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Culture : cinéma

Ad Astra : une odyssée à la fois vers les étoiles et intérieure

Ad Astra : une odyssée à la fois vers les étoiles et intérieure

Chronique cinéma de Bruno de Seguins Pazzis :

Dans un futur proche, l’ingénieur et astronaute de la NASA Roy McBride est opérateur d’un téléscope installé sur la Terre. Sa station d’observation est détruite lors d’une surcharge (“the surge”, “la poussée”) venue de Neptune, qui cause des ravages également sur Terre. Ayant échappé à la mort, le major Roy part alors en mission à la recherche de son père Clifford McBride, disparu seize années plus tôt lors d’une mission de recherche de vie extraterrestre visant à établir une base sur Neptune. Cette mission dénommée « projet Lima » aurait perduré. Les actes de Clifford McBride et de son équipe sur Neptune pourraient être en rapport avec les menaces identifiées. De la Terre à Mars, d’où il doit émettre un message audio pour son père, en passant par la Lune, totalement colonisée par les terriens, et jusqu’à Neptune, Roy doit détruire le « projet Lima » qui menace l’humanité ainsi que la vie sur la Terre…. Avec : Brad Pitt (Roy McBride), Tommy Lee Jones (Clifford McBride), Ruth Negga (Helen Lantos), Liv Tyler (Eve McBride), Donald Sutherland (le colonel Pruitt), Jamie Kennedy (Peter Bello), Greg Bryk (Chip Garnes), John Finn (Stroud), Kimberly Elise (Lorraine Deavers), Loren Dean (Donald Stanford), Lisa Gay Hamilton (l’adjudant-général Amelia Vogel), Natasha Lyonne (Tanya Pincus), John Ortiz (le général Rivas), Anne McDaniels (Shunga Hologram), Donnie Keshawarz (la capitaine Lawrence Tanner). Scénario : James Gray, Ethan Gross. Directeur de la photographie : Hoyte van Hoytema. Musique : Max Richter et Lorne Balfe.

Ad astra per aspera… James Gray, ancienne étoile montante du cinéma indépendant américain installée à présent au firmament, continue sa visite des genres cinématographiques avec un brio confondant. Après le film noir (Little Odessa en 1994, The Yards en 2000), le genre policier (La nuit nous appartient en 2007), le mélodrame (Two Lovers en 2008), le film historique (The Immigrant en 2013, The Lost City of Z en 2016), James Gray s’empare des codes de la science-fiction et réalise une métaphore intergalactique mettant en parallèle, non sans fulgurance, l’aller-retour de la Terre à Neptune de son héros Roy en mission et le voyage intérieur de celui-ci qui est amené au travers de cette aventure à se retrouve face à lui-même, à se questionner sur le sens de la vie, sa place dans le monde et à prendre conscience de son entourage et des difficultés de vie.

Ainsi à ce voyage intersidéral répond dans cet univers d’une profondeur insondable une odyssée intérieure, faisant de ce sixième film de James Gray une œuvre à laquelle tout le monde s’accordera à lui trouver au moins une dimension existentielle, mais d’autres une dimension quasi métaphysique. Le titre qui évoque l’expression latine « Ad astra per aspera » (vers les étoiles, à travers les difficultés) fait directement référence à cette notion de voyage initiatique parcouru dans un environnement hostile. Ainsi, James Gray ne s’empare pas du genre de la science-fiction pour le plaisir de faire un exercice de style et il se hisse d’emblée au niveau de Stanley Kubrick et son 2001, l’odyssée de l’espace (1968), laissant loin derrière Alfonso Cuaron et son Gravity (2013), exercice de style en apesanteur, brillant certes, mais simple exercice de style.

James Gray, lui, semble avoir retenu la leçon du cinéaste Raoul Walsh : sans une histoire, il est impossible de faire un bon film. Il construit son film sur un scénario solide qui retient l’attention du spectateur, le tient aussi en haleine et qui lui permet d’aborder de nombreux thèmes comme celui de la solitude, la relation père-fils, la construction de son identité, l’importance de la famille… Comme tout bon film de science-fiction, il décrit une histoire se déroulant dans le future pour parler du présent et de choses éternelles. Mais comme, cinéaste auteur, il veut atteindre un public large, James Gray utilise adroitement la science-fiction pour capter son monde et le « scotcher » à l’écran en empruntant à d’autres genres. Ainsi, il ouvre son film avec une séquence catastrophe époustouflante (la destruction inattendue du télescope sur lequel travaille Roy), il transpose la classique course poursuite de voiture sur la planète Mars, n’hésite pas à emprunter au thriller psychologique et même au film d’horreur dans une séquence magistrale de lutte à mort entre animaux et humains dans un vaisseau spatial. Avec tous ces tours dans son sac de grand conteur, il fait se rejoindre le père et le fils qui était chacun à un bout de l’univers et amène le spectateur à partager la réflexion introspective de son héros qui n’échappera peut-être qu’aux seuls amateurs de « blockbusters ».

La mise en scène est éblouissante, parsemée de magnifique plan-séquences qui n’ont pas à craindre la comparaison avec ceux d’Alfonso Cuaron dans Gravity (2013). Dans le rôle-titre et omniprésent, Brad Pitt, qui a déjà impressionné cette année dans Il était une fois à Hollywood de Quentin Tarantino, diffuse un jeu remarquablement nuancé et donne une résonnance qui pousse le spectateur à la réflexion à ses pensées en voix « off », procédé qui s’inspire directement de la « narration décentrée » (formule du compositeur, enseignant de cinéma et critique, Michel Chion qui définit l’utilisation d’une voix « off » exprimant les sentiments de certains personnages en complément des faits et des images qui se déroulent sous les yeux du spectateur ou en léger décalage avec eux) qui caractérise le style de Terrence Malick, cet autre auteur majeur du cinéma indépendant américain. Le film est de surcroît accompagné d’une bande original magnifique de Max Richter, compositeur germano-britannique de musique classique et électronique contemporaine, rattaché au mouvement post-minimaliste (La Religieuse de Guillaume Nicloux en 2013, Paradise Lost d’Andrea Di Stefano en 2014, Marie Stuart, Reine d’Ecosse de Josie Rourke en 2018)) à laquelle a également participé Lorne Balfe, compositeur de musique pour le cinéma et la télévision. En signant un film ambitieux et singulier, James Gray s’affirme comme l’un des cinéastes les plus importants et les plus intéressants de ce premier quart du 21ème siècle.

A la fois spectaculaire et profond.

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