Analyse d'Henri Védas concernant Sens Commun, manifestement dans une passe difficile. Il ne s'agit d'en rajouter pour le plaisir, mais il faut en parler, car les questions de stratégie politique des cathos/conservateurs qui sont en jeu sont centrales. Nous aurons l'occasion d'y revenir avec l'ouvrage de Guillaume Bernard La Guerre à droite aura bien lieu :
"J’ai de la sympathie pour leur démarche. Une stratégie d’influence auprès du principal de droite se défend tout-à-fait (car oui, le principal parti de droite, c’est encore celui qui a 200 députés et 140 sénateurs, pas celui qui a 2 députés et 2 sénateurs…). Mais la démarche a toujours été périlleuse. Ils le savaient et disaient n’être « qu’en CDD » chez LR, et être prêts à claquer la porte.
Le 1er péril de la démarche est celui d’être gagné par l’esprit partisan – de se sentir plus proche d’un LR non-LMPT que d’un LMPT non-LR. Lié à cela, le risque de compromission. D’être maintenu en attente d’investitures, de places au Bureau Politique, etc – et de finir par être tenu. Ce n’est pas du carriérisme, mais une variante du syndrome du pont de la rivière Kwai, où les moyens deviennent des fins.
Où en est Sens Commun vis-à-vis de ces risques ? Est-il encore en CDD, capable de tout lâcher à LR s’il estime que les résultats ne suivent pas ?
Le second péril est que Sens Commun tire son poids au sein de LR de sa crédibilité auprès des centaines de milliers de sympathisants de LMPT. Ce fait impose à Sens Commun de ne pas forcément jouer la stratégie la plus astucieuse, mais celle qui préserve aussi sa légitimité parmi sa « base ». La séquence du choix de Fillon a été ratée à cet égard. Dans sa forme d'abord – mauvais timing, déficit d’explications convaincantes.
Un soutien à Fillon aurait été mieux compris s’il avait été transactionnel, Sens Commun obtenant des engagements concrets en échange de son soutien. Or le discours de Sens Commun se ramène à « faites-nous confiance, les troupes, Fillon est un gars bien ». Mais les troupes n’ont pas confiance.
Voici ce qu'en dit Christophe Billan, président de Sens Commun (« ONLR, mais selon une temporalité non sacralisée », c'est-à-dire post-2017…) :
(Où l’on apprend que SC ne priorise pas vraiment les thèmes pro-famille par rapport à la politique étrangère, par ex. Dispersion.)
Sur le fond, maintenant. On peut ne pas toujours soutenir le mieux-disant. Mais on ne peut pas non plus se rallier à n’importe qui. Même pour un candidat "réaliste", il y a un seuil minimal que passerait un Wauquiez, un Retailleau, mais que Fillon ne passe simplement pas. Son soutien zélé à Bachelot. Sa revendication d’un droit fondamental à l’avortement (qui le place bien à gauche de la loi Veil). Et sa responsabilité particulière d’avoir été un des premiers responsables LR à dire, début 2014, qu’il n’abrogerait pas la loi Taubira.
Donc Sens Commun a entamé beaucoup de son crédit dans le cercle plus large des LMPT. Et ce n’est sans doute pas la fête en interne non plus. Sens Commun est malheureusement coincé avec Fillon, mais peut peut-être rétablir une part de son crédit dans son attitude entre les deux tours. Avec un choix qui sera forcément critiquable, mais qui soit transparent, transactionnel, lisible.
Au-delà, Sens Commun devra chercher à renouer avec son hinterland LMPT en montrant qu'il est toujours en CDD à LR, qu'il ne s'y est pas embourbé. Et il se pourrait même qu'une ligne plus intransigeante permette d'être mieux pris en compte à l'intérieur même de LR."