De Daniel Cadet, auteur de « La guerre d’Algérie à 20 ans » réédité chez Dualpha, pour Le Salon beige :
Le grenier à blé du monde romain
Les Phéniciens sont présent en Afrique du Nord dès le IXème siècle avant Jésus-Christ et fondent Carthage. A partir du 2ème siècle avant J-C, les Romains assurent l’unité et le développement de l’Afrique du Nord. Ils font de ce pays la plus riche contrée du monde Antique qui devient le grenier à blé de Rome. De nombreuses villes importantes, dotées de monuments impressionnants, sont édifiées jusqu’aux portes du désert comme en témoigne les villes de Timgad et Lambèse au nord des Aurès, Tébessa au sud et surtout Cyrta, ou encore Mascula avec ses piscines chaudes provenant d’une résurgence à 76 degrés et sa station thermale pour les rhumatismes en ayant capté un puits naturel d’où sort un air chaud et sec. L’art et la culture se développent et les Berbères qui peuplent cette région que l’on nomme la Numidie ou parfois la Berbérie, adoptent la langue latine.
Le Christianisme est particulièrement florissant, bien avant la Gaule, et les Berbères donnent à l’Église universelle trois grands Papes : Saint Victor 1er, Miltiade (l’organisateur du concile de Latran) et surtout saint Gélase 1er, d’origine Kabyle, qui administra l’Église universelle avec une particulière clairvoyance, enfin saint Augustin,un des principaux docteurs de l’Église, né à Souk-Arras, de mère berbère (sainte Monique) et de père romain.
L’invasion arabe, par le feu et par le sang
Tout se gâte au VII ème siècle avec l’invasion arabe, par le feu et par le sang, qui progressivement met en coupe réglée le pays, au cours de huit campagnes militaires particulièrement sanglantes et la soumission rigoureuse des populations aux lois de l’Islam. C’est en Kabylie et surtout dans les Aurès que la résistance à cette invasion arabe sera la plus longue avec à la tête des chaouias (berbères des Aurès) un personnage hors du commun, la Kahena, qui les repousse à la mer mais finit par être submergée.
S’amorce alors un grand mouvement d’exode des populations christianisées vers les îles voisines et l’Italie. Exode également d’une partie de la population juive soumise comme les chrétiens au statut de « dhimmi » c’est à dire de sous-hommes marginalisés, toutes fonctions essentielles interdites. Ainsi disparaît l’antique Église d’Afrique du Nord si florissante dont l’agonie s’étendra sur plusieurs siècles. Avec les arabes qui pratiquent surtout la razzia, humaine tout autant que matérielle, la Numidie retourne à la misère, parcourue par des tributs qui se font une guerre quasi permanente. L’Afrique du nord passe sous la domination Ottomane qui dans la pratique ne contrôle réellement que les grandes villes portuaires avec un dey à Tunis et à Alger. Des ports florissants dans la mesure où les corsaires pratiquent la razzia sur toute les côtes méditerranéennes, en particulier en gaule, occupant notamment le massif des Maures (le nom est resté). Il n’y a pas que les marchandises qui sont pillées, hommes femmes et enfants sont emmenés en esclavage et vendus sur les marchés. Les enfants deviennent des janissaires ottomans. L’Espagne est ensuite envahie par les arabes, à partir de 711, dans sa presque totalité et pendant 7 siècles. L’armée musulmane passe ensuite les Pyrénées, ravage l’Aquitaine, la vallée du Rhône, monte jusqu’à Tours et ce n’est qu’en 732 à Poitiers que l’invasion arabe connut l’ultime reflux. Au XIII ème siècle saint Jean de Matha et saint Félix de Valois fondent l’ordre des Trinitaires pour le rachat des chrétiens enlevés par les barbaresques dont on situe le nombre à près d’un million. Au XVII ème saint Vincent de Paul est même fait prisonnier.
Mettre un terme à la piraterie
C’est justement pour faire cesser l’esclavage que la France organise en 1830 une expédition pour notamment libérer les esclaves européens qui croupissent dans les geôles du port d’Alger et mettre un terme à la piraterie en méditerranée. L’instabilité des tribus toujours en guerre les unes contre les autres amène la France à pénétrer à l’intérieur du pays pour le stabiliser. C’est la France qui établit en 1839 les contours d’un pays auquel elle donne le nom d’ALGÉRIE. Précédemment les frontières ne sont pas définies, c’est d’ailleurs le même problème en Afrique noire, d’où les conflits concernant encore actuellement le Sahara qui à l’origine n’appartient à personne et dont toute la partie ouest fut en son temps sous le contrôle du Maroc.
La mise en valeur du pays
La France envoie en Algérie des volontaires, souvent aussi des proscrits, comme après la révolution de 1848, pour cultiver et développer un pays qui est essentiellement constitué de marais ou de zone désertiques. Volontaires et proscrits arrivent aussi d’Espagne ou Italie. Joseph Maurin, médecin, écrit vers 1900 :« Le paludisme sévit un peu partout, cirrhoses mortelles, la syphilis est très répandue, les grandes endémies n’ont pas été jugulées : le trachome, la variole, le typhus, la typhoïde et le choléra infantiles , atteignent aussi bien les populations locales que les nouveaux arrivés ». C’est donc au prix d’une mortalité terrible que les marais sont asséchés et deviennent comme la Mitidja des plaines extrêmement fertiles avec arbres fruitiers, vignes, maraîchage etc, et les zones arides sont également mises en valeur avec la culture des céréales, tout comme les forêts. La France découvre la présence de minerais et surtout à partir des années cinquante les formidables gisements d’hydrocarbures et de gaz.
Au fil des années la France développe les infrastructures portuaires, routières et ferroviaires, aéroports, barrages hydroélectriques, hôpitaux particulièrement en pointe sur les maladies endémiques qui permettent progressivement de les éradiquer presque totalement ; le médecin militaire Alphonse Laveran découvre en 1880 la cause du paludisme ; la Mitidja est presque totalement assainie en 1904 au terme d’une grande campagne antipaludique menée par l’Institut Pasteur d’Alger ; création enfin d’écoles et universités réputées.
Les soulèvements
Le 8 mai 1945 et dans les jours qui suivent, des « émeutiers » se livrent à des massacres d’européens, essentiellement dans la région de Sétif qui est un lieu d’agitation anti-française, une émeute ayant déjà eu lieu en 1935. Sétif est le fief de Ferhat Abbas, pharmacien, auteur en 1943 d’un manifeste et d’une
association « les amis du manifeste », député en 1945. Mais les émeutes viennent surtout d’une organisation particulièrement bien implantée, y compris en métropole chez les travailleurs émigrés, le PPA (Parti Populaire Algérien) de Messali Hadj, créé en 1925 et soutenu par les Oulémas(chefs religieux de l’Islam), à l’origine des Médersas (écoles coraniques) et des scouts musulmans.
Une soixantaine d’européens sont massacrées et plus d’une centaine affreusement blessés, tous des personnes qui occupent des emplois modestes, et plusieurs centaines de musulmans assassinés qui ont le tord d’aimer la France. Les émeutiers appellent à la guerre sainte (le djihad) et s’acharnent sur les femmes et les enfants avec un sadisme incroyable suivant en cela l’enseignement du Coran (sourates IV, V, XLVII…) « qu’ils soient tués ou crucifiés, que soient coupées leur mains et leurs jambes..crevez les yeux..) A noter que le soulèvement a reçu le soutien plus ou moins discret des américains qui ont débarqué en nov 1942 en AFN, Roosevelt ne s’en cache pas, il cherche à affaiblir la France en la coupant de ses colonies et plus tard, dans les années 60, Kennedy fera de même, offrant notamment un pont d’or au FLN à l’ONU. Le pouvoir politique français réprime ces émeutes avec beaucoup de fermeté (gouvernement de 1945 présidé par De Gaulle comportant 5 ministres communistes) mais ne tire aucun enseignement de ces événements pour procéder aux réformes qui s’imposent, en particulier concernant le statut des arabo-berbères et un meilleur accès de ceux-ci aux emplois administratifs et aux professions libérales.
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