Les résultats du premier tour de la primaire de la droite ont été une surprise. Bien sûr, comme tout le monde, j’avais vu qu’un certain nombre de personnes décidées à empêcher Sarkozy d’être candidat aux présidentielles, après avoir longtemps préféré Alain Juppé, chouchou des médias et des sondages, se rabattaient sur François Fillon à mesure que la présence de ce dernier au second tour devenait plus crédible. Mais j’avoue que je ne m’attendais pas à l’élimination de Nicolas Sarkozy dès le premier tour, ni au score impressionnant de François Fillon. Pas davantage que je ne m’attendais à un aussi important succès populaire de ces primaires (plus de 4 millions d’électeurs).
Comme vous le savez, j’avais, pour ma part, choisi de voter Poisson, ce qui me semblait le moyen le plus efficace de montrer l’importance des principes non négociables dans le combat politique. Je suis naturellement déçu que sa candidature n’ait retenu que 1,5% des suffrages et un peu moins de 60 000 voix. Il est vrai que l’on peut, d’un autre côté, remarquer qu’il fait bonne figure au milieu des quatre « petits » candidats et qu’il est sûrement celui dont la notoriété a le plus progressé au cours de cette campagne. Il est vrai, surtout, que 60 000 voix sur 4 millions d’électeurs, c’est à peu près le double de ce qu’avait réuni la campagne de Force Vie aux européennes (un peu moins de 150 000 voix sur 20 millions d’électeurs) et que cette progression est de bon augure pour la suite. Il n’empêche que je crois que nous avons, collectivement, manqué une belle occasion de faire en sorte que les catholiques de conviction soient pris en compte.
Je note, en passant, que, vu le score de François Fillon, si Jean-Frédéric Poisson avait fait 10%, cela n’aurait pas empêché l’élimination de Nicolas Sarkozy, ni ce deuxième tour très favorable à son ancien Premier ministre. Le vote utile a eu la « vertu » de camoufler les convictions et de les rendre inaudibles, quand le vote de conviction n’aurait pas nui à l’utilité électorale. Rude leçon qu’il faudra sans doute méditer…
Toutefois, parallèlement à cette déception, je ne peux pas non plus dissimuler mon plaisir de voir le duel cent fois annoncé par les médias du système s’évaporer. Non seulement cela montre une relative indépendance d’esprit des électeurs (pas encore assez à mon goût, mais déjà trop pour les oligarques !), mais cela offre, par ailleurs, la possibilité d’éliminer le tenant de la social-démocratie, le défenseur de « l’alternance dans la continuité », au deuxième tour dimanche prochain.
A mon sens, il faut donc revenir à la vieille logique du scrutin à deux tours : au premier tour, on choisit ; au deuxième, on élimine. Certes, peu d’électeurs ont réellement choisi de défendre leurs convictions au premier tour, mais il est toujours possible d’éliminer au second. Et, naturellement, il faut donc tout faire pour faire battre Alain Juppé qui, non seulement est, de loin, le pire sur les principes non négociables, mais encore est de centre-gauche sur la plupart des sujets (de l’immigration à la fiscalité, en passant par la soumission à Bruxelles ou l’alliance avec le FN…).
François Fillon, quant à lui, a obtenu son score sur une ligne de défense des racines chrétiennes de la France, de rééquilibrage de la politique étrangère française, de réduction sévère des dépenses publiques, de libertés économiques et même de réserve à l’égard de la loi Taubira (tous les médias le disent, depuis hier soir, « opposant au mariage pour tous »)… Il était d’ailleurs frappant, pour qui suivait les réseaux sociaux, de constater que, chaque fois que Jean-Frédéric Poisson prenait une position, François Fillon reprenait la même sur un mode mineur. L’image de « notable de province », enraciné et discret, a compté pour beaucoup dans le succès de l’ancien Premier ministre. Il ne nous coûtera donc pas beaucoup d’éliminer Alain Juppé au profit de François Fillon.
Ce dernier était d’ailleurs, nous ne l’oublions pas, le deuxième candidat de la primaire, après Jean-Frédéric Poisson, selon les critères de nos amis de « Liberté politique ». François Fillon était donc le meilleur des « grands » candidats, même si nous n’oublions pas que, sur un certain nombre de sujets majeurs (de la liberté scolaire au traité de Lisbonne, en passant par la destruction de la Libye, l’immigration ou la défense de la vie…), son bilan n’est pas bon.
Mais, après ce deuxième tour, que faire ?
Après, bien des choses sont envisageables et je crois très imprudent de se prononcer trop vite.
On peut imaginer que François Fillon « déroule » une large partie du programme de Jean-Frédéric Poisson – auquel cas il pourra compter sur notre soutien, comme Jean-Frédéric Poisson avait pu compter sur ce soutien. Il peut aussi se dire que, « le job étant fait », comme on dit chez les communicants, il est temps de se tourner vers les centristes et d’édulcorer le discours.
En sens inverse, on peut imaginer que le FN comprenne que c’est tout autre chose d’affronter François Fillon que d’affronter le chouchou des médias, Alain Juppé, et qu’il faut donc abandonner, au moins partiellement la ligne Philippot, et promouvoir la ligne Marion. Ou, au contraire, que le FN se « mélanchonise » pour s’opposer à « l’ultra-libéral » et au « conservateur » Fillon.
A l’heure où j’écris ces lignes, il est impossible de savoir quel sera le candidat le plus compatible avec la droite de conviction et avec la défense des principes non négociables. Dans tous les cas, nous allons observer avec attention les prises de position des uns et des autres et nous nous déciderons, comme toujours, en fonction de nos convictions et de la situation politique.
Mais, comme nous disions avant le premier tour de la primaire, à chaque jour suffit sa peine : nous ne sommes pas encore en train de voter à la présidentielle ; nous en sommes simplement au deuxième tour de la primaire. Or, au deuxième tour de la primaire, nous avons la possibilité d’éliminer un soutien des Frères musulmans et un homme qui crachait naguère sur le Pape Benoît XVI qui avait l’incroyable audace de défendre la loi naturelle. Nous n’allons pas nous en priver !
Guillaume de Thieulloy