La première édition de Chronique du choc des civilisations datait de 2008. Minute présente la 4e :
"[…] La 4e édition de Chronique du choc des civilisations, qui vient de paraître, intègre les évolutions considérables survenues en sept ans dans un monde complexe sans que les thèses défendues à l’époque par le géopoliticien soient invalidées. La relecture de son ouvrage de 2008, qui, avec le recul, aurait pu être cruelle pour Aymeric Chauprade, montre que la réflexion de l’auteur s’inscrit bien dans « le temps long des civilisations » et que, à ce titre, sa pensée reste valable au-delà des développements intérieurs et extérieurs de la politique des États qui, loin d’invalider ses thèses, viennent au contraire les conforter.
Le temps était néanmoins venu de procéder à une refonte de Chronique du choc des civilisations afin d’analyser les phénomènes émergents. Aymeric Chauprade s’y est attelé au point de livrer une édition actualisée et augmentée qui est quasiment un nouvel ouvrage et qui permet, avec une clarté remarquable, de comprendre les lignes de force des mouvements à l’œuvre sur l’ensemble des conti- nents. De sorte que « le Chauprade » – comme les latinistes parleraient du Gaffiot – est un manuel de lecture aisée qui offre les clefs de compréhension d’une actualité dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’est que rarement conceptualisée."
Aymeric Chauprade est longuement interrogé dans ce numéro de Minute. Extrait :
"Vous racontez, exemples à l’appui, que les décapitations commises par des islamistes ne datent pas de la création de l’État islamique mais qu’il y en a eu de nombreuses, en Europe, au début des années 1990, durant la guerre de Bosnie. Comment se fait-il qu’on ne découvre cette effroyable pratique que maintenant ?
Mon atlas de géopolitique révèle en effet de nombreuses choses sur l’État islamique, ses spécificités, ses modes de financement, mais il inscrit le retour de ce califat islamique dans la continuité de l’Histoire. C’est d’ailleurs ce qui caractérise mon travail. Je suis un géopolitologue du temps long. Ce qui est nouveau, ce n’est pas la pratique de l’État islamique, laquelle s’appuie déjà sur la pratique des premiers siècles de l’islam ; ce qui est nouveau, c’est la médiatisation des crimes et l’utilisation de la terreur comme arme d’influence et de recrutement.
En quoi la création d’un califat, par l’État islamique, est-elle différente des actions terroristes menées par Al Qaida ?
Il y a une différence de stratégie entre Al Qaïda et l’État islamique : Al Qaïda pensé par Ben Laden menait un combat global, transnational, déterritorialisé. L’État islamique d’Al Baghdadi mène une stratégie radicalement différente : le combat est territorialisé. Il faut construire un État islamique fort, posé sur un immense territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, puis prendre les deux grandes capitales de l’histoire islamique (ommeyade et ab- basside), Damas et Bagdad, et s’étendre ensuite sur le reste du monde à partir de cette base étatique forte.
La génération Al Qaïda du début des années 2000 étant encore influencée par l’idéal du mondialisme transnational, des réseaux, la conviction que les États étaient finis. La nouvelle génération de djihadistes est à l’image du monde multipolaire : elle est marquée partout par le retour des États et des souverainetés. […]"