C’est ce que pense Gaël Brustier, qui écrit dans La Vie :
Le choix de François-Xavier Bellamy comme chef de file de la liste LR s’inscrit dans une stratégie pensée de longue date. Rendue nécessaire par la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, elle a trouvé son terreau grâce à La Manif pour tous, véritable « Mai 68 conservateur ». L’émergence d’une pensée conservatrice, diverse mais surtout riche de jeunes talents politiques et intellectuels en devenir, la charpentant, donne à une droite en pleine crise existentielle les premiers éléments pouvant s’intégrer à une synthèse politique renouvelée. C’est bien La Manif pour tous, « divine surprise » de la droite française en ce début d’ère Hollande, qui constitue le véritable point d’irradiation du conservatisme et qui a servi, depuis lors, de carburant politique à Laurent Wauquiez.
Il faut dire que les adversaires de gauche du conservatisme ont été dès le début fort mal inspirés (ceux de droite, d’une vacuité totale). Entre reductio ad lefebvrum et reductio ad Hitlerum, la réponse de la gauche fut d’une inconsistance sidérante, aussi révélatrice de sa propre crise idéologique qu’annonciatrice de désastres électoraux. Se cantonnant à la stigmatisation de l’homophobie en partie présente dans LMPT, elle se priva paradoxalement de toute construction idéologique pouvant porter le « mariage pour tous » et renonçait de facto au « combat culturel » qu’elle prétendait elle-même mener au nom d’un projet – le hollandisme – de plus en plus évanescent. Pis, elle s’en prit sans discernement au monde catholique avec une injustice et une violence contreproductives.
À LR, parti encore victime de sporadiques bouffées de libéralisme économique hérité des années 1980, Bellamy apparaît comme le porteur d’une pensée conservatrice cohérente, désormais mise à l’épreuve du choc des urnes, mais aussi comme la preuve vivante que conservatisme ( « traditionalisme devenu conscient », selon Karl Mannheim) ne rime pas avec « extrémisme ». Le destin de la droite française n’est peut-être pas d’être inévitablement absorbé par le lepénisme. Ayant regagné environ 7 points en quelques semaines, la droite française peut espérer vivre, après son Mai 68, son 10 Mai 1981 conservateur. Bellamy n’y aura pas été étranger.
Reste à savoir si cette campagne électorale ne sera pas, comme les précédentes, un rideau de fumée. Car les élus UMP/LR ont souvent montré qu’ils étaient capables, une fois élus, de se comporter en totale opposition avec leur attitude de campagne.