De Benoît Dumoulin dans L’Incorrect :
Le cardinal Barbarin a fait l’objet d’un jugement inique. Condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lyon, le 7 mars dernier, le cardinal a décidé de faire appel. Et il a bien fait. Car au-delà d’une question d’honneur personnel, c’est une question de droit et de justice. C’est ce qui explique que le Parquet ait également décidé de faire appel.
En effet, que reproche-t-on au cardinal Barbarin ? De n’avoir pas dénoncé à la justice à partir de 2014 – date où il a eu une connaissance certaine des faits – des crimes de pédophilie commis par un prêtre de son diocèse au cours des années 80 – à une époque où le cardinal n’était pas Primat des Gaules. Le tribunal correctionnel de Lyon a estimé que ces faits tombaient sous le coup de l’article 434-3 du code pénal qui punit
« le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur […], de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé ».
Or, en l’espèce, le prêtre incriminé n’a jamais récidivé, aucune plainte n’a été déposée par les victimes au moment où le cardinal est mis au courant des faits et ceux-ci sont prescrits depuis longtemps. C’est pourquoi, le Parquet avait estimé, dans ses réquisitions, que l’infraction de non dénonciation de crime – qui suppose de faire obstacle à la justice – n’était pas constituée. Car comment peut-on faire entrave à la justice en ne dénonçant pas des faits qui, même s’ils étaient parvenu à sa connaissance, n’auraient pu conduire celle-ci à les examiner en raison de leur prescription ? Mais le tribunal en a décidé autrement, sans doute pour faire un exemple.
Certes, le cardinal a été le premier à reconnaître des maladresses dans ses prises de parole ainsi que dans ses actes de gouvernement. Il a reconnu qu’il n’avait pas pris les mesures disciplinaires qui s’imposaient à l’encontre du père Preynat. Mais cela n’en fait pas pour autant un délinquant. En vérité, il paie pour l’inaction de ses prédécesseurs, en particulier celle du cardinal Decourtray, qui était évêque au moment de la commission des faits. Et il paie probablement aussi pour son engagement public contre le mariage homosexuel qui en a fait la bête noire d’un certain nombre de lobbys. Souhaitons donc pour la sérénité de la justice comme pour l’honneur du cardinal qu’un nouveau procès puisse le disculper.
Au-delà de cette affaire, c’est plus généralement le secret de confession qui est menacé, même s’il en a été nullement question dans l’affaire Barbarin. Récemment, une mission d’information parlementaire sur les infractions sexuelles sur mineurs s’est interrogée sur le bien-fondé du secret de la confession et a auditionné plusieurs évêques à ce sujet.
Pour l’Église, le secret de confession revêt un caractère absolu et aucun prêtre ne peut, sous aucun prétexte, y déroger sous peine d’excommunication (Code de Droit Canon n°1388§1). Pour l’État – qui ne reconnaît aucun sacrement, il est régi par le secret professionnel qui s’applique également à d’autres professions appelées à en connaître (avocats ou médecins). Il est jusqu’à présent intégralement protégé par le droit, ce qui signifie par exemple qu’un médecin soignant un djihadiste et apprenant à cette occasion la commission d’un attentat perpétré par son patient, reste tenu par le secret. Il n’y a qu’un seul cas de figure où le dépositaire d’un secret professionnel peut l’enfreindre pour dénoncer les faits portés à sa connaissance à la justice, c’est lorsqu’il s’agit d’atteintes sexuelles commises à l’encontre d’un mineur (art.226-14 du code pénal). Dans un tel cas, celui qui est tenu au secret professionnel a la possibilité d’informer les autorités compétentes sans encourir la sanction prévue pour la violation du secret professionnel. Il s’agit là d’une « option de conscience » et il ne faudrait pas que sous la pression de l’opinion publique, cette option devienne une obligation. Ce jour-là, aucune relation de confiance ne pourra être garantie avec un médecin, un avocat ou un prêtre et notre société aura fait un pas de plus vers la délation et le totalitarisme.
EROUANI
Le secret de la confession n’était effectivement pas en question dans cette affaire. Le cardinal BARBARIN a appris les faits délictueux hors de l’administration du sacrement de réconciliation.
Cependant une commission parlementaire s’est posé la question voici quelques mois : doit-il subsister ou non ? L’obstacle est que d’autres secrets professionnels pourraient être remis en question.
J’ai lu le jugement du tribunal correctionnel de Lyon, qui semble critiquable juridiquement. Les motifs invoqués par le Parquet en 2016 pour classer l’affaire sans suite présentent plus de pertinence.
Le tribunal a jugé sous pression des médias et de la vindicte de certains plaignants et de leurs avocats.
Il fallait un coupable. Vu la structure hiérarchique de l’Église ce ne pouvait pas être un deuxième ou troisième couteau mais la tête, donc le cardinal BARBARIN lui-même.
Il a peut-être mal géré l’affaire au début et ensuite commis des erreurs de communication, mais cela ne tombe pas sous le coup de la loi pénale. Nullum crimen, nulla poena sine lege.
Ensuite on peut lui reprocher un excès de compassion publique envers les plaignants (ce ne sont pas encore juridiquement des victimes), qui a vraisemblablement affaibli sa défense.
professeur Tournesol
Pourquoi titrer “Affaire Barbarin : menace sur le secret de la confession ?” pour ensuite écrire “le secret de confession qui est menacé, même s’il en a été nullement question dans l’affaire Barbarin.” ?
Michel Janva
Car il s’agit d’une première étape.