Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre et président du Conseil « Famille et société » de la Conférence des évêques de France souhaite voir « sanctuarisées » les allocations familiales :
"Ce genre d’affaires est d’abord révélateur de beaucoup d’impréparation de la part du gouvernement. Il y a quelques semaines, le président de la République nous disait précisément le contraire de ce que vient d’annoncer le gouvernement. Sur le fond, nous n’avons aucune visibilité sur la politique familiale. Le gouvernement agit par petites touches, sans que nous puissions distinguer son intention exacte. Je partage les inquiétudes qu’elles suscitent, notamment de la part des associations familiales.
Depuis quelque temps, nous assistons dans notre pays à une déconstruction de la famille. Cette réforme serait contre-productive : comme le dit le pape François, la famille est le moteur de la société. Or ces mesures risquent précisément de gripper le moteur de notre société. Nous n’avons pas besoin de cela aujourd’hui.
[…] En entretenant le flou sur ses intentions concernant la politique familiale, le gouvernement place les Français dans un état d’incertitude. Or, en fondant une famille, en donnant la vie à des enfants, les couples font un pari sur l’avenir. Et lorsque des mesures législatives et politiques rendent l’avenir incertain, les familles sont mises en difficulté.
En touchant à l’universalité des allocations, le gouvernement franchit une ligne rouge. J’attends de l’exécutif qu’il fixe un cap en la matière, qu’il définisse un horizon précis quant à ses objectifs en termes de politique familiale. On ne peut faire vivre la société sans familles, et on ne peut faire vivre une famille que dans un climat de confiance.
Le premier ministre Manuel Valls parle lui d’une « mesure de justice »… Vous ne partagez pas cette avis ?
Non. Évidemment, notre société doit tendre vers une justice sociale et, comme le dit la doctrine sociale de l’Église, vers un « juste salaire ». Mais nous n’y arriverons pas en touchant aux allocations versées aux familles. La famille, lieu d’éducation et de formation, ne peut être considérée comme une variable d’ajustement de la politique économique de notre pays.
Il ne s’agit pas d’une mesure de justice, mais au contraire d’une discrimination des enfants. Voulons-nous vraiment commencer à faire un tri entre les enfants qui naissent dans une famille riche et ceux qui vivent dans une famille pauvre ? Dans ce cas, jusqu’où irons-nous ? Supprimerons-nous, demain, le principe de l’enseignement gratuit pour tous ? L’État nous dira-t-il un jour : « Si vous fondez une famille, vous en paierez le prix » ? Il s’agirait d’une dérive grave.
Par conséquent, je demande que la sanctuarisation des allocations soit respectée. Les couples qui font le choix de fonder une famille doivent pouvoir bénéficier sans discrimination de la solidarité nationale. Fonder une famille n’est pas qu’une affaire privée : il est normal que la société soutienne les gens qui s’engagent dans cette belle aventure."