Le Parisien publie ce jour un long article consacré à la tragédie de Crépol, censé relativiser la position des victimes, et le rôle des agresseurs. A bien des égards, cet article est plus idéologique que ceux qu’il prétend dénoncer.
Tugdual Denis, de Valeurs actuelles, explique pourquoi :
Commençons par le début, le chapeau “Les investigations des gendarmes (…) apportent de premières réponses sur l’origine du drame et révèlent des surprises sur les responsabilités. Loin des fantasmes.” En évoquant des “fantasmes”, on accrédite la thèse de gens qui se pourlèchent de cette tragédie. Personne ne fantasme: tout le monde pleure une société partie à vau-l’eau. A moins que certains fantasment le fait que d’autres fantasment…
Ensuite: “À l’extrême droite, on y voit un acte raciste « anti-Blancs » et le choc entre deux France.” Comme d’habitude, quand le réel ne correspond pas à un prisme politiquement correct, il devient “d’extrême-droite”. Quand des témoins eux-mêmes évoquent comme insultes “on est venus planter du blanc” ; quand la famille de Thomas elle-même, d’après la maire de Romans-sur-Isère, souhaite que le mobile raciste du meurtre de leur fils soit retenu, a-t-on encore le droit d’adjoindre aux commentaires sur le drame un débat sur le racisme anti-blanc ? –
Vient quelques lignes plus bas un passage sur un aspect fondamental de l’affaire médiatique: “Alors qu’une polémique fait rage sur les prénoms des mis en examen, dont l’origine serait, pour certains, une clé de compréhension du drame, deux jeunes hommes sont désormais suspectés d’être le meurtrier. L’un s’appelle Ilyès Z., 22 ans, d’origine maghrébine. Le second est un adolescent de 17 ans qui porte un prénom et un nom historiquement français.” Donc, quand on s’interroge sur des prénoms à consonance étrangère, arguant qu’ils signent là un échec absolu de notre modèle d’intégration, on se fourre le doigt dans l’oeil. Mais quand il s’agit d’un prénom issu du calendrier chrétien, au milieu de tous les autres mis en cause, subitement, il redevient “une clé de compréhension”. Voilà ce qui rappelle la jurisprudence ” des Kevin et des Mateo”, lancé par Gérald Darmanin pour minorer la sur-représentation des jeunes issus de l’immigration lors des émeutes.
L’article déroule ensuite la soirée, en omettant de s’offusquer d’éléments pourtant révoltants. “Au moins neuf suspects (…) sont arrivés à Crépol au fil de la soirée à bord de cinq voitures entre 23h00 et 1h00 du matin (…) Certains disent avoir eu vent du bal par les réseaux sociaux et été attirés par la présence annoncée de nombreuses filles”. D’accord… Et ça, on ne s’interroge pas ? Des jeunes hommes, qui invisibilisent les femmes dans l’espace public (y-a-t-il plus de filles ou de garçons qui traînent en bas des tours ?), qui se rendent à une soirée attirés par ce qui serait pour eux du gibier, cela ne révolte personne ?
La soirée avec ces voyous se passe tellement bien que l’un d’eux, Chaïd A., venu vêtu de son survêtement de l’Olympique Lyonnais, “a remis un couteau de chasse à l’un des quatre vigiles, qui l’a fouillé et autorisé à entrer dans la salle”. Vous vous rendez compte à quel point absurde de rapport de force nous sommes rendus ? Quelqu’un arrive à une soirée de village avec un couteau de chasse, on le lui confisque poliment, et comme on ne veut pas plus d’embrouille, on le laisse ensuite rentrer pour qu’il aille s’amuser. Sommes-nous trop bons ?
La soirée continue, et l’on sent la tension poindre. “Entre les suspects et les autres fêtards, deux univers se toisent. Les Romanais apparaissent décalés avec leurs tenues de sport négligées (…) Si une cinquantaine de témoins n’ont rien relevé de problématique dans l’attitude des suspects durant la fête (…) d’autres disent à l’inverse avoir été troublés par quelques scènes. Ils décrivent de jeunes hommes assis dans leur coin, n’ayant pas l’air de s’amuser et jetant des regards malsains sur la foule. Certains évoquent même des « coups de coude » ou un épisode durant lequel un jeune de Romans aurait « obligé une fille à danser ». Voilà, on y est. Voilà ce que beaucoup font semblant de ne pas comprendre depuis le début. Personne ne discriminerait des jeunes de cités dans les soirées ou les boites de nuits si la scène décrite plus haut n’avait absolument jamais eu lieu. En revanche, un commentaire d’une victime auditionnée par les gendarmes, et citée par Le Parisien dans l’article, résume tout: « Ils savent bien que personne ne peut les voir quand ils viennent. Ils cherchent des problèmes ».
“Vers 2 heures du matin qu’une altercation futile fait basculer la soirée. Elle va entraîner un enchaînement de violence mortelle.” Futile, oui, c’est bien le mot: un garçon tire les cheveux d’un jeune de Romans, un certains Yliès. D’autant plus futile que la personne mise en cause de le tirage de cheveux nie le geste. Va s’ensuivre une gigantesque bagarre, de nombreux blessés à l’arme blanche, et la mort de Thomas. Imaginons la scène inverse: des jeunes de Crépol font du forcing pour s’inviter dans une soirée au quartier de la Monnaie. Un jeune de Romans tire les cheveux d’un rugbyman en fin de soirée en l’appelant Chiquita, et s’ensuivrait une énorme bagarre, des jeunes de Crépol viendraient en renfort munis d’armes blanches, et un jeune de la Monnaie mourrait sous un coup de couteau. L’indignation serait évidemment gigantesque.
Elément nouveau publié par Le Parisien: « Au cours de la soirée, Thomas (L.) m’a dit J’ai envie de taper des bougnoules », a confié une amie du rugbyman aux enquêteurs.” Thomas L. n’est donc pas Thomas Perotto, mais celui qui aurait tiré les cheveux. Et qui sera sérieusement blessé au cours de la bagarre, poignardé à deux reprises. Cette phrase est bien sûr à condamner. Et il faut s’en indigner pour les mêmes raisons que l’on s’indigne des témoignages d’autres participants, cités plus haut, évoquant du racisme anti-blancs.
“La bataille entre les deux camps s’avère déséquilibrée” souligne Le Parisien. “Côté Romans, plusieurs agresseurs sont armés de couteaux voire, selon certains témoignages, de « gants coqués ». Côté rugbymen, on n’a que les poings.” Après le meurtre de Thomas, les Romanais quittent précipitamment les lieux. Non sans avoir tiré un coup de feu depuis l’une des voitures.
L’article se conclut par le témoignage de Fayçal R., 21 ans : “Je suis innocent, je ne supporte pas l’idée de ce qu’il s’est passé. Je partage la peine de la famille de Thomas. Paix à son âme.” Les mots de ce participant romanais à la soirée sont bien le minimum. Et l’on aurait aimé qu’ils soient ceux de tous. Les quelques médias qui se sont aventurés à Romans-sur-Isère n’ont pas toujours eu le droit à la même compassion, dans la bouche de certains jeunes. Sans parler de ce que l’on a pu lire sur les réseaux sociaux.
Pour conclure, à l’heure où cet article du Parisien sera utilisé par beaucoup pour relativiser ce drame, ses fondements, sa force symbolique, et ses enseignements, souvenons-nous des mots de la maire de Romans-sur-Isère, menacée de mort par décapitation, qui clame sur les plateaux et dans les journaux : “Il faut arrêter la culture de l’excuse”. Souvenons-nous, enfin, des mots d’André, ce vaillant et touchant Crépolois, qui le jour de la visite d’Olivier Véran dans son village meurtri, a poussé un coup de gueule dans lequel tant de Français se sont reconnus, contre “tous ces gouvernements qui défendent la France des cités contre la France de Thomas. La France des gens qui élèvent leurs gosses comme il faut. Qui ne les élèvent pas dans la haine. La haine de la France et des Français.” A André, aux amis de Thomas, comme à tant d’anonymes partout dans le pays, on ne pourra jamais retirer le fait d’avoir ressenti, au lendemain du bal de Crépol, la double tragédie de l’injustice et de l’abandon.
La Dépêche du Midi embraye en faisant pire :
clacha
Je ne comprends pas aucun article sur Valentin qui a tué père et mère après il a mis le feu à la maison
Philippe Carhon
C’est un fait divers dramatique mais cela reste un fait divers = fait isolé sans signification structurelle
Succession de faits divers identiques ou similaires = fait de société