Partager cet article

Histoire du christianisme

« Ad orientem »

« Ad orientem »

De l’abbé Bizard :

La question de l’orientation du prêtre à l’autel est liée d’une part à celle plus générale du symbolisme liturgique ; et de l’autre à celle plus particulière de l’orientation de la prière.

Quant au symbolisme liturgique, comprenons tout d’abord que les gestes et attitudes dans la prière publique ne sont jamais indifférents ni laissés au libre choix du célébrant[1].

L’orientation du prêtre à l’autel fait partie de ces rites déterminés par l’Église et s’inscrit dans une orientation de la prière plus ancienne encore.

L’orientation dans la prière

Elle existait déjà dans l’Ancien Testament où les Juifs avaient l’habitude de prier en se tournant vers le temple de Jérusalem « où Dieu résidait » ; une trentaine de passages de l’Ancien Testament nous les montrent également priant vers l’Est[2].

Dans les premiers temps de l’Église où le symbolisme liturgique était très important, l’usage de se tourner vers l’Orient pour prier liturgiquement (d’où le mot « orientation ») va très vite s’imposer. Tant et si bien que pendant un grand nombre de siècles, à partir du Ve siècle, les églises seront quasi-systématiquement bâties le chevet tourné vers l’Est. Les témoignages anciens abondent pour attester et justifier cette orientation des lieux de culte[3].

Le grand liturgiste que fut le Cardinal Bona au XVIIe siècle pourra écrire :

Des monuments historiques, on peut conclure que les églises, dans l’Église Grecque comme dans l’Église Latine, étaient construites de manière qu’elles fussent dirigées vers le lever du soleil au temps de l’équinoxe. Cette coutume était autrefois si strictement suivie par les moines de l’Ordre de Cîteaux, que non seulement le maître-autel était tourné vers l’orient, mais encore tous les autres autels étaient tournés dans la même direction.[4]

Cet usage n’était pas cependant absolument universel ; les basiliques romaines par exemple, plus anciennes, étaient « occidentées » ; c’est pourquoi le prêtre et les fidèles (pour certaines parties de la messe en ce qui concerne ces derniers) se tournaient alors vers les portes pour que leur prière soit cependant toujours « orientée ».

« Orient est son nom »

Pourquoi se tourner vers l’Orient ? Parce qu’il représentait le Christ selon l’appellation que lui donna Zacharie (6,12) : « Voilà l’homme qui a pour nom Orient ». Il est encore l’oriens ex alto (Lc 1, 78). C’est également ainsi que le nomme une des antiennes de l’Avent :

« O Orient, splendeur de lumière éternelle et soleil de justice, venez et éclairez ceux qui… »

Se tourner vers l’Orient signifiait donc tout simplement se tourner vers Dieu. Certaines liturgies du baptême prescrivaient même au nouveau baptisé de cracher vers l’occident pour renoncer au démon, avant de se tourner vers l’Orient pour professer sa foi et adhérer à Dieu.[5]

Se tourner vers l’Orient, c’était aussi se tourner vers la direction du soleil levant ; or le Christ était appelé « soleil de justice » (sol justitiae) selon la prédiction de Malachie (4,2).[6]

Par ailleurs, le Christ étant, selon la prédiction du psaume 67[7], monté au ciel vers l’Orient lors de son Ascension, c’était du même endroit qu’on attendait son retour. La prière « orientée » possédait ainsi de plus une dimension eschatologique.[8]

Saint Thomas d’Aquin lui-même reprend dans sa somme de théologie ces différents motifs quant à l’orientation de la prière, y ajoutant l’idée commune également alors du paradis terrestre situé à l’Orient :

C’est pour des raisons de convenance que nous adorons tournés vers l’orient. C’est d’abord à cause de la majesté divine que symbolise l’orient, où le mouvement du ciel prend son origine. Ensuite c’est là qu’était établi le paradis terrestre selon le texte des Septante (Gn 2, 8) : nous semblons ainsi vouloir y retourner. C’est enfin à cause du Christ lumière du monde qui porte le nom d’Orient (Za 6, 12) et qui “ est monté au-dessus de tous les cieux à l’Orient ” (Ps 78, 34) d’où l’on attend sa venue suprême, selon saint Matthieu (24, 27) : “ Comme l’éclair part de l’orient et brille jusqu’à l’occident, ainsi sera l’avènement du Fils de l’Homme[9]. ”

Et aujourd’hui ?

Si avec les siècles, pour des raisons généralement pratiques, l’orientation physique des églises lors de leurs constructions tomba en désuétude, celle du ministre et des fidèles demeura : ensemble, ils étaient tournés dans la même direction : celle de la croix toujours présente au-dessus ou derrière l’autel. C’est-à-dire qu’ils étaient tournés encore vers Dieu. L’essentiel de l’orientation était sauf.

Célébrer la messe « dos au peuple » comme on le dit parfois aujourd’hui n’était jamais perçu comme une manière pour le prêtre de tourner le dos aux fidèles, mais d’abord et avant tout de se tourner, avec eux, vers le Seigneur. Puisque c’est à lui que s’adressent nos prières et nos chants. Et c’est à lui seul également qu’est offert le sacrifice.

Si la célébration de la messe aujourd’hui selon les nouveaux livres liturgiques se fait quasiment de manière universelle vers le peuple, remarquons que le missel dit de Paul VI n’exige pas cette célébration face au peuple. Plus encore, la Constitution conciliaire sur la liturgie du Concile Vatican II à la suite de laquelle fut réformée la messe n’a pas abordée une seule fois la question de la position du célébrant à l’autel. Ni demandé de changement en cette matière.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services