Partager cet article

France : Société

Assassinat de Louise : que souhaiter à la jeunesse ?

Assassinat de Louise : que souhaiter à la jeunesse ?

Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :

Owen L., 23 ans, a reconnu avoir assassiné la collégienne Louise à Epinay-sur-Orge. Le jeune âge du coupable atteste, s’il était encore besoin de le prouver, qu’une partie de la jeunesse actuelle vit sans cadre et sans repère.

Il était en BTS informatique en alternance. Elle était collégienne. L’un était désœuvré, livré à lui-même, l’âme abrutie devant des jeux vidéo. L’autre, plus jeune encore, joyeuse et candide, avait la vie devant elle. Le récit de la mortde la petite Louise par Owen L., mort ignoble parce que totalement injuste, serre le cœur de tout Français qui se soucie du destin de ses enfants.

A l’école de l’Evangile, nous savons que de l’ivraie a été semé dans le champ de blé de nos existences. Le mal, hélas, fait partie de la vie. « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bonne semence dans son champ. Or, pendant que les hommes dormaient, son ennemi vint et sema de l’ivraie au milieu du froment par-dessus, et il s’en alla. »Mais ce qui nous assomme devant un tel déchainement de violence, c’est la jeunesse du coupable, l’innocence de la victime, la gratuité d’un tel engrenage de barbarie. « Très énervé » contre un adversaire en ligne d’une partie de Fortnite, Owen a reconnu durant sa garde à vue avoir eu l’intention, pour se calmer, de racketter le premier passant. La suite est désormais connue, point de racket mais l’assassinat sauvage à coup de couteau de Louise, jeune élève qui rentrait paisiblement du collège pour rejoindre sa maison…

« Notre existence a ses étapes – et une société qui l’oublie nous conduit à les brûler. » François-Xavier Bellamy

Mot pour mot, nous pourrions reprendre les premières paroles de l’homélie de l’abbé Grosjean prononcée dans la cathédrale de Versailles lors des obsèques de la jeune Philippine, le 27 septembre dernier : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer notre douleur, notre colère, notre incompréhension. »

Mais passé le temps des larmes, que faire ? Que dire et que souhaiter à la jeunesse d’aujourd’hui puisqu’ils seront les adultes de demain ? Ne nous y trompons pas, n’en déplaise au général Mac Arthur, la jeunesse est bien une période de la vie qui mérite toute l’attention des éducateurs : parents, enseignants, responsables d’associations sportives et bien entendu prêtres et religieuses. Dans la préface d’une anthologie de textes adressés à la jeunesse (A la jeunesse, Librio, 2016), le philosophe et professeur François-Xavier Bellamy rappelait cette vérité toute pure : « Notre existence a ses étapes – et une société qui l’oublie nous conduit à les brûler. » Combien de jeunes sont confrontés dès leur plus jeune âge à ce que la vie d’adulte présente d’écueils pervers : plaisir destructeur de la drogue, sexualité désordonnée, avidité de l’argent, ambitions mal placées ? Combien d’adultes, faute d’avoir été structurés durant leur jeunesse se retrouvent,passés trente ans, à se comporter comme des adolescents, les fameux adulescents dont l’immaturité empêche une société d’avancer.

Faire en sorte que « le vice rase les murs »

La vie sacerdotale mène le prêtre sur différents fronts : presbytère, sacristie, petits commerces, grandes avenues, galeries marchandes, hôpitaux, transports en commun : l’univers du prêtre n’a pas de frontières, son champ apostolique n’a pas de grilles. Partout, le contact des gens, partout le parfum du réel.

Au début de mon ministère, j’eus le grand bonheur d’assurer l’aumônerie du groupe scolaire Saint-Dominique-du-Pecq dans les Yvelines. Avant de prendre mes fonctions, alors que je discutais avec son Proviseur, Michel Valadier (désormais Directeur Général de la Fondation pour l’Ecole), je lui demandais ce qui, selon lui, manquait le plus à la jeunesse.Essayer de comprendre les attentes du prochain dont on a la charge, tenter d’en saisir les ressorts, les tourments et les défis, quoi de plus naturel ? J’avais 27 ans et le désir ardent de servir mes futurs lycéens sans faux semblant, sans fard et sans truchement. La réponse du chef d’établissement fusa, tel un acte réflexe affuté par sa connaissance des élèves : « Ce qui manque le plus à la jeunesse, me dit-il, ce sont des chefs. Un ou deux par classe. Des élèves qui par leur attitude, leur exemple et leur charisme font que le vice rase les murs ». Les mots avaient le mérite d’être clairs et concis. Ils étaient surtout imprégnés d’un solide bon sens doublé d’une longue expérience.

Ce ne sont donc pas tant les vertus qui manqueraient à la jeunesse, mais quelques hommes vertueux. Non pas des individus assénant des leçons, mais des personnes donnant le goût et l’exemple. Assurément, l’idéal voudrait que le désordre soit absent des salles de classes autant que des salles de réunion, des abris-bus, des travées des stades ou des queues au supermarché. Un certain réalisme nous fait cependant prendre conscience qu’il n’est pas possible d’avoir une classe, une société, des gouvernants, un conjoint ou une paroisse qui soient parfaitement à l’image de nos vœux. Et il n’est pas nécessaire de le rappeler seulement aux enfants. La perfection n’est pas de ce monde, bien que d’une manière toute à la fois mystérieuse et certaine, notre être dans son ensemble y aspire. Il y a en effet dans le cœur de l’homme quelque chose qui ressemble à un appel au sublime et dans le même temps une incapacité à l’atteindre seulement par ses propres forces. L’humain ou le social, inévitablement et par nature, relève dudécevant lorsque l’un et l’autre sont livrés à eux-mêmes.Charles Péguy disait très bien qu’on ne construira pas le Paradis sur la terre, mais que c’est déjà beaucoup d’empêcher l’enfer de redéborder. En somme de travailler à ce que « les vices rasent les murs ».

La meilleure façon d’avancer dans ce travail consiste certainement à se couper dans un premier temps de ses illusions. Si l’homme est capable de noblesse, il n’en est pas pour autant naturellement bon comme le mythe rousseauiste du bon sauvage et les tenants du vivre ensemble le laissent entendre. Nier les blessures qui traversent le cœur de l’homme – que la catholique résume sous le nom de « péché originel » – c’est se méprendre sur le réel. L’homme n’est certes pas toujours fameux individuellement, mais plus encore la conjonction de tous ses égoïsmes individuels, de toutes ses passions, de toutes ses misères peut hélas, socialement,conduire au pire.

Depuis trop longtemps, la légèreté des responsables politiques

Que faire alors ? Peut-être simplement commencer paroffrir à la jeunesse des idéaux nobles ! La courtoisie, la noblesse de cœur, l’esprit chevaleresque, la générosité à tout crin devraient devenir pour la jeunesse une priorité nationale en vue de l’avenir de notre pays. Ce mépris des humanités de nos grands-parents, des repères moraux d’autrefois, des murs porteurs solides de notre civilisation, nous en payons le prix amer aujourd’hui. Quand le pass culture offre la possibilité d’acheter des jeux vidéo mais non de se rendre à La Cité de l’Histoire à La Défense, il y a de quoi être écœuré devant tant de légèreté de la part des responsables politiques censés se comporter en adulte, et donc en transmetteurs. Ce drame de la rupture civilisationnelle, Gustave Thibon l’exprimait avec toute la clarté de ses aphorismes : « Ne voyez-vous pas que lorsque je pleure sur la rupture d’une tradition, c’est surtout à l’avenir que je pense ? Quand je vois se pourrir une racine, j’ai pitié des fleurs qui demain sécheront, faute de sève. ».Pleurer Louise, c’est en effet aussi pleurer toute cette atmosphère d’horizontalité que l’univers adulte propose, à tort, à la jeunesse.

Au début du XVIIe siècle, l’évêque François de Sales adressait à l’épouse du chancelier de France, Madame Brûlart, une de ses lettres fameuses. Cette dernière, écrite dans un français du Grand Siècle, portait sur le sujet de l’éducation : « Maintenant que leur intelligence commence à se déployer, il faut y fourrer doucement et suavement les premières semences de la vraie vertu, non pas en les reprenant avec des paroles aigres mais en les avertissant avec des paroles sages et aimables à tout propos, en leur répétant, et en leur procurant de bonnes amitiés. » A bon entendeur.

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services