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L'Eglise : Vie de l'Eglise

« A qui veut régénérer une Société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines. »

Sermon du père Cyprien, moine du monastère de N.D. de La Guadalupe au Nouveau Mexique (USA), prêché le 18 septembre à l'occasion d'un pèlerinage de la FSSPX à Domremy. Il est tout à fait adapté à la fête du Christ-Roi (aujourd'hui dans la forme extraordinaire) : 

+ Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, Ainsi soit-il.

Statues-restauration« Très Glorieuse et Divine Pucelle, Fille très digne de l’Auguste Reine des Anges, Princesse du Ciel ; Servante de Dieu, Vénérable, Bienheureuse et Sainte ! Jehanne d’Arc, Vierge et Martyre ! Guidez nos pas aujourd’hui, au delà de ce pèlerinage au cours duquel nous venons de retracer les parcours de votre enfance. Veillez sur nous du haut du Ciel, nous qui osons marcher à votre suite, là où vous nous dirigerez : vers les champs de bataille comme l’armée royale d’autrefois, ou vers la paix ultime du rétablissement du règne du Roi légitime. 

Remplissez nos cœurs de l’esprit de Foi : qui a été le fondement de votre mission, de l’esprit d’Espérance : que vous avez incarné pour remonter le moral de toute une armée, et de l’esprit de Charité héroïque : par le spectacle dramatique de votre martyre sur le bûcher à Rouen. 

Remplissez nos cœurs de votre esprit invincible en cette occasion de pèlerinage consacré à votre mémoire et à votre honneur, honneur qui ne fait qu’un avec celui qui est dû en justice, à Notre Seigneur Jésus Christ, Vrai Roi de l’Univers.  Amen »

Chers Confrères, chers Pèlerins, 

Cher Monsieur l’abbé Monnier, vous avez la grande grâce de venir ici dans cette basilique pour célébrer une première messe, sous la bannière de la sainte héroïne de la France et de toute la Chrétienté.

Citons la phrase très célèbre du pape Léon XIII, celui qui a confirmé la cause de notre sainte en la propulsant au rang de « vénérable » :

« A qui veut régénérer une Société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines. »

Les historiens n’ont pas eu tort de nous dire que la France « est née du cœur d'une femme, de sa tendresse, de ses larmes, du sang qu'elle a versé pour nous » et que l’on ferait bien d’apprendre à nos enfants de prononcer le nom de Jehanne d’Arc « avec une grande révérence et reconnaissance ». 

Dans cette « femme » nous avons l’origine dont parle le pape. En elle, nous avons à la fois un rappel du passé, une renaissance d’identité, un retour à la ligne miraculeuse et ininterrompue de continuité, elle incarne ce qui est impossible à effacer des origines saintes de la France. Elle parle au nom du « Dieu de Clotilde » de St. Rémy, de la Sainte Ampoule, de la lignée capétienne aussi bien que St. Louis et « saint » Charlemagne, comme elle disait. Elle nous ramène à ces origines en faisant ce rappel à la conversion qui précède la vocation, ce qui a fait la splendeur de la vraie société française. 

Et par les prières et les pénitences de ce pèlerinage, nous avons compris « avec raison », cette précision de Léon XIII, comment « régénérer une Société en décadence. »

Mes chers amis, il nous est bon de revenir ici aux sources, où tout a commencé … !

Car dans la brume et la bruine des pluies de l’automne lorrain, nous voici en pèlerins attirés par le charme irrésistible de l’enfance de notre Sainte, et sa formation merveilleuse à l’école des Anges et des Saints, formation d’ordre divin, qui plus tard va démonter les ruses malicieuses de ses juges. Contemplons notre chère Pucelle, et l’attirance mystique de ces lieux privilégiés qui nous entourent, où le ciel s’est abaissé jusqu’à la terre dans le cœur pur d’une enfant, pour y former un royaume.

Vous voyez tout autour de vous dans cette magnifique basilique, des grandioses peintures qui montrent de manière admirable les phases et les étapes de la vie extraordinaire de notre Sainte. Ces peintures ont été réalisées avant sa béatification, et c’est bien St. Pie X, le souverain pontife qui insiste à avancer sa cause, la déclarant « bienheureuse » et dans la proclamation romaine ce saint pape décrète que toutes ses images soient ornées de l’auréole. Cela pour anticiper sa canonisation rapide au cas ou son successeur aurait quelques hésitations. La lecture du dernier procès de Jehanne, qui fut celui du Vatican, montre bien à quel point l’intervention personnelle du pape a été nécessaire pour sauver la cause de notre Sainte, et pour cesser enfin les querelles entre les cardinaux qui ne pouvaient pas arriver à une conclusion favorable et unanime.

Mais le plus impressionnant, se trouvant dans le transept, où nous contemplons encore deux peintures à droite et à gauche du sanctuaire : la première et la dernière communion de notre Héroïne.

Entre ces deux saintes communions, entre ces deux gestes de la pratique d’une foi profonde, tout une chronologie va naître, qui découle de ce don du Ciel, où l’histoire de la Chrétienté tout entière sera changée pour toujours. Et quelle chronologie admirable, chronologie sacrée, et désormais, comme vous voyez dans la mosaïque au dessus du sanctuaire, c’est Dieu le Père, qui fut la cause première des actions de la Pucelle qui faisait tout en nom Dieu et le Saint Esprit qui a enflammé le cœur de notre Sainte, exprimé dans l’admirable œuvre de Péguy « Le Mystère de la Charité de Sainte Jeanne d’Arc. » Nous voyons aussi St. Michel Archange qui reprend l’étendard de la Vierge Guerrière, Ste. Catherine qui tend l’épée à Jehanne et Ste. Marguerite qui tient le casque de la Pucelle. Vous demanderez où se trouve Dieu le Fils, Notre Seigneur, il est à sa place au tabernacle, sous la garde semble-t-il de l’épée de Jehanne.

Et en complétant cette œuvre d’art, on voit les personnages notables, tous ceux qui ont participé à la construction de la Basilique, plus les centaines de milliers de personnes, toutes les âmes fidèles qui suivent la sainte héroïne depuis six siècles, y compris les nôtres. 

Nous sommes tous ici de la même école de cette histoire exceptionnelle et miraculeuse, cette école, hélas ! devenue aujourd’hui minoritaire, qui est celle des saints prélats, comme le Cardinal Pie, Mgr. Touchet, Mgr. Delassus et autres, des saints prêtres, des Jésuites fougueux, tels que le RP. Jean-Baptiste Ayroles et le RP. Paul Doncœur ainsi que l’illustre Chanoine Dunand, et des rares historiens, comme Alexandre Sorel ou Régine Pernoud qui ont pratiqué la même foi vivante de Jehanne, la vraie foi catholique pour laquelle nous sommes tous, comme Jehanne, prêts à combattre et prêts à verser notre sang.

En compagnie de ce nuage de témoins, dans l’optique de la lumière de la foi, nous ouvrons de manière passionnée les pages fulgurantes de l’histoire de notre Sainte, pour y voir non seulement un conte dramatique de l’histoire du Cœur de la Chrétienté qui est le Royaume du Lys, et que le Christ Roi appelle « son royaume » mais apercevant aussi, il semblerait indéniable, des parallèles impossibles à ignorer, avec l’actualité de notre génération présente.

Car n’oublions pas le fait que Sainte Jehanne d’Arc n’a été canonisée que le 16 mai 1920, et donc à notre époque moderne. On oublie qu’il y a une raison pour cette réalité, une raison parfaite et éternelle, puisque Dieu lui-même l’a mandaté ainsi et non pas autrement. Cette réalité nous fait poser la grave question : Sainte Jehanne d’Arc … à notre siècle moderne ? Dieu a t-il voulu conserver jusqu’à nos jours la réalité ultime du message de notre Sainte ? Voilà une question qui redonne courage à nos cœurs lassés de la durée du combat actuel ! C’est le RP Clérissac qui parle de la mission et du message profond de notre sainte, 

« Jehanne a refait l’unité de la France et la force de durer … elle a aussi servi l’unité et la pérennité de l’Eglise. Comme, à Orléans et à Reims, la France était en Jehanne plus encore que dans le Roi ; ainsi, au Procès de Rouen, l’Eglise n’est pas du côté des juges, mais Elle est en Jehanne avec sa Vérité, sa jeunesse, sa mission de Libératrice du monde. »

L’illustre Dominicain continue : « Ô Sainte Jehanne , ô vous l’une des plus grandes héroïnes du Droit Chrétien et la plus grande héroïne du Droit Français, ne cessez pas de demander pour votre pays la foi et la charité qui furent les vôtres, et pour l’Église, le paisible, mais libre et public déploiement de sa surnaturelle vitalité ! »

Nous croyons aussi à une « surnaturelle vitalité » de la mission de Jehanne, qui est demeurée inachevée et sans conclusion réelle, une vitalité qui trouve sa deuxième phase dans la mission posthume, selon la thèse magistrale de Mgr. Delassus, qui d’après lui, aura bientôt son moment le plus important, le plus solennel, son heure de triomphe, car « Sa résurrection de nos jours, dans une gloire toute nouvelle, qui attire les regards de tous, Français et étrangers, Catholiques et infidèles, nous avertit que sa mission n’est point finie, qu’elle embrasse notre âge, aussi bien que les temps passés, et les temps à venir. »

Pour bien comprendre la source de cette mission exceptionnelle qui relève d’une volonté divine, pour laquelle notre Sainte a exigé à tous ses soldats d’assister au Saint Sacrifice et à se confesser, ouvrons simplement le missel romain de cette magnifique liturgie traditionnelle, à la page du moment le plus solennel de la sainte messe, le vénérable Canon Romain.

Voyons les quatre mots parmi les plus importants du texte sacré, les quatre demandes de la Sainte Eglise, qui décrivent l’action divine, action imminente, action salvifique de N.S. Christ-Roi, la dynamique de la mission de Jehanne, pour laquelle elle a consacré toute sa courte vie, et la véritable raison de son martyre.

Les quatre mots sont les suivants : Pacificáre, Custodíre, Adunáre et Régere : Pacifier, garder, aider et régner. 

Pacifier : la paix consiste dans un équilibre entre l’action et la contemplation. La paix n’est pas une cause mais l’effet d’une cause : on s’engage, on se bat pour vaincre l’ennemi, et pour mettre fin au conflit, pour susciter la paix. « Fiat pax in virtute tua, » que la paix soit le résultat de votre force, le fruit de vos efforts. « Si vis pacem para bellum, » si vous désirez la paix, préparez-vous à faire la guerre. Traduisons ces quatre demandes autrement : Imposer la paix, au risque sa vie, venir d’urgence en aide, et gouverner par un pouvoir absolu, monarchique et divin.

Voilà ce que la Sainte Eglise demande au Christ-Roi, voilà contenu dans ces quatre mots la mission sublime à laquelle notre Sainte a consacré sa vie qui est passée comme un éclair. Les quatre termes de sa vocation, qui exprime la nature même du règne du Christ-Roi et par conséquent, la cause première de la mission de notre grande Sainte.

C’est la première page du canon de cette sainte liturgie romaine que Jehanne a voulu « ouïr » tous les jours, pour laquelle elle a voulu se confesser souvent avant d’aller au combat, sachant qu’elle sera ciblée en premier ; ce saint sacrifice de la messe où elle communie tous les jours, avec les larmes de ferveur aux yeux.

La sainte liturgie nous rappelle, nova bella elegit Deus, Dieu a déclaré une nouvelle guerre. Il y a dans la mission de Sainte Jehanne d’Arc un aspect martial, un aspect d’action impérative, une grave urgence. Cela face aux paradoxes du 15e siècle, et face à notre mentalité moderne qui cherche la paix sans la gagner par le sacrifice du combat, comme si l’ordre de la paix était chose gratuite. Selon Péguy, Jehanne se plaignait des vaines charités … elle se plaignait des trêves impossibles, à base d’intérêts contraires et contradictoires, des modus vivendi illusoires et naïfs, et de la fausse paix des promesses trompeuses.

Au bout de six siècles d’histoire, le résultat est clair : les pays chrétiens de l’Europe se trouvent désormais apostats, paganisés, agnostiques, et athées, les gouvernements devenus des crypto-craties maçonniques. En instrument du complot mondialiste, l’ennemi de la Chrétienté entre librement à la lumière du jour, il passe les frontières désormais sans défense, tandis que le peuple se trouve anesthésié et s’endort dans l’indifférentisme et la médiocrité.

Le message essentiel se notre Sainte est simple et clair. Il faut combattre. Il faut lutter pour réaliser la mise en pratique de ce principe capital, ce que nous disons maintes fois par jour dans le Notre Père : Que l’ordre terrestre, l’ordre temporel, soit sanctifié, et élevé au niveau de l’ordre divin, l’ordre céleste. Sicut in cœlo et in terra, sur la terre comme au Ciel. 

On admire les images de Sainte Jehanne d’Arc ou elle tient l’épée ou son étendard d’une main, alors que l’autre main s’élève vers le ciel. Voilà mes chers amis, le but du combat de l’Eglise militante, c’est de garder les yeux fixés sur la fin ultime, notre salut, notre béatitude au ciel pour l’Eternité.

Avec son doigt dirigé vers le ciel, Sainte Jehanne d’Arc nous rappelle notre mission essentielle, de faire revivre ce règne du Christ Roi, qui n’est pas de ce monde, règne de restauration, règne impératif, et comme nous venons de dire, « que votre Règne arrive, sur la terre comme au Ciel. » Règne qui n’est pas de ce monde mais qui en est le salut, l’unique salut possible. 

Le Royaume des Cieux, le règne du Christ-Roi est à prêcher, à aimer, et à défendre, mais d’abord à contempler, à étudier, et à connaître en profondeur. Notre Sainte crie à ses soldats, « Besognez et Dieu besognera ! » Faites votre devoir et Dieu fera le sien. Fidelis Deus, Dieu est fidèle et ne manquera point de nous galvaniser et de nous guider. N’oublions pas combien notre grande Sainte a souffert pour la sainte Eglise, « Quant à l’Eglise, je l’aime et je voudrais la soutenir de tout mon pouvoir pour notre foi chrétienne » et combien elle a souffert pour la France et pour toute la Chrétienté, comme la Sainte Vierge au pied de la Croix, Jehanne, elle aussi est devenue, d’une certaine manière, la co-rédemptrice de la France.

N.D. des Victoires, la Sainte Vierge Marie, nous prépare au combat de l’heure actuelle par le message prophétique de Fatima, en demandant la récitation quotidienne du Saint Rosaire, les actes de réparation, la dévotion à son Cœur Immaculé, ce Cœur de Marie qui a été le modèle sublime du cœur de Jehanne, ce cœur intrépide et invincible, qui a résisté aux flammes du bûcher, et resté intacte, invaincu. Que le cœur éternel de Sainte Jehanne d’Arc soit notre lumière et notre force dans l’ultime bataille qui s’annonce déjà sur l’horizon. 

Chers pèlerins, je termine par une prière composée au siècle dernier, avant que la grande guerre fut gagnée, du diocèse de Verdun tout près d’ici, qui fut un immense champ de bataille : 

« Bienheureuse Jehanne d’Arc, nos regards sont tournés vers vous et nous restons remplis d’une espérance infaillible, les yeux fixés sur vous, en ce moment de crise sans précédent. Car il y a, de nouveau, grande pitié dans notre France tant aimée et dans toute la Chrétienté. Hâtez-vous de nous secourir ! Fille de Dieu, douce et puissante Patronne, faites revivre dans nos cœurs la foi et la vaillance de nos pères, et puis, priez et bataillez avec nous, et Dieu donnera la victoire. » Ainsi soit-il .

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