L’abbé Mateusz Markiewicz, Supérieur du District d’Europe de l’Institut du Bon Pasteur, a été interrogé par nos confrères de Riposte catholique. Extrait :
La lecture de la note de la Conférence Episcopale Française sur l’application du Motu Proprio nous laisse avec quelques interrogations. Il apparaît qu’un certain nombre d’évêques semblent ne pas comprendre les communautés attachées à la messe traditionnelle. Que faut-il dire aux évêques ? La tradition est-elle toujours missionnaire ?
Ce document a été pour moi une surprise, sur plusieurs points. Le premier est le fait qu’il ne reflète pas la diversité des situations dans les diocèses français et des opinions de différents évêques. Le deuxième est la « méconnaissance » de la liturgie en forme ordinaire dont fait preuve l’auteur de cette compilation : par exemple, l’usage de la clochette, du plateau de communion, de la couleur noire est bien prévu par les lois liturgiques qui régissent cette forme. Je m’interroge aussi sur le sujet de la « qualité » des sermons dont fait état le document : à partir de quel échantillon des sermons a été forgée la thèse de leur « pauvreté » ? S’interroger sur la formation dans nos séminaires est aussi étrange quand on avoue ne pas respecter les directives du Saint-Siège qui exigent que les séminaristes connaissent le latin.
Que dire aux évêques ? Je pense que ce que demandent tant de fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain est très simple : ils supplient leurs autorités ecclésiastiques de leur réserver accueil et ouverture dont ils parlent souvent, et de les laisser, à leur place, œuvrer pour le bien de l’Église.
Sur le terrain, j’observe que, souvent, on ne nous laisse pas faire nos preuves. Pourtant, nos prêtres sont tout à fait disposés, par exemple, à pallier des manques dans les diocèses. Un exemple retient mon attention : nous pourrions aller dans des hôpitaux, où souvent les laïcs doivent faire office d’aumôniers…ce qui veut dire que les malades, les mourants, ne peuvent pas recevoir les sacrements qui les préparent à la mort. Le mouvement traditionnel est missionnaire. On observe qu’il réveille la foi de ceux qui l’ont abandonné depuis longtemps. Nous préparons nous aussi des catéchumènes au baptême, nous avons des apostolats dans les pays de mission (au Kenya, en Ouganda). Je voudrais également souligner la dimension missionnaire du port de la soutane : ce n’est pas qu’un détail ! Grâce à la soutane que portent nos prêtres, les gens nous identifient et nous abordent dans la rue pour parler de différents sujets, y compris la foi. Combien de fois j’ai entendu dire « Ah que c’est bien de voir un prêtre en soutane ! ».
La création de paroisses personnelles (recommandée dans le Motu Proprio de 2007) permet de donner un statut canonique adapté dans les diocèses à la réalité « non territoriale » des communautés traditionnelles. N’est-ce pas un moyen de répondre aux reproches des évêques (français) qui s’interrogent sur la place des communautés traditionnelles dans les diocèses ?
En tant que canoniste, je dois dire que le droit canonique traverse une crise semblable à celle de la liturgie. Une sorte de méfiance générale envers le droit dans l’Église est palpable. Certes, la création d’une paroisse personnelle exige du courage. En même temps, elle donne un cadre juridique clair, qui sauvegarde aussi la position de l’évêque du lieu. Insérer des groupes traditionnels dans un diocèse concret à travers une paroisse personnelle est une bonne solution, qui garantit la stabilité et la tranquillité dans un diocèse. C’est aussi par ce moyen que nous montrons aux laïcs que leur engagement n’est pas seulement vu, mais aussi reconnu et promu. D’ailleurs, même là où l’on célèbre la Messe dans sa forme ordinaire, on voit que de facto, c’est toute l’Église qui se dirige lentement vers un fonctionnement détaché de la paroisse territoriale, car il y a de plus en plus de fidèles qui choisissent leur propre paroisse, pour plusieurs motifs.