La manifestation du 6 octobre pour défendre la vie innocente et la famille naturelle fut un beau succès – minimisé, comme de bien entendu, par les médias aux ordres, mais nous en avons l’habitude !
Il était de bon ton, dans les semaines qui ont précédé ce succès de s’interroger gravement sur la mort de la « Manif pour tous ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que, pour un mort, notre mouvement se porte plutôt bien !
Pour transformer l’essai, et l’emporter politiquement dès cette loi de bioéthique (qui n’est, comme chacun a pu s’en rendre compte, ni bio, ni éthique !), je vous propose, amis lecteurs, quelques réflexions, sur lesquelles j’aimerais beaucoup avoir votre avis (je vous propose de poursuivre la discussion dans le forum bioéthique).
Ma première réflexion est qu’il faut passer de la défensive à l’offensive. Tant que nous nous contenterons de protester poliment contre les lois en discussion, le Système « ne nous calculera pas », comme disent les politiciens. Il faut clairement dire que nous voulons renverser la culture de mort dans son ensemble et pas simplement ralentir l’adoption de la « PMA sans père », en attendant de l’accepter la mort dans l’âme, pour nous préoccuper de ralentir dans six mois la légalisation de la « GPA éthique ». Il faut donc qu’au moins certains parmi les manifestants disent nettement que notre objectif reste évidemment l’abrogation de la loi Taubira. A ce sujet, la discussion, dimanche dernier, avec des manifestants croisés au hasard de nos pérégrinations m’a renforcé dans la conviction que la base, notamment provinciale, de notre mouvement était là pour un combat beaucoup plus global que la seule opposition à la « PMA sans père ».
Et naturellement, je ne parle d’abrogation de la loi Taubira que pour briser le fameux « effet cliquet » qui veut que la droite ne conteste jamais une loi « sociétale » de la gauche. Mais nous visons bien sûr, derrière, l’abrogation du système mortifère mis en place par la loi Veil. Et même le renversement du système individualiste mis en place par les « immortels principes de 1789 », dont l’un des symptômes les plus évidents est la loi sur le divorce, adoptée en 1792, abrogée par la Restauration et de nouveau votée, sous le nom de loi Naquet, en 1884 : le mariage n’étant plus qu’un contrat entre deux individus déracinés et obéissant à une logique utilitariste calculant les coûts et bénéfices de « se mettre ensemble » a cessé d’être ce lien indissoluble sur lequel fonder la famille, cellule de base de la société : c’est à partir de cette logique qu’a pu se développer la logique délirante qui nous a conduits où nous sommes aujourd’hui, où la prétendue « représentation nationale » peut tranquillement écouter un député évoquer les « trouples » – c’est-à-dire les « mariages » à trois – et la « pluriparentalité » !
La meilleure défense, c’est l’attaque, disait Bonaparte, qui s’y connaissait un peu en stratégie. En adaptant à notre situation, je dirais que la seule et unique façon d’éviter la légalisation de l’euthanasie et des mères porteuses est de se battre pour l’abrogation de la loi Taubira, de la loi Veil, de la loi Naquet. Bref, de rejeter en bloc (ce qui n’exclut évidemment pas la prudence politique) les principes dissolvants de 89 – ou, pour employer un vocabulaire plus familier aux catholiques, de nous battre pour la Royauté sociale du Christ.
Nous sommes certes des « conservateurs » en ce sens que nous voulons défendre et conserver l’ordre de la Création. Mais nous ne sommes pas des conservateurs au sens de la dialectique révolutionnaire qui voudrait que nous ayons simplement quelques années de « retard » sur la gauche, avant d’en accepter, bon gré, mal gré, toutes les réformes les plus ineptes.
Ma deuxième réflexion, c’est qu’il est impératif d’élargir la base sociologique de notre opposition à ce système totalitaire. Il y avait quelques gilets jaunes dans notre cortège de dimanche et c’est une excellente nouvelle. J’ai même vu l’ami Christian Baeckeroot en gilet jaune et écharpe de député (ce qui avait l’air de perturber un peu les observateurs !). Bien que je n’aie pas été souvent sur les ronds-points ces derniers mois, j’ai moi-même volontiers porté un gilet jaune à titre symbolique : la convergence des luttes, dont parle si souvent l’extrême gauche, a dans ce cas une pertinence particulière. Les gilets jaunes « canal historique » (c’est-à-dire les gilets jaunes non infiltrés par les « black blocs » avec la bienveillante complicité du pouvoir macronien) se battent pour la justice sociale et contre l’asservissement de l’homme à la seule logique financière. C’est également le cas des manifestants du 6 octobre : comme les gilets jaunes, nous dénions radicalement à l’Etat comme au marché le droit d’asservir la personne humaine. Je reviendrai sur ce point, mais il me semble crucial pour l’avenir d’avoir une vision globale de la personne humaine et de la société pour s’opposer efficacement à la subversion « déconstructiviste » des soixante-huitards. Et notre doctrine sociale catholique permet admirablement de répondre aux exigences légitimes des gilets jaunes, comme elle nous a largement mobilisés contre la marchandisation du corps.
Toujours en matière d’élargissement de notre base, je reste interloqué que nous fassions si peu pour tendre la main aux « banlieues ». Et, en disant cela, je ne veux évidemment pas dire que les Frères musulmans ou les salafistes sont l’avenir du combat pro-famille, comme certains le disaient en 2013 (même si je suis bien obligé de constater que le gouvernement avait reculé devant l’action des Journées de retrait de l’école, très répandues en banlieue, alors qu’il avait tranquillement méprisé nos manifestations monstres). Je veux dire plutôt qu’il est problématique, à long terme, que nos cortèges soient si manifestement des sorties de messe à Versailles. Etant moi-même une caricature de sortie de messe à Versailles, je ne suis certes pas le mieux placé pour critiquer cet état de fait. Mais j’observe depuis plusieurs années que des évangéliques (dont beaucoup habitent en banlieue, où ils sont parfois plus influents que l’islam) reprennent une bonne partie de nos combats pour la culture de vie. Je ne suis pas exactement un fanatique de la France « black, blanc, beur », dont rêvait feu le président Chirac, mais il est évident que, si nous voulons montrer au monde que notre combat est profondément un combat pour les droits de Dieu et pour la dignité de la personne humaine, il faudra attirer des gens qui ne nous ressemblent pas, mais qui partagent tout ou partie de nos convictions et de nos combats. La défense de la loi naturelle me semble d’ailleurs une excellente base de dialogue œcuménique ou interreligieux non biaisé par un irénisme anti-doctrinal, comme on le vit trop souvent dans l’Eglise de France au cours des dernières décennies (vous connaissez le style “tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil” : les musulmans ont le même Dieu que nous et reconnaissent Jésus comme un prophète…). Au passage, la participation commune à des combats pour le bien commun de l’homme et de la nation française pourrait constituer un moteur puissant pour l’intégration de populations d’origine étrangères au sein de la Fille aînée de l’Eglise.
Enfin, ma troisième réflexion tient en une phrase : notre force réside dans notre implantation locale. Il était important d’organiser une grande manifestation nationale à Paris pour que les parlementaires voient que nous sommes nombreux et résolus. Mais cette manifestation n’a de sens que pour faire plier le gouvernement, en confortant l’opposition et en fragilisant la majorité. Or, là où nous pesons politiquement, ce n’est pas à Paris ; c’est en province. D’ailleurs, l’essentiel de notre mobilisation de dimanche (comme naguère en 2012-2014) est une mobilisation des paroisses les plus dynamiques de France, c’est-à-dire du maillage territorial le plus efficace qui existe aujourd’hui dans notre pays. C’est exactement l’inverse pour l’oligarchie macronienne : à Paris, elle peut, par l’occultation médiatique, faire croire que nous étions une poignée d’extrémistes. Mais, localement, même les médias dominants n’ont pas les moyens d’occulter la réalité. J’ajoute que la convergence avec les gilets jaunes que j’appelais plus haut de mes vœux sera infiniment plus facile en province qu’à Paris – l’infiltration par l’extrême gauche n’y ayant pas eu lieu. Et, surtout, n’oublions pas que, très prochainement, nous aurons les élections municipales et que les élus locaux seront donc extrêmement attentifs à ce que nous avons à dire. Or, les élus locaux élisent les sénateurs – et la droite sénatoriale est particulièrement « flageolante » sur les questions dites « sociétales » (le président LR de la commission des Affaires sociales, Alain Milon, a d’ores et déjà annoncé qu’il déposerait des amendements en faveur de la prétendue « gestation pour autrui » : avec une « droite » comme ça, plus besoin de gauche !). Avant la manifestation de dimanche, il était assez vraisemblable que le sénat vote majoritairement le texte du gouvernement. Vu notre démonstration de force, c’est moins évident. Et, avec un minimum d’engagement dans le combat local, nous pouvons obtenir que les élus locaux LR et divers droite signifient aux sénateurs leur opposition résolue (ou, au moins, leur peu d’envie de se faire battre par notre opposition résolue aux prochaines municipales…). Or, le vote du sénat est déterminant : si le sénat vote comme l’Assemblée, Macron pourra prétendre, malgré l’évidence manifestée par les états généraux, qu’il y a un consensus. Sinon, il est même envisageable que la réforme soit enterrée sine die.
Se battre localement est encore mieux que le fameux bonbon Kiss cool : avec une seule stratégie, nous obtenons ainsi d’abondants résultats : nous mettons en place une mobilisation durable (il ne faut pas oublier que, pour les provinciaux, la participation aux manifestations parisiennes est une grosse dépense de temps, d’argent et d’énergie, alors que manifester devant la mairie de sa commune ne demande pas beaucoup d’efforts), nous pesons sur le parlement, nous préparons les municipales et nous bâtissons l’armature du mouvement pro-vie dont notre pays a tant besoin.
Alors, au travail !
ON NE LACHE RIEN
Guillaume de Thieulloy
Directeur du Salon beige
balaninu20
Pour faire triompher nos justes demandes : les manifestants seraient bien inspirés s’ils priaient le Chapelet et chantaient des cantiques plutôt que de chanter n’importe quoi, ah ? mais cela n’est peut-être pas possible car trop chrétien !!!!