Un post d'hier mentionnait ce maire de la ville de Padoue en Italie, qui
"[…] a annoncé sur son compte Facebook qu’il était désormais obligatoire pour les écoles et les établissements d’état dépendants de la municipalité d’accrocher aux murs de toutes les salles un crucifix. Il a par ailleurs annoncé que ceux qui ne se consentiraient pas à accrocher les crucifix, payés par la municipalité, seraient punis.[…]
Pour bien comprendre la décision de ce maire, qui compte engager des poursuites judiciaires envers les contrevenants, il est nécessaire de se reporter quelques années en arrière. En 2002, une Finlandaise mariée à un Italien, sollicita auprès de la direction de l'école publique d'Abano Terme (Italie – Vénitie) où étaient inscrits ses deux enfants le retrait des crucifix exposés dans chaque salle de classe.
Le refus de la direction, justifié par deux décrets de 1926 et 1928 prévoyant la présence des crucifix dans chaque salle de classe, fut déféré devant le tribunal administratif de Vénitie. A cette occasion, le tribunal accepta de transmettre une question de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle italienne mais celle-ci se déclara incompétente au motif que les dispositions litigieuses sont de nature règlementaire – décrets – et non législative. Le recours fut finalement rejeté par le tribunal administratif, solution confirmée ensuite par le Conseil d'État italien […]
En novembre 2009, et suite à la plainte déposée par la mère des deux enfants, un arrêt de la Cour européenne de justice oblige l'Italie à retirer les crucifix des bâtiments publics car
"la présence des crucifix dans les salles de classe des écoles publiques italiennes violait le droit à l'instruction (Art. 2 du Protocole n° 1) examiné conjointement avec la liberté de religion (Art. 9) des élèves. "
Nouveau rebondissement de l'affaire en mars 2011 : suite à la mobilisation des Italiens, la Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg réexamine l'affaire et contredit l'arrêt de novembre 2009:
"Certainement soucieuse de ne pas souffler sur les braises, la Cour de Strasbourg renverse la solution dégagée par la Chambre. Elle admet donc le 18 mars 2011 que « le crucifix est avant tout un symbole religieux », et qu’en principe « la décision de perpétuer ou non une tradition relève en principe de la marge d’appréciation de l’État défendeur ». En particulier, selon la Cour, « les États contractants jouissent d'une marge d'appréciation lorsqu'il s'agit de concilier l'exercice des fonctions qu'ils assument dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement et le respect du droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ». Dès lors, « la Cour se doit […] en principe de respecter les choix des États contractants dans ces domaines, y compris quant à la place qu'ils donnent à la religion, dans la mesure toutefois où ces choix ne conduisent pas à une forme d'endoctrinement ».
Suite à ce nouvel arrêt, plus rien n'interdit donc aux crucifix de revenir à leur place initiale sur tous les murs des bâtiments publics italiens, selon une tradition bien ancrée en Italie:
"Le crucifix a fait son apparition dans les écoles du pays avec l'unité de l'Italie, en 1861. En 1924 et en 1928, deux décrets royaux ont confirmé son droit d'exister dans les établissements scolaires. Droit réaffirmé en février 2006 par décision du Conseil d'État. Au-delà du symbole religieux, les Italiens voient dans le crucifix un élément qualifiant de leur histoire, de leur culture et de leur identité nationale."
Le maire de Padoue a donc pris une décision qui ne fait qu'entériner un droit existant de longue date. Il applique rigoureusement la loi en vigueur en Italie.