Les éditions Xenia ont publié Le remède suisse, Antigone chez les Helvètes, d'Oskar Freysinger, conseiller d'Etat valaisan, écrivain, chansonnier. Cet essai d'un patriotisme flamboyant est en même temps une grande méditation littéraire sur le mythe d'Antigone et ses incarnations dans l'histoire, dont l'idée helvétique est un bel exemple. L'exception suisse est basée sur un certain nombre de principes qui fonctionnent sur le modèle bien réglé de la mécanique horlogère :
- le fédéralisme
- la neutralité: "La Suisse, le pays où les cadavres sont enterrés au plus vite, s'est dès lors engagée par ses bons offices à évacuer les cadavres des autres et, à travers la Croix-Rouge, à soigner les blessés pour diminuer le nombre de morts."
- la résistance à créer un homme nouveau
- le refus de vouloir sauver le monde: "Les Suisses préfèrent partir du concret, de la réalité. Ce n'est pas le discours qui fonde leur réalité, c'est la réalité qui leur parle d'une manière mystérieuse."
- la liberté : "Sa liberté ne consiste pas à faire ce qu'elle veut, mais à faire ce qui est juste, à vouloir ce qui est juste."
- la séparation des pouvoirs:
- la subsidiarité
- le système bicaméral: "Chaque canton, quelle que soit sa grandeur, possède le même nombre de représentants au Conseil des Etats. […] Et cela est accepté par la société civile, parce que ça fonctionne et que ça maintient les équilibres entre la Suisse urbaine et la Suisse des campagnes, entre le centre et la périphérie, la plaine et la montagne. En Suisse, la différence est considérée comme un garant de la diversité et non comme une injustice."
- le Conseil fédéral, "gouvernement collégial constitué de sept ministres représentant les sensibilités majeures du pays: Ainsi toute prise d'otage, même temporaire, de la totalité du pouvoir par un seul courant devient impossible."
- le référendum et l'initiative populaire, qui permet de corriger une mécanique qui s'emballerait.
Extrait :
"En Suisse, Antigone et Créon ne sont plus des antagonismes. Antigone exerce le rôle de Créon en restant Antigone ! D'abord, parce que les lois suisses sont faites pour être respectées puisque le peuple se les donne à lui-même. Le Créaon de Sophocle incarne un peu les énarques français qui, étendus sur le lit y de Procuste de l'ENA et de sa consanguinité intellectuelle, imposent leurs lois depuis le haut. Inutile de dire que dans ce cas, le "bon peuple" ne cherche qu'à contourner ce qu'il éprouve comme un corps étranger ou pire, une plaie d'Egypte. Rien de tel en Suisse. Ici, soit les lois sont agréées par le peuple, soit elles émanent de sa volonté. Cela change tout : aussi bien leur caractère que leur acceptation par les citoyens. La loi française du travail est une énorme pyramide de papier alors que la même loi en Suisse ne représente qu'un mince cahier. Pourquoi cela ? Parce que les lois françaises sont appliquées sur la réalité comme un couvercle sur une casserole, alors que les lois suisses viennent du terrain, restent proches du terrain et sont au service du terrain."