Tribune de Jean-Marie Le Méné dans Valeurs Actuelles :
"Le nouveau délit d’entrave à l’IVG que le Gouvernement veut imposer « en procédure accélérée », discuté à l’Assemblée Nationale jeudi 1er décembre, part du postulat que certains sites diffusent des informations faussées dans un but dissuasif. D’où l’idée dorénavant répandue que tenter de dissuader de l’avortement serait par principe induire les femmes en erreur et donc serait systématiquement condamnable. En revanche, une information – celle du gouvernement ou du Planning par exemple – qui est clairement de nature incitative, est présumée juste.
C’est tout de même un peu facile. Malheureusement pour le gouvernement, le raisonnement ne tient pas. Il suffit de se reporter au site du ministère de la Santé qui décrit les IVG instrumentale et médicamenteuse. La description de l’IVG instrumentale se limite à “une aspiration de l’œuf” qui sera suivie d’un contrôle permettant de s’assurer qu’il ne reste pas de “fragments de grossesse” (sic). La grossesse devient un OVNI susceptible d’exploser… en laissant des “fragments de grossesse” !
De qui se moque-t-on ? Est-ce cela le modèle d’information responsable d’un site public qui s’érige en parangon de vertu ? Quant à la description de l’IVG médicamenteuse, elle est encore plus lapidaire : “la méthode consiste à prendre deux médicaments différents (comprimés) puis à vérifier que la grossesse est bien interrompue”. Abracadabra ! Même dans le dictionnaire on en apprend davantage.
Pas une seule fois, les termes d’embryon et de fœtus ne sont utilisés, ni ceux qui indiquent qu’on supprime des vies humaines, ce qui n’est pas rien. Les mots aussi sont avortés. Le fait de renoncer volontairement au vocabulaire dédié, mal nommer les choses, contribue au malheur des femmes qui découvrent trop tard qu’elles doivent faire un deuil. Et comme, dans la vraie vie, on ne fait pas le deuil d’un “fragment de grossesse” mais d’un enfant, la chute est d’autant plus rude.
La réalité est autre. Ce qui est dissuasif de l’avortement, ce n’est pas l’information fausse, c’est l’information juste. Une information objective sur l’avortement – capable de nommer les choses – est par nature et à juste titre dissuasive. Dire “on va aspirer un œuf” ou “on va détruire l’embryon ou le fœtus que vous portez” n’a pas du tout le même sens et peut ne pas entraîner les mêmes conséquences pour une femme, un couple, une famille, la société tout entière.
La formulation la plus proche de la réalité est la seconde mais elle est dissuasive par construction. Naturellement, les militants des “illégalités fécondes” n’en veulent pas. Or ce sont eux qui tiennent le haut du pavé idéologique depuis 40 ans et cela quelle que soit la majorité au pouvoir. Ce faisant, ce sont eux qui désinforment.
Manquait une clé de voute, un dispositif qui empêche quiconque de lever un coin du voile, de dénoncer “le mensonge qui tue” selon le mot de l’historien Pierre Chaunu. Voilà qui est chose faite. Les grands procès de Moscou sont de retour pour ceux qui oseraient se mettre au service de la vérité. Qu’ils tentent de proposer une alternative à un acte de mort et on opposera les hommes à leurs femmes, les enfants à leurs parents, les élèves à leurs maîtres, les patients à leurs médecins, les ouailles à leurs pasteurs.
Comme dans le film Casablanca, on arrêtera les “suspects habituels”. D’ailleurs le Camp du Bien les a nommément désignés avant le vote de la loi. Tel est le triomphe du droit et la défaite de la justice. Une politique de santé digne de ce nom s’honorerait de rechercher comment faire baisser le nombre d’avortements qui est scandaleusement deux fois plus élevé en France qu’en Allemagne. Cette action courageuse, qui est un vrai service à rendre à nos concitoyens, attendra des jours meilleurs. Ils ne sauraient tarder."