Hanna, une chrétienne pakistanaise, témoigne dans Famille chrétienne. Extraits :
"[…] Nous avons l’impression d’être oubliés malgré les persécutions que nous vivons quotidiennement. Il est grand temps de se réveiller et de se mettre au travail pour unifier le corps du Christ que nous représentons tous. Aujourd’hui, l’Europe est comme un géant endormi. En fermant les yeux, elle permet à certains extrémistes musulmans de procéder à d’atroces persécutions. Je suis pour la paix avec les musulmans, mais cette fraternité ne doit pas autoriser ces actes répréhensibles. C’est donc pour cela que je parle de notre vie au Pakistan. Je suis certaine que l’Europe peut influencer la politique et la religion dans notre pays, pour que nous vivions enfin librement notre foi.
Comment expliquez-vous que le nombre de condamnations pour blasphème se multiplie ces derniers temps ?
Depuis 1990, date du durcissement de la loi anti-blasphème, nous devons être très prudents. Cette loi n’impose aucune preuve lorsqu’une accusation est portée contre un chrétien. L’exemple d’Asia Bibi est flagrant. Mais son cas n’est pas unique. Bien au contraire. Tous les chrétiens vivent dans la terreur d’être condamnés pour ne serait-ce qu’un mot mal interprété dans une discussion. Le problème est d’autant plus préoccupant chez les jeunes chrétiens qui étudient l’islam à l’école. Ils doivent toujours être attentifs aux mots qu’ils utilisent dans leurs devoirs ou leurs conversations. Il suffit qu’un professeur ou un étudiant les accusent de blasphème pour qu’ils soient condamnés.
À quoi ressemble la vie d’un chrétien pakistanais aujourd’hui ?
Nous sommes purement et simplement mis à l’écart. Dans les écoles comme dans les entreprises, nous n’avons pas le droit d’utiliser les mêmes ustensiles, la même nourriture ou la même eau que les musulmans, car nous sommes considérés comme des êtres inférieurs. De nombreux écoliers chrétiens sont assimilés à la caste des intouchables et ne sont pas autorisés à boire à la même source d’eau que les autres élèves. Ils n’ont pas le droit non plus d’utiliser leurs tables ou leurs couverts. La persécution des chrétiens commence donc dès l’enfance et se poursuit dans la vie professionnelle.
Comment arrivez-vous à vivre votre foi dans cette situation ?
C’est difficile. La constitution autorise les chrétiens à se rendre à l’église, à posséder une Bible et à pratiquer leur religion. Mais nous sommes considérés comme des parias de la société car la constitution interdit dans le même temps de se convertir de l’islam vers le christianisme. C’est pour cela que nous devons être très prudents dans nos relations avec les musulmans, car nous n’avons pas le droit de les évangéliser.
Y a-t-il des pressions exercées sur les chrétiens pour qu’ils se convertissent à l’islam ?
Il s’agit bien plus que de simples pressions. On ne compte plus le nombre de jeunes chrétiennes enlevées et abusées par les extrémistes, notamment dans le nord du pays, dans les provinces du Sind et du Baloutchistan. Les Hindous subissent le même sort. Pour les talibans, c’est une façon comme une autre de tenter d’éradiquer les minorités religieuses du Pakistan. Pour eux, prendre une femme à une autre communauté, c’est montrer son pouvoir. Et une fois ces femmes converties, elles ne sont plus autorisées à retourner à leurs racines chrétiennes. C’est une double déchirure. […]"