Julien Langella, co-fondateur d’Academia Christiana, répond aux questions de Pierre Saint-Servant dans Présent à l’occasion de la septième Université d’Eté d’Academia Christiana, du 19 au 26 août, sur le thème « Construire demain » :
Les années passent et l’engouement pour Votre université d’été se maintient ? En regardant le chemin parcouru, quels furent les ingrédients du succès ?
Notre succès se maintient et se consolide avec au moins 150 jeunes à notre université d’été, ce qui nous place au même niveau que les mouvements militants les plus performants. Ce que nous ne sommes pas, notre ambition étant plus modeste : bâtir un réseau et diffuser des idées. Nous étoffons notre programme chaque année : en plus du secourisme, de la boxe thaï et d’ateliers ludiques, nous offrons maintenant une formation aux adolescents. Le premier ingrédient de notre succès, c’est de répondre à une demande que personne ne satisfait aujourd’hui dans le monde catholique : défendre une voix catholique intransigeante, anti-libérale et identitaire. Le tout avec style.
Vous placez cette UDT sous le thème de la reconstruction. C’est une troisième voie entre le renoncement et le mythe du Grand Soir ?
Il y a plusieurs manières de reconstruire qui sont complémentaires. La réinformation – à laquelle participe Présent –, la création d’écoles libres, l’activisme de terrain, le combat électoral ou l’action patrimoniale (je pense, par exemple au chantier de La-Chapelle-Basse-Mer de Reynald Sécher). Toutes ces initiatives, chacune n’étant qu’un moyen et non une fin en soi, concourent à reconquérir notre patrie. Quant à nous, nous formons les acteurs et les cadres de la reconquête. Pour partir en croisade, il faut des âmes de croisés. Par notre esthétique, une vision exigeante de la communauté et une formation humaine intégrale, nous contribuons à forgerde telles âmes. Nous ne sommes pas résignés mais réalistes : avant le Grand Soir, il y a les petits matins.
La critique du libéralisme est une constante de votre formation doctrinale, tout comme la réflexion écologique et l’affirmation identitaire. Un cocktail explosif qui pourrait vous éloigner d’une possible « union des droites » ?
Qu’est-ce que la droite ? Si c’est un mélange d’affairisme, de conservatisme bon teint pour draguer les cathos et d’opportunisme idéologique, alors nous n’en sommes pas. La droite, la vraie, est profondément anti-libérale, elle remet en cause l’argent roi et défend les équilibres subtils qui ont enfanté et fait vivre la terre où les hommes naissent, vivent et espèrent. Nous sommes philosophiquement de droite car nous défendons la patrie en tant qu’écosystème des hommes, la justice sociale – ainsi que la définit le théologien jésuite Luigi Taparelli en 1840 – comme le principe d’organisation sociale qui rend à chacun selon ses mérites et ses besoins, et la fidélité à notre héritage helléno-chrétien. C’est parce que nous sommes de cette droite, la seule qui peut être qualifiée ainsi, que nous rejetons le culte progressiste de la croissance, la lâcheté devant la déconstruction libertaire des repères et le saccage de la Création, trois aspects de la soi-disant « droite ». Nous sommes pour l’union qui permettra de faire gagner nos idées, mais avant d’entreprendre quoi que ce soit, encore faut-il savoir qui l’on est.
Vos références vont de Gustave Thibon à Christopher Lasch en passant par Gomez Davila, Spengler ou encore Jacques Ellul, puisant aussi bien à « droite » qu’à « gauche ». Comment définiriez-vous en quelques mots la lignée philosophico-politique à laquelle vous vous rattachez et que vous souhaitez prolonger ?
Nous sommes catholiques et, à ce titre, tout ce qui peut encourager le règne social du Christ est nôtre. Toute vérité est nôtre. Nous marchons dans les pas de la philosophie aristotélicienne, de nos pères les Grecs jusqu’à Gustave Thibon en passant par saint Thomas et Chesterton. Nous défendons la philosophie réaliste et puisons dans la pensée de tous ceux, abusivement classés « à gauche » ou « à droite », qui invoquent l’existence de limites, morales, territoriales, écologiques et anthropologiques, à l’orgueil de l’homme moderne.
En parallèle de vos activités de formation, nombre de vos cadres et militants ont fait le choix de s’enraciner en campagne, incarnant un visage méconnu de la néo-ruralité. Vous donnez souvent en exemple des initiatives utopiques. N’est-ce pas un pas de côté ou une manière de fuir ?
Nous avons en effet des militants qui ont fait le choix de l’enracinement et de l’entraide communautaire dans des campagnes préservées, non pour s’y réfugier mais pour y trouver un terrain favorable à l’action locale et conforme à leur talent. Souvent, l’existence d’une école indépendante justifie cette démarche. Tous ne sont pas faits pour l’activisme urbain. Par ailleurs, la majorité de nos membres sont des citadins actifs dans des mouvements de jeunesse, des médias de réinformation et même des partis politiques. Notre université d’été, enracinée dans cette France « périphérique » profonde, est une occasion de ressourcement pour mener la bataille partout où celle-ci nous appelle.
Vous vous intéressez depuis longtemps au populisme, quel fut votre regard sur les Gilets jaunes ? Quels sont vos espoirs pour les années à venir ?
Les Gilets jaunes ont vu naître un authentique mouvement populiste trans-partisan, l’expression enthousiasmante d’une colère populaire qui couvait depuis trop longtemps. Nous y avons donc participé, sans déployer notre appartenance à Academia Christiana mais avec notre seule bonne volonté. Nous ne faisons pas de calculs d’apothicaire, nous agissons d’abord par devoir, comme le fit sainte Jeanne d’Arc. Nous espérons que les jeunes passés par notre école y trouvent une boussole intellectuelle, une énergie morale et une faculté au sacrifice qui en fassent des exemples aux yeux de tous et leur donne la force d’agir concrètement, ici et maintenant, pour le bien commun. […]