De Jacques Sapir, dans Valeurs Actuelles, à propos d’Alexandre Douguine :
[…] On prétend, voire affirme, que [le père de Daria Douguine] est l’éminence grise de Poutine, un père Joseph, un Raspoutine. Rien de tout cela n’est vrai. Alexandre Douguine est un représentant de ce courant d’idées russe, le slavophilisme, mâtiné de restes staliniens. Ses tentatives pour créer un parti “national-bolchevique”, puis “eurasien” n’ont mobilisé que des cénacles très réduits. Il n’a pas eu de réelle influence politique, se satisfaisant d’une position marginale et n’intéressa que des politiciens de second ordre. Il devait occuper le poste de directeur du département de sociologie des relations internationales à l’université de Moscou, mais ses positions le firent rapidement exclure de ce poste en 2015.
Douguine a influencé les cercles nationalistes russes, mais son aura ne s’étend guère au-delà. L’image de l’homme qui murmurait à l’oreille de Poutine relève de la mythologie complotiste, hélas reprise par nombre de journalistes qui sont pourtant les premiers à la condamner. Cette image flatte aussi les imaginaires, à droite comme à gauche. Cela ne la rend pas plus réaliste pour autant. Non seulement Douguine est en contradiction avec le projet modernisateur que poursuit Poutine depuis 2000, mais ses visions apocalyptiques sont à l’opposé de la pratique froide, rationnelle et méthodique de la politique et de la diplomatie russes. La politique russe est faite par des gens comme Sergueï Lavrov ou Sergueï Choïgou, pas par Alexandre Douguine.
Michel Janva
Un extrait d’entretien ça fait une caisse de résonance ? Vous devez être perdu alors à chaque fois que vous lisez l’extrait d’une intervention extérieure. J’espère que la diffusion récente du tweet de Julien Dray ne vous a pas trop perturbé…
Michel Janva
Ben oui, l’entretien est passionnant, pourquoi le cacher ? Mais je ne vois pas en quoi cela fait du SB une “caisse de résonance”, voire, comme je l’écris dans l’article ci-dessus que Alexandre Douguine a une réelle influence en Russie. A moins peut-être que Poutine lise le SB tous les matins ?
Mais ce que vous écrivez permet de préciser une chose : ce n’est pas parce que je publie les propos d’untel ou de tel autre que je fais mien ce qui est déclaré. C’est parce que j’estime que ce qui est dit est intéressant et mérite sinon discussion, au moins lecture, loin des caricatures et des jugements à l’emporte-pièce. Ce n’est pas parce que je publie une lettre de l’abbé Pagliarani que je suis forcément d’accord avec tout ce qu’il dit et écrit par ailleurs. Je ne prends pas les lecteurs pour des moutons de Panurge et j’estime, contrairement aux médias qui passent leur temps à faire des leçons de morale, que les lecteurs sont assez grands pour se faire leur propre avis. Je ne crois pas qu’il soit sain de vouloir absolument commenter systématiquement tous les sujets, comme le font certains.