Voici la suite de notre entretien avec Camille Pascal, sur son ouvrage, Ainsi, Dieu choisit la France. La première partie est accessible ici.
3) Votre livre présente une succession d'événements qui tiennent à la fois à l'histoire de France et à l'histoire de l'Eglise. Est-ce à dire que toute l'histoire de France est une sorte d'histoire sainte où la Providence se devine à chaque étape ?
C’est en tous cas ainsi qu’elle a été vécue pendant près de quinze siècles ! C’est ce qui permet de comprendre, comme je le raconte au fur et à mesure des différents chapitres de mon livre, que Saint-Louis ait mobilisé plus d’une année de revenus du Royaume pour racheter la couronne d’épine et pouvoir « ramener le Christ en France », que Charles VII ait remis la couronne de Saint-Louis entre les mains de Jeanne d’Arc pour renouveler l’Alliance de son Peuple avec Dieu à un moment où la France semblait perdue, que Louis XIII ait voué la France à la Vierge et que des centaines de milliers d’hommes soient montés au front en 14-18 en récitant le Notre Père ou le Je vous salue Marie…
Mais attention, mon livre n’est pas un livre de catéchèse. A aucun moment je ne dis, je n’écris ou je ne laisse entendre que la Providence agit à travers les personnages de mes récits. Je ne suis pas le pseudo Marquis de la Franquerie,[1] ! Je ne fais pas acte de Foi mais d’Historien. J’ai simplement voulu montrer qu’à tous les « grands moments » de l’Histoire de France, les principaux acteurs politiques, qu’ils fussent laïcs ou religieux, étaient pénétrés de cette conviction que la France était un instrument aux mains de la Providence.
En cela j’affirme que la France est bien d’abord et avant tout une création de l’Eglise Catholique et que c’est à mon sens, ce qui explique tout à la fois son antériorité historique par rapport à la construction des autres nations européennes et sa miraculeuse longévité…
4) Autant il est habituel de voir dans l'histoire de l'Ancien Régime ces relations entre Dieu et la France, autant il est plus rare de lire ces relations après la Révolution qui a explicitement souhaité couper ces relations. Pourtant, deux de vos chapitres concernent la France contemporaine, en évoquant le concordat et la loi de 1905. Comment expliquez-vous cet apparent paradoxe?
Le génie politique de Bonaparte Premier Consul fut de comprendre qu’il ne relèverait pas la France et qu’il ne parviendrait pas à la doter du nouveau cadre institutionnel qu’il imaginait pour elle sans la réconcilier avec l’Eglise catholique. Il avait parfaitement compris, lui l’artilleur rationaliste, qu’elles étaient indissolublement liées l’une à l’autre, par l’Histoire.
Quant à Pie VII, il eut le génie de comprendre, avant tout autre, que l’Ancien Régime, lui, ne ressusciterait pas et que l’Eglise Catholique devait lui survivre en France. Les Papes du Haut Moyen Age avaient sacrifié sans états d’âme les Mérovingiens finissants à l’ambition royale, puis impériale, des Carolingiens, Pie VI sacrifia donc sans un regret les Bourbons aux intérêts de la Religion. C’est ainsi que le culte catholique fut rétabli en France et protégé par un Concordat négocié pied à pied.
Quant à la Loi de 1905, je lui consacre mon dernier chapitre car je voulais que mon livre couvre, à grands traits bien sûr, une période allant du baptême au… divorce. Divorce « juridique » mais pas historique car il ne faut pas oublier que quinze ans à peine après cette loi de séparation, l’Assemblée Nationale d’une République toute laïque votait à l’unanimité la fête de « Sainte Jeanne d’Arc et du patriotisme… ». Fête qui a toujours une place parfaitement officielle dans le calendrier républicain.
Si ce n’est pas paradoxal…
5) A force de rechercher l'objectivité, les historiens, trop souvent, oublient que notre histoire est riche et glorieuse, quand ils ne tombent pas dans les travers de l'idéologie de la repentance. Vous chantez, au contraire, le "roman national". Ne craignez-vous pas que l'on en déduise que vous n'avez pas fait œuvre d'historien ?
L’Ecole Historique Française a été l’une des plus inventives et l’une des plus prestigieuses au monde. Au-delà des grands auteurs romantiques du XIXème siècle, l’Ecole dite « des Annales » a ouvert des champs entiers à l’investigation historique en utilisant la sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie et même la statistique « mathématique » pour « faire » de l’Histoire.
Le problème c’est qu’aujourd’hui, les historiens français se réclament de cette Ecole non plus pour faire de l’Histoire mais pour la défaire… C’est ainsi que l’Histoire des « structures » qui avait un sens il y a quarante ans est devenue une Histoire déstructurée qui ne raconte plus rien et surtout pas notre propre Histoire !
Les choses en sont d’ailleurs arrivées à un tel point que l’édition historique et l’enseignement de l’Histoire traversent une crise sans précédent. Plus personne ne lit des auteurs « universitaires » devenus ennuyeux comme les pierres et les programmes d’Histoire ont organisé en moins de vingt ans la déculturation générale !
L’Histoire est un récit. L’oublier, c’est la trahir. J’ai donc décidé de faire une œuvre très écrite. Un livre qui utilise les ressorts de la « littérature » pour permettre au lecteur de comprendre le monde que nous avons perdu. Si les lecteurs prennent plaisir à me lire et à découvrir une Histoire occultée pendant des décennies, alors j’aurai rempli la mission que je m’étais assignée et, pour être tout à fait franc, je me soucie assez peu du reste !
[1] De son véritable nom André Lesage et auteur de La Mission Divine de La France publiée pour la première fois en 1926.