé, est seulement encadré. Il est difficile d’imaginer qu’un lycéen ou un collégien moyen, baignant dans le relativisme ambiant, et sous l’influence de maîtres dont on a du mal à penser qu’ils soient majoritairement capables d’oser un soutien explicite à la culture de vie, puisse aboutir seul à une conclusion différente (…)""Silence sur la vérité
Il ne faut pas confondre les valeurs que des chrétiens peuvent à juste titre discerner en négatif dans le film avec ce que l’auteur a voulu y mettre (…) La vérité est que presque personne — y compris en milieu chrétien — ne rappelle publiquement la vérité sur l’avortement et ses conséquences. Et qu’il est plus facile de faire délivrer à un cinéaste roumain un prétendu message qu’on n’a pas le courage de proclamer soi-même. Le seul problème est que – sur le crime de l’avortement — le cinéaste roumain n’a aucun message."
Denis Merlin
Je n’ai pas vu le film et je n’irai pas le voir car je ne sais comment on a pu rémunérer l’acteur involontaire, le vrai foetus, mort jeté par terre et sanglant. Sont-ce ses parents qui ont touché son cachet ? Cela me fait horreur de penser que le cinéaste a fait du fric avec des plans tournés par un petit cadavre, vedette involontaire et gratuite de ce film.
Je me permets cependant de donner mon avis, intellectuellement :
Monsieur Le Méné est véhément contre ses compagnons de route anti-avortement, un peu trop sans doute.
Je pense que Madame Smits a été bouleversée par la vue de l’enfant avorté. Elle a pensé que cela était suffisamment pédagogique pour faire horreur.
Malheureusement, je pense que c’est Monsieur Le Méné qui a raison sur le fond. Il a bien saisi, lui qui est un homme, l’intention de l’auteur du film qui en est un aussi. Les femmes sont, une fois de plus, les victimes
(Il ne s’agit bien évidemment pas de monter les uns contre les autres et ce commentaire montre bien la dualité de ce film en fonction de la façon dont chacun l’interprète. D’ailleurs les analyses de Jeanne Smits et de Jean-Marie Le Méné ne s’opposent pas complètement. Jeanne Smits y voit un formidable outil pédagogique à condition que les pédagogues soient pro-vie (cas probablement minoritaire)tandis que JMLM voit le côté immoral.
En tout cas les deux avis méritent d’être lus.
Philippe Carhon)
Polydamas
“Et qu’il est plus facile de faire délivrer à un cinéaste roumain un prétendu message qu’on n’a pas le courage de proclamer soi-même.”
Il faudra dire cela à Tugdual Derville et à Jeanne Smits. En outre, il me semble que le Mené oublie également la crudité de certaines scènes (je n’ai pas vu ce film) qui font prendre conscience aux femmes de leurs actes. En effet, comme toujours, il n’y a probablement pas de connotations morales. Reste que les conséquences sont là, dramatiques, et pour une fois, ne sont pas camouflées…
“Je n’ai pas vu le film et je n’irai pas le voir car je ne sais comment on a pu rémunérer l’acteur involontaire, le vrai foetus, mort jeté par terre et sanglant.”
Sans vouloir vous offenser, avez vous des éléments qui vous indiquent qu’il s’agit d’un véritable foetus que l’on voit dans le film ? Qu’est ce qui vous permet d’affirmer que ce ne sont pas des truquages…
Jeanne Smits
Ayant lu l’article de Jean-Marie Le Mené, je souhaite tout de même faire quelques remarques. D’abord à Denis Merlin : le foetus n’était à l’évidence pas un vrai. Cela eût été insupportable comme vous le soulignez fort justement.
Je n’ai en aucun cas pensé que la vue du foetus suffisait. J’ai vu, et écrit, les sentiments qu’avec beaucoup de doigté, me semble-t-il, Mungiu veut nous faire découvrir chez ses protagonistes : la prise de conscience d’avoir tué (“tu l’enterreras ?”); la honte, le dégoût, l’incapacité à avoir des relations amicales ou amoureuses normales avec ce crime en travers. L'”amie”, Otilia (et je suis bien sûr d’accord, elle n’a en rien été l’amie de Gabita), ne fait que se durcir tout au long du film et l’idée de ce qu’elle a fait pour Gabita finit par lui devenir insupportable.
Tout cela, je l’ai détaillé longuement tout en soulignant que l’éducation nationale tirerait de cela des leçons fausses et insupportables.
Le principal reproche fait par Jean-Marie Le Mené au film est d’être “amoral”. Au-delà de cette prise de conscience que j’évoquais, c’est vrai : il s’en dégage une atmosphère d’amoralité née du communisme athée, et qui en est le fruit le plus amer et le plus empoisonné.
Pour autant – et je vous assure que je n’ai pas regardé ce film avec bienveillance ! – il me semble que Mungiu a fait un film juste et vrai sur la réalité de l’avortement plus que sur la réalité de son interdiction, et même sur la responsabilité et la conscience comme il l’a lui-même dit. C’est si vrai qu’en dehors du viol des deux jeunes femmes, les choses se passent en réalité plutôt “bien” et sans conséquences physiques désagréables. Le désastre est entièrement psychologique.
Peut être un homme et une femme voient-ils ce film de manière très différente. Pour ma part, j’y ai vu la haine de soi et des autres qu’entraîne ce crime dans un contexte où ses acteurs n’ont personne vers qui se tourner pour obtenir le pardon.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais bien pouvoir en débattre avec Jean-Marie Le Mené…
alain21
ce débat entre Mme Smits et M.Le Mené prouve que même entre des personnes que l’on ne peut pas soupçonner d’être de bord différents , la vision de ce film conduit à des conclusions différentes .
Je vous laisse imaginer le même débat entre quelqu’un de notre camp et celui de la culture de mort.
Ce film possède une ambiguité intrinsèque et chaque camp peut le récupérer. A mon avis ,c’est un un outil de communication à manier pour le moins avec précaution , surtout lorsqu’il s’agit de faire passer un message provie.
paliard
Dès sa sortie en salle, plusieurs membres du bureau de la Fédération Isère du MPF sont allés voir le film “4 mois, 3 semaines et 2 jours” qui a déjà fait débat au sein du ministère de l’Education Nationale.
La gravité du sujet conduit la fédération Isère à rappeler la position du mouvement pour la France.
Plus de 30 ans après sa dépénalisation, personne ne peut affirmer que l’avortement est la réponse appropriée à la détresse d’une femme
enceinte, quel que soit son âge et les conditions dans lesquelles cet avortement est réalisé .
Force est de constater que l’interruption de grossesse, ne laisse derrière elle qu’un champ de ruines dont les premières victimes sont la
femme et l’enfant.
Aux antipodes de cette “culture de mort” , le mouvement pour la France propose depuis sa création une politique tournée vers la vie et la
famille.
Quand malheureusement la grossesse devient une source de détresse, c’est à la société d’apporter les aides nécessaires indispensables aux parents pour permettre le meilleur accueil de l’enfant, même s’il n’a pas été désiré ou s’il est malade.
Le film “4 mois, 3 semaines et 2 jours” donne une vision totalement négative, triste et sans amour de la conception et de la grossesse.
La fédération de l’Isère du mouvement pour la France demande instamment au ministre de l’éducation de ne pas diffuser ce film perturbant auprès des jeunes qui aspirent à une vision positive de la société.
Bruno Paliard
Secrétaire de la fédération de l’Isère du mouvement pour la France
Responsable de la commission éthique et famille.
(Espérons que le MPF fasse officiellement pression sur le gouvernement UMP…
Philippe Carhon)
senex
Ce qui est choquant dans toute cette affaire,c’est d’imposer aux enfants la vision d’images insoutenables.Supposons que l’Enseignement catholique ait imposé le film de Gibson!!!
Tout cela rejoint la lecture obligatoire de la lettre de Guy Moquet.Même défi au bon sens.
Que chacun se fasse une opinion, mais pitié pour les jeunes esprits.
virginie raoult-mercier
Je me réjouis de la position audacieuse et courageuse de Monsieur Le Méné qui ose s’attaquer fermement et sans appel aux notions, estimées trop vite relatives, du Beau, du Grand, du Bien.
Non, ce film n’est pas beau, n’est pas bon et n’est pas un grand film et, si la détresse psychologique de la femme peut, peut-être, transparaître, au travers de certaines scènes, l’horreur de l’acte même d’avortement, la détresse de l’enfant lui-même, sacrifié, sont ignorées…
Non, ce film ne saurait constituer un film pro-vie; si le réalisateur lui-même le pense, qu’il ose le dire, haut et fort, mais que ceux qui interprètent ses dires ou intentions s’abstiennent !