Un débat d’urgence sur la « Situation humanitaire dans le Haut-Karabakh » aura lieu à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe jeudi 12 octobre. Selon Thibault van den Bossche, chargé de plaidoyer à l’ECLJ, ce débat doit être l’occasion pour les députés de s’engager au-delà des déclarations et de suspendre l’Azerbaïdjan du Conseil de l’Europe.
Après son agression, l’Azerbaïdjan a pris l’entier contrôle du Haut-Karabakh. Le 20 septembre 2023, après une journée d’un combat perdu d’avance, 200 morts et 400 blessés, les forces de l’Artsakh rendaient les armes, sans condition. Sous la contrainte, la république du Haut-Karabakh procédera à sa propre dissolution le 1er janvier 2024.
L’épuration ethnique a commencé : 80 % des Arméniens, exsangues après neuf mois de blocus, sans soutien militaire de l’Arménie elle-même isolée sur la scène internationale, manquant de tout, ont déjà fui, cherchant refuge en Arménie.
Ce drame n’est pas une surprise : déjà en novembre 2020, après deux mois de conflit, l’Azerbaïdjan s’était accaparé 75 % de ce territoire autonome, contraignant tous les Arméniens, sans exception, à l’exil et détruisant systématiquement chaque marque de leur présence millénaire.
Le Haut-Karabakh aujourd’hui, l’Arménie demain
C’est la consécration pour Ilham Aliyev, le président azéri. Fils d’un ancien officier du KGB et dirigeant communiste à la tête du pays pendant plus de trente ans (1969-2003), Ilham Aliyev hérite du pouvoir de son père et de l’ambition de rattacher le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan.
Connu pour ses crimes de guerre, il ne compte pas s’arrêter à l’épuration ethnique des Arméniens. En effet, il n’a jamais caché son intention d’annexer le sud de l’Arménie, pour aménager un continuum de la Turquie à la mer Caspienne correspondant au très ancien projet panturc.
Le manque de crédibilité d’un Occident passif
Passif, l’Occident se rend coupable de non-assistance à peuple en danger de mort. Il en va de sa crédibilité de réagir, surtout face au deux poids deux mesures réservé à la Russie. Rappelons qu’en mars 2022, le Conseil de l’Europe l’excluait, moins de trois semaines après le lancement de son offensive en Ukraine, prétextant que le choix de recourir à la force plutôt qu’au dialogue et à la diplomatie témoignait d’un « mépris à l’égard de l’essence même du Conseil de l’Europe ».
L’agression du Haut-Karabakh par l’Azerbaïdjan date du 27 septembre 2020, et il ne s’est absolument rien passé depuis. Certes, l’Union européenne, dans sa course aux sanctions contre la Russie, s’est rendue dépendante du gaz de l’Azerbaïdjan, partenaire « digne de confiance » selon sa commissaire Ursula Von der Leyen.
La corruption azérie au cœur du Conseil de l’Europe
Mais cela ne pèse rien comparé aux soutiens achetés par l’Azerbaïdjan via sa diplomatie du caviar, arrosant de cadeaux différents hommes politiques d’Europe : caviar bien sûr, mais aussi tapis de soie coûteux, objets en or et en argent, invitations au grand prix de Formule 1, etc. Afin de taire les critiques sur sa répression politique, Bakou a ainsi dépensé 2,5 milliards d’euros entre 2012 et 2014, d’après une enquête publiée en septembre 2017, intitulée « Laundromat » (Lessiveuse), que le Conseil de l’Europe a confirmée par la suite.
La corruption par l’Azerbaïdjan s’exerce directement au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE). Certains députés ont touché des millions d’euros à se répartir pour bloquer systématiquement les résolutions et les rapports condamnant les violations des droits de l’homme par Bakou. La diplomatie du caviar sévit encore actuellement au Parlement européen, où la propagande azérie parvient à se faire afficher dans les couloirs.
La dictature azérie n’a pas sa place au Conseil de l’Europe
Ilham Aliyev est cité dans le scandale financier des Panama Papers en 2016 et dans celui des Pandora Papers en 2021. Son régime dictatorial et nationaliste muselle l’opposition politique et les médias, bafoue les droits de l’homme dans un climat général de corruption et de népotisme.
À l’instar de la Russie, un État comme l’Azerbaïdjan n’a pas sa place au Conseil de l’Europe et doit en être exclu, a minima suspendu. En effet, selon l’article 8 de son Statut, tout membre qui enfreint gravement les dispositions de l’article 3, à savoir « le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales », peut être suspendu puis exclu en l’absence d’amélioration.
Plusieurs États ont déjà été suspendus : la Grèce entre 1969 et 1974, suite à l’établissement de la dictature militaire des colonels en 1967 ; la Turquie entre 1980 et 1984, suite au coup d’État militaire de 1980 ; et la Russie entre 2000 et 2001 à cause de sa politique en Tchétchénie, avant d’être exclue en mars 2022.
La douleur vivace du génocide arménien de 1915 et des pogroms des années 1980-1990 nous alerte sur le péril imminent des Arméniens du Haut-Karabakh. L’Europe et en particulier le Conseil de l’Europe doivent aller au-delà des déclarations de condamnation pour rester crédibles.