Mgr Luigi Negri, archevêque de Ferrara-Comacchio, estime que l'Europe "civilisée", et spécialement la France, n'ont pas de leçons à donner aux barbares de l'Etat islamique, qui ont détruit méthodiquement les sculptures d'un musée de Mossoul. Une traduction du site "Benoît et moi" :
"J'espère que les moyens technologiques (…) gardent de manière éloquente, aussi pour les prochaines générations, l'image de la terrible action de barbarie à laquelle nous avons assisté presque en direct partout dans le monde: l'acharnement démentiel, encore plus que barbare, à l'encontre des expression artistiques d'un des plus grands moments de la culture universelle, et qui avaient été transmises avec dévotion et respect d'une génération à l'autre, d'une culture à l'autre, d'une civilisation à l'autre. Car la culture et la civilisation ne sont pas exclusives comme l'est au contraire l'horrible idéologie, même religieuse. La culture et la civilisation sont inclusives et savent donc assumer aussi les réalités historiques et culturelles qui ne sont pas nées dans leur propre aire stricte, et dont elles au contraire s'enrichissent.
Aux rares hommes de culture qui encore existent dans cette société épuisée est justement venue à l'esprit la grande tradition catholique qui pendant des siècles innombrables a accueilli les expressions de la culture classique, grecque et romaine, et plus tard des autres traditions même de l'Extrême Orient. (…)
Cette capacité d'accueil, de respect, d'approfondissement a été pulvérisée. L'expression la plus abjecte est la destruction de ce qui est différent. En réalité, nous les Européens nous avons aussi fait l'expérience de cela. Nous avons sous les yeux les destructions des traditions précédentes faites par exemple par la Révolution française qu'une grande partie du laïcisme européen considère encore comme un point de départ insurmontable. Et malheureusement pas uniquement les laïcistes, mais une certaine partie du monde catholique considère également la Révolution française comme un fait indéniablement positif.
L'Occident a assisté à l'avance à sa propre fin. Dans la tragédie qui s'est consommée dans ce magnifique musée de Mossoul où était préservé le meilleur du grand art, de la grande culture, l'Occident a vu la mort de sa propre civilisation, qui avait été évoquée de manière incomparable par Benoît XVI dans son discours incompris de Ratisbonne. La grande civilisation occidentale est une civilisation dont la variété des formes de vie, de pensée, de coutume ont su et savent se rencontrer, se valoriser, se combattre si nécessaire, mais tout cela dans la perspective d'une nouveauté de vie humaine et historique qui est la marque de la civilisation.
Tout cela, que cela plaise ou non, arrive à sa fin, s'il n'est pas en réalité déjà fini. L'horizon est marqué par le sillage noir du Califat, et sous le sillage noir du Califat gît la liberté de conscience et de cœur, la liberté physique, la liberté de vivre dans la dignité et de professer ses propres convictions de manière libre et responsable.
Le massacre, les massacres qui sont désormais une chose normale, l'imaginaire de l'homme occidental l'a déjà métabolisé. Il en lit hâtivement dans les journaux ou les réseaux sociaux; les images défilent à la télévision pendant qu'il mange tranquillement; comme si c'étaient les évènements d'un autre monde.
La civilisation est finie. Une société moribonde n'a même pas la capacité de faire une authentique révision critique de sa propre vie, mais si elle l'avait, il faudrait qu'en ressortent tous ceux qui, sciemment ou inconsciemment, ont préparé dans les formes les plus diverses cette fin: tous ceux qui ont poursuivi le dialogue au-delà de toute mesure; tous ceux qui au fond ont plus peur de la foi chrétienne que de la barbarie de l'idéologie islamiste. Mais peut-être que cette responsabilité est surtout celle de ceux qui ont apostasié le Christ. Et en apostasiant le Christ ils ont apostasié eux-mêmes. Et comme l'homme est toujours étroitement conjoint à une société, en apostasiant de lui-même il a détruit la civilisation."