"A ce jour, les autorités laotiennes – habituellement discrètes – n’ont pas réagi à l’annonce par Rome de la signature, le 5 juin dernier, par le pape François de la promulgation des décrets relatifs au martyre de 17 prêtres et laïcs laotiens et missionnaires étrangers, tués au Laos entre 1954 et 1970. C’est pourtant la première fois que l’Eglise catholique s’aventure à béatifier des martyrs tués en Asie par des organisations communistes dont les héritiers directs sont toujours au pouvoir.
Le gouvernement laotien n’est pas pris par surprise. La cause de béatification de ces 17 martyrs a été introduite en 2004, et ce sont les évêques du Laos qui l’ont voulue, convaincus que la béatification de leurs martyrs contribuera à l’édification de l’Eglise dans leur pays. Selon les propres termes des évêques laotiens, l’Eglise du Laos est « encore une jeune plante bien fragile : elle a besoin de trouver des ‘tuteurs’, des appuis surnaturels solides » pour mener son parcours dans un environnement trop souvent hostile. […]
Dans le cas des 17 martyrs du Laos, les dossiers le montrent : le P. Joseph Thao Tiên et seize autres prêtres et laïcs assassinés, exécutés ou morts d’épuisement entre 1954 et 1970, ont trouvé la mort dans un contexte politique particulièrement complexe, celui de la décolonisation, des guerres de libération nationale et de la guerre froide.
[…] Quarante-cinq ans après la mort des deux catéchistes tués en 1970 qui clôturent la liste de ces dix-sept martyrs, le Pathet Lao, qui a pris le pouvoir en 1975 après avoir défait les forces royalistes, est toujours aux commandes de la République populaire démocratique lao. Dans ce pays culturellement bouddhiste, les chrétiens ne représentent qu’une petite minorité et les catholiques sont au nombre de 50 à 60 000. Les évêques des quatre vicariats apostoliques de l’Eglise locale (Luang Prabang, Paksé, Savannakhet, Vientiane) ont appris à rester discrets afin de préserver l’espace de liberté concédé par le pouvoir en place.
Pour la béatification de ces 17 martyrs, qui pourrait avoir lieu en mai ou juin 2016, les évêques laotiens tiennent cependant fermement à ce que la cérémonie soit organisée au Laos. Le lieu reste à déterminer mais, selon nos informations, les évêques assument les risques qu’un tel événement représente. […]"