Lu dans le dernier numéro de Minute :
"[…] Le projet du ministre, prévu pour être applicable dès septembre 2017, est donc double. Il s’agit de compliquer la création d’écoles hors contrat et de contrôler le contenu des connaissances des enfants scolarisés dans ces écoles. Pour le premier point, la méthode est toute trouvée : il faut passer d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation. Comme cela était le cas… pour la presse sous contrôle étatique, jusqu’en 1881 ! Pour ouvrir une école, il faudra désormais remplir de nouvelles formalités administratives et attendre le tampon du préfet. Officiellement, cela ne durera pas plus de quatre mois et tout refus devra être motivé… Tout le monde y croit… D’ailleurs, cela existe déjà en Alsace-Moselle et, ajoute Najat Belkacem, « je ne crois pas qu’il y ait moins de liberté en Alsace-Moselle ». Bref, pour le ministère, ce nouveau régime « permettra d’empêcher les projets qui contreviennent au droit à l’instruction et ne respectent pas les valeurs de la République ».
Mais, comme le fait remarquer la Fondation pour l’école, en pointe dans la création d’écoles indépendantes, « instaurer un régime d’autorisation n’a rien d’un toilettage technique des textes ; c’est une révolution contraire au principe même de liberté d’ouverture qui découle du caractère constitutionnel de la liberté d’enseignement » ! Avec la réforme voulue par Najat Vallaud-Belkacem, c’est donc un nouveau pan de nos libertés qui s’en va.
De même, renforcer le contrôle des connaissances des élèves, sur le papier, c’est très beau. Mais, dans la réalité, c’est supprimer toute originalité pédagogique et faire disparaître toute la spécificité du hors contrat. Si des parents inscrivent leurs enfants dans ces écoles, c’est bien pour les spécificités, quelles qu’elles soient d’ailleurs, qui n’existent pas dans l’Education nationale. Des écoles Montessori aux écoles Steiner en passant par toutes les pédagogies particulières qui conviennent aux élèves dyslexiques ou dyspraxiques, sans oublier les écoles dans lesquelles des petits effectifs sont garantis, le hors contrat est très divers. Et c’est cette diversité, cette originalité pédagogique, que le ministre veut faire disparaître, avec pertes et fracas, au profit du seul programme de l’enseignement public. Dans un monde où la diversité est un horizon indépassable, c’est un comble ! […]"
Quant à l'exemple de l'Alsace-Moselle, il est inquiétant :
"On sait déjà comment fonctionne le régime d’autorisation. Il est appliqué en Alsace-Moselle, héritage de l’histoire oblige. Et c’est ce qui sert d’argument, a priori imparable, à Najat Vallaud-Belkacem pour démontrer que son projet n’est pas liberticide : « Je ne crois pas qu’il y ait moins de liberté en Alsace-Moselle », a déclaré le ministre. Eh bien si ! Car monter une école indépendante en Alsace-Moselle est beaucoup plus compliqué qu’ailleurs ! Les fondateurs de l’école Montessori Les Abeilles à Klingenthal, dans le Bas-Rhin, en savent quelque chose. Son ouverture était prévue pour septembre 2014. Tous les papiers avaient été rendus dans les temps, toutes les formalités avaient été remplies. De tous les paramètres, un seul avait été « omis » : la lenteur de l’administration…
« On n’avait pas notre arrêté à quinze jours de la rentrée », nous a confié Anne Wetter, à l’origine de l’école… Autrement dit, à quinze jours de la rentrée, personne ne savait si l’école pouvait ouvrir ou non ! Loin d’être l’idéal quand du personnel a déjà été embauché et que des enfants sont déjà inscrits… « Au rectorat, on m’a répondu : “Ce n’est pas notre problème” », continue la fondatrice. De quoi décourager toutes les initiatives…"