De Bernard Lugan :
"Comme le disait le très spirituel Michel Jobert, ancien ministre des Affaires étrangères de Georges Pompidou : « Au rythme où vont les choses, la politique africaine de la France va bientôt se réduire à Barbès-Rochechouart… »
Le naufrage français en Centrafrique illustre parfaitement cette remarque. Entre repentance, spasmes moraux et credo démocratique, les cerveaux à nœuds du Quai d’Orsay ont en effet réussi le tour de force d’exclure la France de ce pays qui a longtemps constitué une pièce essentielle de son dispositif militaire.
Fin observateur, Vladimir Poutine a laissé les diplomates français aller au terme de leurs gesticulations militaro-humanitaires puis, quand ils se furent eux-mêmes enferrés dans leurs contradictions, il décida une intervention surprise.
Et cette dernière changea la situation. Non seulement en RCA, mais dans toute la région, l’objectif de Moscou étant de tourner le pays vers le nord Soudan comme nous l’expliquons dans ce numéro de l’Afrique Réelle.
Après le Mali et la RCA, le Cameroun ?
Dans les mois qui viennent, le Cameroun va à son tour entrer dans une période de fortes turbulences. Le diktat démocratique en sera la cause. Comme d’habitude…
Quatre élections vont en effet s’y tenir dans la seconde moitié de l’année 2018, celles du président, des sénateurs, des députés et des maires. Il est donc à craindre qu’à ces occasions, les fractures de ce pays fragile réapparaissent au grand jour.
Si le Cameroun est un apparemment pays stable, c’est parce qu’il n’a pas connu la valse électorale qui a emporté la plupart des pays africains. Sa chance est en effet de n’avoir eu que deux présidents depuis l’indépendance, Ahmadou Ahidjo, un nordiste musulman d’ethnie peul (de 1958 à 1982) et Paul Biya, un sudiste catholique d’ethnie beti, depuis cette date.
Agé de 85 ans cette année, le président Biya qui est donc au pouvoir depuis 36 ans, va probablement briguer un nouveau mandat en 2018. En 2011, il fut réélu pour 7 années avec un score de 79% des suffrages contre 72% en 2004. La permanence au pouvoir est certes un atout. Elle peut également se révéler un handicap quand les vieux présidents n’ont pas préparé leur relève.
C’est le cas au Cameroun où se pose avec une cruelle intensité le problème de la fracture générationnelle entre des dirigeants âgés et une population majoritairement composée de jeunes gens. Tout le système politique camerounais connaît ce problème et non pas le seul clan présidentiel puisque le principal leader de l’opposition, John Fru Ndi, qui est âgé de 76 ans fut par trois fois candidat contre Paul Biya.
Si nous ajoutons à cette donnée la situation qui prévaut dans les provinces anglophones de l’ouest, dans celles de l’est limitrophes de la Centrafrique et dans le septentrion gangréné par le wahhabisme et menacé par Boko Haram, le risque est donc de voir les prochains résultats électoraux devenir les détonateurs d’une crise aux conséquences imprévisibles compte tenu de la situation géographique du Cameroun."