Stéphane Ravier, sénateur Reconquête des Bouches-du-Rhône, dont le siège n’était pas renouvelable aux élections de dimanche, analyse pour Valeurs Actuelles :
Sous des airs de stabilité, les choses changent en pire. Nous remarquons une poussée de l’extrême-gauche, les écologistes gagnent trois sièges et les communistes deux, même si l’on ne cache pas son plaisir devant l’absence de La France insoumise dans une assemblée où la courtoisie française est encore de mise. A l’inverse, on préfère voir entrer trois sénateurs du Rassemblement national.
Le camp présidentiel sort affaibli de ces élections sénatoriales. Comment l’expliquez-vous ?
Cette soirée électorale fut également court-circuitée par l’expression présidentielle. En remettant la responsabilité de la hausse des impôts sur les maires, il se défausse de ses erreurs et augure une suite de quinquennat tout aussi méprisante que les six dernières années envers les 35 000 communes, socle de notre cohésion nationale. 85% des communes n’ont pas augmenté leur taxe foncière, les 15% d’autres y ont été contraintes par la suppression de la taxe d’habitation et l’inflation. Les élections ont été très mauvaises pour Renaissance qui a perdu sept sénateurs. Ceci explique que la flagornerie macronienne ait cessé. On a vu le vrai Macron : hors-sol revendiqué.
La droite perd treize sièges par rapport à la dernière mandature mais reste majoritaire. Le Sénat représente-t-il le seul contre-pouvoir à la majorité présidentielle ?
C’est le résultat de la non-pertinence de leur ligne politique depuis trois ans. Ils ont refusé d’être dans l’opposition. Ils n’ont jamais manqué d’être la béquille d’un gouvernement en quête de légitimité. Ils ont voté toutes les restrictions liberticides durant le Covid, empêché les maires de s’opposer à l’installation d’éoliennes sur leurs communes, validé la constitutionalisation de l’IVG, la loi bioéthique et la PMA sans père.
Sarkozy appelle les Républicains à entrer au gouvernement pour influer sur la ligne, d’autres cadres appellent à être dans l’opposition. Quelle attitude doivent-ils avoir, alors que les projets de loi sur l’immigration, la fin de vie notamment arrivent ?
La droite cherche des solutions palliatives pour quitter la scène politique nationale dans la dignité. Ils ne sont qu’en sursis. Il n’y a aucune vision. On y défend une boutique et des carrières. Chacun pousse sa stratégie personnelle, mais à la fin c’est encore le pays réel qui trinque. Il reste sans voix et dans une désespérance toujours plus grande.
Trois sénateurs RN font leur entrée au Sénat. Vont-ils renforcer le camp patriote ?
Trois élus Rassemblement national de sensibilités différentes nous rejoignent. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle. J’espère les trouver à mes côtés dans un maximum de combat pour le Bien commun et dans l’intérêt des Français.
Allez-vous travailler avec eux ?
J’ai des désaccords de fond et de stratégies avec leur parti, comme avec d’autres. Mais j’ai toujours travaillé, au Sénat ou dans les Bouches-du-Rhône, avec tous les élus de bonne volonté. Quand on aide un maire à obtenir une gendarmerie sur sa commune, on ne lui demande pas son étiquette politique avant.
Envisagez-vous un groupe commun ?
Former un groupe permet des temps de parole avantageux, l’inscription à l’ordre du jour de textes et une meilleure représentation dans les commissions et instances du Sénat. C’est pourquoi, je profite de ce renouvellement sénatorial et de l’élection de nouveaux élus des divers courants de la droite et du Rassemblement national, pour en appeler à la formation d’un groupe politique enraciné et populaire qui porte une voix nouvelle à la chambre haute du Parlement.
Pour former un groupe, il faut au minimum une dizaine de sénateurs. Avec qui souhaitez-vous siéger ?
Au moment où Emmanuel Macron fait preuve du plus grand mépris envers les élus locaux et où l’alliance sénatoriale majoritaire entre Les Républicains et les Centristes se compromet avec un gouvernement en panne d’alliés, je propose la création d’un groupe rassemblé autour de la défense de l’identité nationale et des libertés publiques et locales. Pour cela, j’en appelle évidemment aux trois nouveaux sénateurs nationaux qui se sont engagés au rassemblement dans l’intérêt général du pays. J’en appelle également aux élus de droite qui ne veulent pas jouer les supplétifs du gouvernement, faire la courte échelle aux carriéristes d’extrême centre et souhaitent rentrer dans un rôle d’opposition constructive et déterminée.
Votre initiative ne risque-t-elle pas de se heurter aux appareils partisans ?
Dépasser les clivages partisans demande du courage, j’en suis conscient. Cependant la situation de notre pays exige des choix forts et des attitudes nouvelles. La confiance des Français envers leurs élus ne se retrouvera qu’à cette condition. Ensemble, nous pouvons réellement redonner de la vitalité à cette haute-assemblée et bien au-delà. La poutre travaille déjà depuis plusieurs années. Certains collègues font preuve d’une grande liberté vis-à-vis des consignes de vote et de parrainages présidentiels de leur parti. Nous partageons de nombreux combats. Je compte sur ceux-là et sur les nouveaux élus de convictions.