Les neuf cardinaux conseillant le pape François sur la réforme de la curie romaine sont réunis depuis lundi avant un consistoire extraordinaire convoqué sur le même sujet jeudi et vendredi. La réforme de la curie est l'un des chantiers que le pape François affronte depuis son accession au Souverain Pontificat, et ce n'est pas le moindre.
En effet, cet univers n'est pas un milieu manichéen avec des gentils d'un côté et des méchants de l'autre, des "ouverts" contre des "fermés", des "progressistes" contre des "passéistes", etc. Ceux qui passent leurs journées à encenser tout acte du pape François ne sont pas forcément acquis à l'idée de cette réforme. Et bien souvent ils cherchent à conserver par la flatterie leurs pouvoirs. D'autres continuent leurs petites manoeuvres avec la complicité de journalistes, en cherchant notamment à inventer des oppositions bidons (comme ce reportage de France 2, chaîne que l'on a connu moins papiste…) afin que l'on détourne d'eux le regard. Récemment le pape François a dénoncé la simonie (le fait de vendre les sacrements) et peu ont fait le lien avec l'épiscopat allemand, qui excommunie les "mauvais" chrétiens qui ne paient pas la taxe, épiscopat qui milite aujourd'hui en faveur de la communion aux divorcés-remariés voire en la reconnaissances des unions homosexuelles, pour des raisons visiblement plus simoniaques que 'miséricordieuses'.
L'évêque émérite de Karaganda, Kazakhstan, a publié une lettre ouverte sur la crise de l'Eglise, choisissant ce mode d'expression par crainte de voir toute autre voie barrée par un « mur de silence total », comme de coutume avec la Curie. Il s'y interroge sur le rôle de la Secrétairerie d'Etat, le choix des évêques, la manière dont les plus fidèles d'entre eux sont marginalisés. Sur le silence des conférences épiscopales à propos des questions essentielles de foi ; sur « l'esprit du monde qui mène paître les bergers ». Sur la liturgie. Cette lettre, datée du 1er janvier dernier, met les pieds dans le plat et montre l'immensité de la tâche à laquelle le pape François s'est attelé. En voici un extrait :
"[…] Malheureusement de nos jours il devient de plus en plus évident qu’au Vatican à travers le secrétariat d’état on a emprunté la voie du politiquement correct. Certains nonces sont au plan de l’Eglise universelle des diffuseurs du libéralisme et du modernisme. Ils se sont approprié le principe du « sub secreto Pontificio » par lequel on cloue habilement le bec des évêques. On leur fait comprendre que ce que dit le nonce est pratiquement ce que souhaite le pape. Avec de telles méthodes les évêques sont séparés les uns des autres, si bien que les évêques d’un pays donné ne sont parfois plus à même de parler d’une seule voix dans l’esprit du Christ et de l’Eglise pour défendre la foi et la morale. Pour ne pas tomber en disgrâce auprès des nonces, certains évêques acceptent leurs recommandations qui ne reposent que sur leurs propres paroles. Au lieu de diffuser la foi avec zèle, de proclamer courageusement l’enseignement du Christ, de tenir bon dans la défense de la vérité et de la morale, les évêques, lors des conférences épiscopales, s’occupent souvent de choses qui n’ont rien à voir avec les devoirs des successeurs des apôtres."
A ce problème s'ajoute celui de la nomination des évêques, qui se fait le plus souvent par cooptation sans que le pape puisse intervenir :
"Il me semble que cette voix bien peu audible de nombreux évêques est une conséquence de ce que, lors du choix des nouveaux évêques, les candidats sont examinés de façon insuffisante, surtout en ce qui a trait à la fermeté exempte de doute, à l’intrépidité dans la défense de la foi, à la fidélité aux traditions séculaires de l’Eglise et à la piété personnelle. De toute évidence, lors de la nomination de nouveaux évêques et même de cardinaux, on tient parfois plus compte des critères d’une certaine idéologie, voire d’impératifs dictés par des groupes très éloignés de l’Eglise. De même la bienveillance des mass-médias semble être un critère important. Ces mêmes médias qui ridiculisent habituellement les candidats « trop saints » et diffusent d’eux une mauvaise image, vont faire les louanges de candidats qui possèdent moins l’esprit du Christ, les présentant comme ouverts et modernes. Par ailleurs seront mis intentionnellement sur la touche les candidats qui se distinguent tant par leur zèle apostolique que par leur courage à proclamer l’enseignement du Christ et par leur amour de tout ce qui est saint et sacré.
Un nonce m’a dit un jour : « Dommage que le pape (Jean Paul II) ne prenne pas part personnellement à la nomination des évêques. Le pape a tenté de changer un peu les choses dans la Curie romaine, mais il n’y est pas parvenu. Il vieillit et les choses reprennent leur cours d’avant».
[…] Ce n’est pas sans raison que le bienheureux pape Paul VI a déclaré : « Par quelque fissure la fumée de Satan est entrée au sein du temple de Dieu ». Je pense que cette fissure aujourd’hui s’est passablement agrandie. Le diable utilise toutes ses forces pour renverser l’Eglise du Christ. Toutefois, afin que cela ne se produise pas, il est nécessaire de revenir à une proclamation claire et nette de l’évangile à tous les niveaux du service ecclésial, car l’Eglise possède tout pouvoir et toute grâce que le Christ lui a donnés, lorsqu’Il a dit : « Tout pouvoir m’été donné au ciel et sur la terre. Allez et enseignez toutes les nations, et exhortez-les à suivre tout ce que je vous ai enseigné. Je suis avec vous jusqu’à la fin du monde » (Mt.28, 18-20), « la vérité vous rendra libres » (Jn. 8, 22) et « que votre langage soit : Oui ? oui, non ? non : ce qu’on dit de plus vient du mauvais » (Mt.5, 37). L’Eglise n’a pas à s’adapter à l’esprit du monde, mais elle se doit de le changer grâce à l’esprit du Christ. […]"