Sur Liberté politique, Constance Prazel dénonce la fraude des mots :
[…] Nous vivons dans un monde parallèle, où les mots ne signifient plus ce qu’ils devraient signifier, ou signifient ce qu’ils ne signifient pas, où les présupposés attachés à tel ou tel vocable sont si lourds que des termes autrefois anodins sont désormais passibles de déportation symbolique ou médiatique.
Afficher sur le mur d’une station de métro parisien que « la société progressera à condition de respecter la maternité », c’est se rendre coupable de « délit d’entrave à l’IVG », comme autrefois, emballer le poisson du marché dans un journal à l’effigie de Staline vous faisait soupçonner de manquer de respect au marxisme-léninisme. L’écart qu’il y a entre les termes inoffensifs de « respecter la maternité » et le concept de « délit d’entrave à l’IVG » est plus que patent. La campagne ne parle pas de l’IVG. C’est un fait. Respecter la maternité, cela peut signifier 1001 choses : permettre aux femmes d’avoir accès aux soins remboursés pendant leur grossesse, favoriser l’accès au congé maternité pour pouvoir concilier vie familiale et vie professionnelle, aider les mères-célibataires à élever sereinement leur enfant… Toutes choses respectables et admissibles par le politiquement correct, mais ce n’est pas cette interprétation que les censeurs du temps ont retenu. Au « délit d’entrave à l’IVG » reniflé et suspecté par eux vient répondre un autre délit, bien réel celui-là, un délit de faciès idéologique, un délit d’intention : le message est irrecevable parce qu’il est proféré par une personne, par un organisme qui n’a pas le droit à l’expression publique, au nom d’une « loi des suspects » telle que ne l’aurait pas reniée la période révolutionnaire. Les ci-devant pro-vie sont suspects à partir du moment où ils ouvrent la bouche, indépendamment des propos articulés. La différence est que la justice actuelle ne conduit plus physiquement à l’échafaud ; c’est peut-être ce que l’on appelle le « progrès ».
La polémique suscitée par la campagne d’Alliance Vita est-elle vraiment étonnante ? On a envie de dire qu’elle nous consterne, sans nous surprendre, tant nous avons tendance à être mithridatisés devant les attaques du système. Là où un pas est cependant franchi vers le totalitarisme de la pensée, c’est à travers l’engagement personnel, obstiné et réitéré d’Anne Hidalgo, le maire de Paris. Non seulement elle s’est dite « choquée » par la campagne – choquée non par le contenu, qui est objectivement lisse, simple et ouvert, mais par ce que sa machine mentale à fabriquer des fantasmes idéologiques a généré – mais elle s’est immiscée de manière totalement indue entre deux entités privées assez grandes pour faire leurs affaires entre elles, en l’occurrence la société MediaTransports et l’association Vita. Bien plus encore : après la saisie du tribunal en référé, qui a abouti à la demande exécutoire de replacer les affiches pour honorer le contrat conclu entre Vita et MediaTransports, Anne Hidalgo est remontée à l’assaut, en indiquant vouloir faire appel de la décision judiciaire. Un tel acharnement témoigne d’un degré inouï d’idéologisation du débat public, un accaparement des mots par une pensée intolérante qui suspecte et se crée des ennemis sur la base de pures constructions mentales bâties dans le mépris du réel le plus élémentaire. L’adage platonicien selon lequel la perversion de la cité commence par la fraude des mots n’a jamais été autant d’actualité.
Le combat se joue maintenant dans les tribunaux, et nous saluons la détermination d’Alliance Vita d’aller jusqu’au bout, y compris auprès des autres instances chargées de l’affichage public dans l’agglomération parisienne. Il se joue aussi dans les urnes : il n’est pas possible que subsiste à la tête de la ville de Paris une figure aussi dévoyée de l’engagement politique que Madame Hidalgo, une personne qui bafoue aussi ouvertement la liberté – sans même parler de son soutien objectif à la culture de mort, nous sommes désormais au-delà même de ce combat. Quelle consternation de voir que les prises de position publiques sont inexistantes pour dénoncer la dictature en action, alors même que les manœuvres de l’actuel maire de Paris dépassent largement le fond du dossier et la question de l’IVG. Mais de cela, à droite comme à gauche, il semblerait que nul ne se soucie.