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Culture

A propos des Mangas (suite)

A propos des Mangas (suite)

En février, j’avais publié un extrait d’un article de l’Action Familiale et Scolaire sur les Mangas, qui avait suscité un certain nombre de réactions, parmi lesquelles un article de Vexilla Galliae. Dans son nouveau numéro, l’AFS publie la suite de son analyse, rédigée par un groupe de professeurs. En voici un extrait :

[…]

Les contes de fées et les contes en général ont été de tout temps une part importante de la littérature enfantine et de la littérature tout court : refuser systématiquement l’imaginaire revient à rejeter la moitié au moins des arts et des lettres, y compris Homère et La Fontaine !

C’est exact et il n’est pas question de refuser toute histoire, écrite ou dessinée, sous prétexte qu’elle n’est pas strictement réaliste ou
qu’elle a pour premier but d’offrir un moment d’évasion. Il faut tout de même établir quelques distinctions. Il y a déjà bien de la différence entre un conte, raconté avec des mots (donc une oeuvre littéraire) et sa représentation graphique. Voici ce qu’en disait Tolkien en 1947 avant la déferlante des films, dessins animés et autres animes :

Dans l’art humain, l’imaginaire est une chose qu’il vaut mieux laisser aux mots, à la vraie littérature. Dans la peinture, par exemple, la présentation visible de l’image fantastique est techniquement trop facile ; la main a tendance à distancer l’esprit et même à le renverser. La stupidité ou la maladie en sont les résultats fréquents.

Il y a un monde entre l’histoire contée par les parents à la veillée devant un feu de bois après une journée de travail à la ferme, et la même histoire en dessin animé, regardé, en général d’ailleurs individuellement, sur une tablette ou autre écran, par un enfant qui a passé l’heure précédente à voir un film et passera la suivante sur un jeu vidéo, avant, peut-être, de faire des recherches “sur la toile” pour son devoir de français et sûrement de finir sa soirée ou sa nuit sur un réseau quelconque. À moins qu’il ne passe ladite nuit à visionner tous les épisodes de son manga préféré.

À supposer que la qualité des spectacles soit irréprochable, la quantité d’exposition aux écrans est un facteur aujourd’hui bien connu d’abrutissement ainsi que de rupture avec le réel (rapports avec la nature et avec autrui, avec Dieu et jusqu’à la perte la conscience de soi). Que le spectacle soit en plus du genre fantastique ou merveilleux n’arrange rien et on a vu à cet égard l’emprise que même les mangas sur papier peuvent avoir sur leurs lecteurs, qui ressentent « un grand vide », l’absence de « raison de vivre » en fermant un album : « Je vis pratiquement dans le manga » ; « pour moi, vivre dans un manga serait une vie parfaite ». Tolkien, encore, célébrait le pouvoir d’évasion de la littérature de l’imaginaire comme un retour à la réalité profonde, loin du quotidien industrialisé, laid et violent du monde contemporain et non comme une fuite résolue du réel.

En outre, la société de consommation et la technologie permettent de prolonger indéfiniment le rêve (ou le cauchemar), plein de sensations fortes de l’histoire imaginaire elle-même : on passe du manga à l’anime, de l’anime au jeu, du jeu aux produits dérivés, des produits dérivés au cosplay… On peut littéralement « vivre dans un manga » (ou dans tout autre histoire à succès) si on veut.

Sans doute faut-il également distinguer le fantastique du merveilleux. Ce dernier genre emmène dans un autre monde : il se donne franchement comme une sorte d’évasion (au bon ou au mauvais sens du terme, cela reste à décider). Le fantastique introduit l’étrange, le supranaturel, dans l’univers quotidien. À ce titre il est plus puissant sur l’imagination : il est plus facile de s’identifier à un collégien du XXIe siècle qu’à un chevalier mythique. Que ce collégien parte ensuite dans une quatrième dimension ou autre destination de ce style, on s’envole avec lui, et on revient dans la vie quotidienne avec ses expériences, ses souvenirs, ses comportements, son langage ; les relations avec autrui se réduisent alors souvent à partager ces références.

Bien sûr, toutes choses considérées, il faut s’intéresser au contenu des oeuvres, et de près : les contes n’étaient déjà pas toujours destinés aux enfants, les mangas ne le sont pas non plus, nous l’avons vu. La complaisance dans le morbide, même avec une bonne “morale” à la clé (ce qui est déjà à vérifier, car le Japon est « loin du manichéisme » et les mangas offrent des fins inattendues) suffit à écarter un livre ou un spectacle, même considéré comme faisant partie désormais de notre culture.

Mais les mangas sont en outre issus d’un monde païen et se diffusent dans un monde néo-païen où l’émotion prime toute activité et obnubile la réflexion. S’il y a un message, il est à la mode : tolérance, environnement, pacifisme… sur fond de shintoïsme avoué. Regarder ou lire de telles oeuvres, surtout si elles sont esthétiquement et psychologiquement réussies, et même si elles sont vraiment destinées à un jeune public, ne peut pas ne pas laisser de traces sur l’esprit.

[…]

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2 commentaires

  1. Je me suis fait un nœud au cerveau à essayer de comprendre le but de cet article.

    Un commentateur charitable du Salon Beige pourrait-il m’expliquer en deux mots c’est quoi cette guéguerre pro/anti-manga au sein du milieu catho-royco, je m’en voudrais de passer à côté de quelque chose « d’important » (ils ont du mal à se décider entre autodafé et pas autodafé ?).

  2. Excellente question du Fleuriste. Je n’avais pas commenté en février car je faisais carême de réseaux sociaux mais ce retour à la charge me donne l’occasion de le faire. J’avais trouvé cet article inepte. Déjà, sur la forme, l’auteur de l’article lit-il des histoires à ses enfants à la veillée au coin du feu après une journée de travail à la ferme ? Sérieux ? Ensuite, ses considérations sur les écrans ne sont pas fausses mais hors de propos : un manga, c’est d’abord un livre. Certains sont bien sûrs adaptés sur les écrans. Oui, comme Tintin ou Astérix. Son opposition entre mangas et Tolkien est totalement artificielle. “Le Seigneur des anneaux” est justement le contre-exemple de ce qu’il dit :il y a des gens qui vivent dedans, on visite le village des hobbits en NZ et il s’est même trouvé des gens pour appeler à voter Gandalf à des élections présidentielles américaines. Sur le fond, il oublie que les Actes des Apôtres, la Genèse et l’Exode ont été adaptés en mangas par une chrétienne. C’est fort bien fait, fidèle au taxte et permet d’évangéliser les jeunes. Car l’auteur oublie complètement qu’il y a des chrétiens au Japon, très courageux. Ils sont très peu nombreux mais ont plus de vocations religieuses en proportion que les Occidentaux, preuve de leur dynamisme. Alors que l’Esprit Saint lui donne de comprendre qu’Il souffle aussi sur les Japonais. Ste Inès et st martyrs de Nagasaki, priez pour nous.

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