De passage à Paris pour la Nuit des Témoins de l’AED le vendredi 25 mai, Paul Bhatti, conseiller pour l’Harmonie nationale auprès du Premier ministre et frère de Shahbaz Bhatti assassiné en 2011, a répondu aux questions d’Eglises d’Asie. Extraits :
"Le gouvernement auquel j’appartiens souhaite véritablement – c’est du moins ce que je pense profondément – protéger les minorités, mais il doit par ailleurs faire face à de nombreux problèmes qui mettent en cause sa survie même. Les actes de terrorisme, les difficultés internes, l’état de l’économie, sont autant d’éléments qui l’empêchent de concentrer son attention sur le sort des minorités.
Vous voulez dire que plus le gouvernement est faible, moins il est en mesure de se préoccuper du sort des minorités ?
Oui, et pas seulement du sort des minorités. L’économie du pays est dans un tel état aujourd’hui que c’est bien l’ensemble de la société qui est menacé. Plus la pauvreté augmente, plus les conséquences en termes de criminalité et d’augmentation de l’intolérance sont fortes. Et vous pouvez être sûr qu’en pareille situation, ce sont toujours les plus pauvres et les plus faibles qui payent le prix le plus élevé. Or, au Pakistan, les plus pauvres des pauvres, les plus faibles des faibles, ce sont les chrétiens. […]
Nous nous attachons à lutter pour défendre les droits de l’homme, à lutter contre les discriminations, à lutter contre le mauvais usage qui est fait des lois contre le blasphème. En l’état actuel des choses, il est illusoire de penser que nous pourrons obtenir l’abolition ou même un amendement des lois anti-blasphème ; il faut donc se contenter de limiter au maximum les dégâts provoqués par la mauvaise utilisation de ces lois. Pour cela, les victimes doivent être soutenues et défendues par une organisation compétente.
Pour défendre Asia Bibi, vous devez toujours avoir à l’esprit qu’il y a beaucoup d’autres personnes comme elles, qui font face aux mêmes difficultés et dont les conditions de détention sont pires encore. Et pourtant, personne ne s’en soucie. Si Asia Bibi venait à être libérée, huit jours plus tard il y aurait une autre Asia Bibi ! Je veux dire ici que bon nombre d’organisations utilisent le cas d’Asia Bibi, montrent son mari et ses enfants pour lever des fonds mais n’agissent pas concrètement pour que la situation change au Pakistan. Qu’on l’accepte ou non, dans le Pakistan d’aujourd’hui, les gens ne supportent plus les interventions de l’étranger. Ils considèrent cela comme une intrusion inacceptable dans leurs affaires et ne veulent surtout pas recevoir de leçons de l’Occident ou bien se voir dire ce qu’ils doivent faire ou penser. Dans ce contexte, le prix à payer pour les chrétiens pakistanais est élevé car ils sont assimilés, du fait de leur appartenance religieuse, à l’Occident ; ils sont considérés comme des espions au service de l’Occident. Pour eux, les chrétiens, il serait pourtant facile d’échapper à cet opprobre en abandonnant leur foi et en se déclarant musulmans, mais ils ne le veulent pas !
Je souhaite qu’à l’étranger, les personnes qui veulent aider le Pakistan et les chrétiens au Pakistan s’attachent d’abord à identifier quelles sont au Pakistan les personnes qui travaillent vraiment à défendre les minorités religieuses. Qu’ils viennent sur place, rencontrent les acteurs présents sur le terrain, discutent avec eux et comprennent ce qu’ils veulent faire et comment ! Alors et seulement alors, ces personnes étrangères au Pakistan pourront décider qui elles veulent aider et comment elles peuvent le faire. Si ce qu’elles font consiste à parler d’Asia Bibi, à faire venir son mari et ses enfants en Europe, alors qu’il y a plein d’autres familles plongées dans la même détresse, à quoi cela sert-il ? Pour être bien compris, j’ajoute que ce n’est nullement Asia Bibi en tant que personne qui est en cause. Lorsqu’elle s’est trouvé aux prises avec cette accusation de blasphème, c’est mon frère qui s’est occupé d’elle et de sa famille ; il a logé son mari et ses enfants chez lui et leur a donné de quoi vivre ; ensuite, il a mobilisé le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, pour que lui aussi se saisisse de son cas. […]"
odette de Lannoy
Evidemment se serait l’enterrement de l’UMP
Mais si chacun est sincère et veut vraiment et honnêtement créer quelque chose de fort pour le bien de tous je pense que ce serait très bien.Les ambitions de chacun n’apportent rien de bon. Ces “chacun” là peuvent apporter leur compétence et leur expérience personnelle et beaucoup d’humilité. L’union fait la force…
C.B.
Le témoignage de Paul Bhatti est-il l’annonce de ce qui nous attend à plus ou moins brève échéance?
Denis Merlin
C’est pourquoi, il faudrait un gouvernement mondial chargé de faire respecter les droits de l’homme partout dans le monde. Ce gouvernement suffisamment issu des différentes parties du monde et des différentes ethnies et races ne vexerait personne.
Car aujourd’hui en effet si l’on défend Asia Bibi de l’Europe, on donne l’impression aux Pakistanais d’être des néo-colonialistes. Alors que en Occident les droits humains sont très souvent bafoués (avortement, “mariage homosexuel”, socialisme, laïcisme…)
C’est d’ailleurs le problème que cause ces organisations qui fragmentent la société en copiant les islamistes. (Elles parlent de de “christianophobie” qui est un concept copié sur le concept d’islamophobie, lequel concept fut forgé par les islamistes dans des intentions de rendre présentable une revendication d’inégalité). Les deux concepts sont à refuser. Il ne faut pas fragmenter la société, il faut lutter pour les droits universels de l’homme partout, toujours et y compris en Occident et dans la religion catholique (les évêques bafouent parfois les droits fondamentaux des fidèles au nom de la foi).
Aujourd’hui nous avons les “traditionalistes” qui refusent les droits universels de l’homme d’un côté (alors qu’ils les défendent bien mieux que beaucoup d’autres) et de l’autre les catégories qui tentent de s’approprier ce concept à leur profit particulier, ce qui est incohérent.
Quelle misère de constater que le Pape parle en vain en France !
Jean
“Pour défendre Asia Bibi, vous devez toujours avoir à l’esprit qu’il y a beaucoup d’autres personnes comme elles, qui font face aux mêmes difficultés et dont les conditions de détention sont pires encore. Et pourtant, personne ne s’en soucie.”
Paul Bhatti a tout à fait raison ! Cela dit, mettre en avant certains cas symboliques, mondialement connus, permet d’éclairer les autres cas si c’est bien fait.
Concernant la volonté du gouvernement : http://fidepost.com/le-president-du-pakistan-veut-en-finir-avec-les-accusations-abusives-de-blaspheme/ ; peu après, les islamistes faisaient pression pour que la loi soit toujours plus appliquée…