Le parquet a requis cinq ans de prison dont deux ferme contre l’humoriste, suite à sa grave inconduite au volant. Il en avait alors résulté une dramatique collision. Réflexion du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Du Christ à Jeanne d’Arc, de Socrate à Brasillach : l’histoire nous apprend à nous méfier des tribunaux populaires et médiatiques. Pierre Palmade n’a pas prêché l’évangile et ses mœurs étaient diamétralement opposées au vécu de la pucelle d’Orléans, c’est peu de le dire. Il n’avait pas la liberté intérieure du maître de la maïeutique ou le génie littéraire de l’auteur des Sept couleurs. Pierre Palmade n’est pas un innocent. Le 10 février 2023, il a bien percuté un véhicule en Seine-et-Marne provoquant un accident aux conséquences physiques et psychologiques irréparables : trois blessés graves d’une même famille dont une femme enceinte de six mois qui perdra son bébé dans le choc des tôles encastrées. Pierre Palmade est coupable et l’avouait lui-même lors de son procès mercredi dernier : « Un fou drogué leur est rentré dedans, c’est de l’ordre de l’inexcusable ».
Les poèmes de Fresnes et le goût de la vengeance
Le procès de l’humoriste star des années 90 a tout pour intéresser les curieux, les badauds et les friands de presse à scandales. Une affaire sordide de drogues et de débauches, une issue dramatique avec des victimes innocentes, un voile levé sur les coulisses d’un showbiz décadent : comment ne pas souhaiter que justice se fasse ?
Avec sa voix sépulcrale, Pierre Fresnay, en clamant les poèmes de Fresnes, sut sublimer l’épaisseur dramatique des vers composés par Robert Brasillach, condamné à mort :
« Sur la prison fermée et pleine / Un monde encore a disparu / Ô soleil noir de notre peine / Une autre foule est dans la rue / Comme dans la vieille semaine / Demandant toujours que l’on tue. »
La justice, en bonne morale, consiste à rendre à chacun ce qui lui est dû. Être juste revient à demander à son boulanger de faire du bon pain en échange du prix de la baguette, à un attaquant de planter de jolis buts en respectant les consignes de l’entraîneur, à un prêtre d’être disponible pour sanctifier les âmes en prêchant une doctrine qui ne lui appartient pas, à un politique de bâtir un programme pertinent pour redresser son pays, à un larron – bon ou mauvais – de payer pour ses forfaits.
Avouer ses fautes sans ombre, les regretter sans sursis, les éviter sans relâche
Cependant, comment ne pas se méfier d’un monde rongé par une intransigeance sans borne et une disgrâce sans limite ? En s’adressant aux victimes, Pierre Palmade a fait part de son accablement devant le drame dont il a été la cause jusqu’à « demander pardon du plus profond de (s)on être » aux victimes. Il faut souvent une force intérieure particulière pour formuler une demande de pardon sincère et sans mélange. Il faut aussi un courage significatif, parfois surhumain, pour recevoir favorablement cette demande. Pardonner revient à effectuer un pas dans le vide. Celui de voir dans le coupable, au-delà de tout le mal qui est en lui, un être humain vulnérable dont la dignité se fonde dans sa capacité à se réformer.
Le philosophe Rémi Brague soulignait l’étendue du problème à l’occasion d’un lointain entretien dans l’hebdomadaire Famille Chrétienne au début des années 2000 :
« Le problème que le christianisme cherche à résoudre n’est pas de savoir si Dieu va pardonner. Mais de savoir comment faire, justement, pour que l’homme accepte ce pardon. ».
Car si le pardon de Dieu est sans limite, il n’est pas sans condition. Trois clauses principales garantissent à la miséricorde de s’exprimer en plénitude dans le cœur d’un homme : avouer ses fautes sans ombre, les regretter sans sursis et chercher – à nouveau parfois – à les éviter sans relâche. « Le christianisme n’invente pas des fautes nouvelles – les péchés ! – il les regarde dans l’optique du pardon. » précise Rémi Brague.
La justice et l’amitié : deux mères de sociabilité
A l’école d’Aristote, nous savons que deux colonnes-mères se distinguent au bénéfice des hommes : la justice et l’amitié. Sur elles deux, reposent et la paix des mœurs et la sociabilité dans la cité. La miséricorde et la notion générale du pardon leur sont étroitement liées. La justice frappe en vue d’un plus grand pardon. L’amitié pardonne en vue d’une plus grande justice. Le juge sanctionne le fautif, dans le but de lui permettre de puiser dans sa peine de quoi se faire pardonner. L’ami, voulant le bien de son compère, pardonne spontanément l’écart de l’être aimé, en espérant chez lui un ajustement prochain. En citant le philosophe Alain, Pascal Praud rappelait cette semaine avec à propos, sur les ondes d’Europe 1 et de CNews :
« Une amitié qui ne peut résister aux actes condamnables de l’ami n’est pas une amitié ».
Vouloir que Pierre Palmade purge une sanction sévère n’empêche pas de lui souhaiter de se réformer. Car, au fond, souhaiter à son prochain qu’il trouve en lui – ou dans le Ciel – les raisons de se corriger, voilà la plus belle des justices : rendre à chacun la raison d’être de son existence : le bon, le juste et le vrai. Ce que beaucoup appellent Dieu. Tout simplement.