On dit que le Conseil constitutionnel a validé la loi sur l’égalité des chances (donc le CPE) "sans réserve". Pour cet avocat blogueur, "sous couvert de valider le CPE, le conseil vient peut être de l’enterrer pour de bon". Avant même que Chirac ne demande que la loi soit modifiée sur ce point, le paragraphe 15 de la décision implique que l’employeur doit bien justifier du motif d’un licenciement.
Cet autre blogueur confirme cette analyse puisque le Conseil stipule que l’employeur devra bien, en cas de contentieux, justifier d’un motif (§ 25).
"Considérant […] qu’il appartiendra à l’employeur, en cas de recours, d’indiquer les motifs de cette rupture afin de permettre au juge de vérifier qu’ils sont licites et de sanctionner un éventuel abus de droit." [surlignage par le blogueur, bien sûr]
Conclusion du blogueur :
[L]a décision du Conseil, loin d’exonérer l’employeur d’une obligation de motivation, ne fait que déplacer cette dernière au niveau du contentieux. Au reste, les motifs licites et non abusifs ne sont pas nombreux, et pèsera en pratique sur l’employeur la charge d’en faire la preuve. Autrement dit, l’ensemble du dispositif concourre à favoriser le contentieux, avec des chances raisonnables pour les salariés. On peut donc douter que des employeurs biens conseillés recourrent massivement au CPE.
On peut donc juger que le Conseil, en ne sanctionnant ni ne réservant rien, a fait mieux (pire ?) encore que de mettre fin au CPE. La haute institution, par sa décision, a favorisé la persistance de la constestation sociale, tout en privant – on peut le penser – le CPE de toutes chances de succès pratique.
Trois remarques de votre serviteur, qui n’est pas juriste :
1. Une des deux annonces du Président, celle sur la communication d’un motif à l’employé remercié, est donc sans conséquence importante.
2. Encore une fois, on est mieux informé de ce point en fréquentant les blogs que les médias établis. (Voir aussi le blog Tokvil que citait Michel ce matin)
3. Le Conseil constitutionnel pourrait représenter un obstacle majeur à toute volonté d’un gouvernement, à l’avenir, de sérieusement assouplir le Code du Travail.
Henri Védas (merci à JS)
Quasimodo
Reprocher ce passage de la décision du Conseil Constitutionnel n’a pas grand sens si ce n’est lui reprocher d’enoncer une évidence juridique. La jurisprudence en matière de droit du travail a toujours défendu la nécessité de motiver le licenciement. Cela n’est pas nouveau et c’est d’ailleurs un argument que peu d’opposants au CPE ont utilisé alors que c’est certainement le plus pertinent d’entre tous : certains avaient en effet averti que le CPE aurait l’effet inverse de ce à quoi il vise du fait de la multiplication de contentieux qu’il risque de créer.
Le Conseil Constitutionnel n’est donc en rien blamable puisqu’il ne fait que constater une réalité juridique. Mais en fait le problème ne se pose plus si on se contente de donner une explication au licenciement comme cela va probablement se passer après l’intervention de Chirac.
Szymański
@ Quasimodo
Il ne me semble pas que le CC statue au regard de la jurisprudence judiciaire. Si celle-ci est très attachée à l’obligation de motiver le licenciement, c’est bien parce qu’elle figure dans la loi, et c’est justement cette obligaion légale que le CPE ne reprenait pas. Dès lors il ne me paraît pas évident que le CC fût obligé de placer cette obligation sur le terrain judiciaire, ce qui n’était probablement pas non plus dans l’esprit du législateur.
En outre, s’il a pu sembler prévisible que le CPE n’épargnerait pas l’employeur d’un éventuel recours, la précision du CC impose finalement à l’employeur d’indiquer au salarié le motif du licenciement, alors que le CPE prévoyait un pouvoir discrétionnaire en la matière.
Effectivement, avec le discours de Chirac, la question sera vite réglée. Mais le CC a bien dénaturé le CPE avant Chirac.