Le 7 décembre 1868, le charmant village d’Augerville-la-Riviere, accueillait plus de 3 000 personnes pour les funérailles de Pierre Antoine Berryer. Des membres du barreau de Paris venus en train spécial, des barreaux de Province et des barreaux étrangers, des délégations des corps constitués, de l’académie française, des correspondants de presse se mêlaient à la population locale pour rendre un dernier hommage à l’illustre avocat.
Ce lundi 7 décembre 2020, pour la cérémonie du souvenir en cette date anniversaire, COVID oblige, le nombre des participants était limité à dix : Monsieur le maire, Olivier Citron, et ses deux premiers adjoints, Monsieur Didier Euvrard et Madame Virginie Rives ; le comité Berryer représenté par son secrétaire général, Michel Pierchon, avocat à la cour d’appel de Montpellier et par Maître Ghislaine Jacques-Hureaux, avocat à la cour de Paris ; Madame et Monsieur Pierre Michel Berryer, arrière-petit neveu de l’illustre Pierre Antoine. Se joignait à eux une étudiante qui vient de réussir le concours du barreau, ce qui l’amènera à Issy-les-Moulineaux, à la maison du barreau, 1 rue Pierre Antoine Berryer ! et Madame Myriam Campergue, journaliste.
Le pélerinage aux sources commence par l’église Saint-Pierre Saint-Paul, toute empreinte du souvenir de la famille Berryer. A gauche, une descente de croix peinte par Delacroix, cousin du grand avocat. A droite, dans la chapelle funéraire, parmi les plaques de son épouse née Gautier de Bar et de descendants, celle de Pierre Antoine Berryer, avec pour épitaphe : Pectus est quod facit disertos, c’est-à-dire, c’est l’âme qui fait l’éloquence.
Berryer, le prince de l’éloquence, a défendu ceux qui n’avaient pas les faveurs du pouvoir. Royaliste de conviction, il plaida pourtant pour les généraux bonapartistes et obtint l’acquittement du général Cambronne. Le Figaro du 5 décembre 1868 pouvait à juste titre écrire « Ce n’est pas un médiocre honneur d’avoir en sa vie, défendu le maréchal Ney, le comte de Chambord, le prince Louis Napoléon Bonaparte et les princes d’Orléans ».
Parmi ses dernières plaidoiries célèbres, citons la défense des ouvriers typographes en 1862 qui, près de vingt ans après les compagnons charpentiers, sont poursuivis pour délit de coalition. Les typographes offriront à leur célèbre avocat une édition unique des œuvres de Bossuet tandis que les charpentiers lui avaient offert un chef d’œuvre, nommé le berryer , qui se trouve encore au siège-musée des compagnons au 161 de la rue Jean-Jaurès à Paris. Et on a pu dire à juste titre que le buste de Berryer mériterait de figurer au fronton des bourses du travail.
Berryer, c’était aussi le tribun, député de la Haute-Loire puis à plusieurs reprises et jusqu’à sa mort député des Bouches-du-Rhône. A la tribune il défend les libertés et notamment la liberté d’association, la liberté religieuse et la liberté de la presse. Il s’intéresse vivement aux questions économiques. Il saisit notamment l’importance nationale et internationale du chemin de fer « ce puissant moteur (qui) rapproche les peuples et les lie entre eux ». disait-il à la tribune (Oeuvres parlementaires IV, p.228). Avec Thiers, Odilon Barrot et Arago, il participe à la Commission législative chargée d’examiner le tracé des réseaux et l’ordre d’exécution en fonction des besoins économiques de la France et de la concurrence étrangère.
Berryer et l’actualité de la procédure civile
L’excellent orateur avait eu le courage d’affirmer : « Je mets l’honneur de servir au dessus du bonheur de plaire et s’il me faut encourir un reproche, je préfère celui d’être irrespectueux à celui d’être courtisan ». Il précisait toutefois : « une plaidoirie seule, aussi éloquente soit-elle, sans argumentation, sans dossier solide, est vouée à l’échec ».
Berryer serait meurtri de constater qu’aujourd’hui les décrets de 2010, 2017, l’ordonnance de 2019 et d’autres décrets jusqu’au plus récent du 27 novembre 2020, réduisent considérablement l’oralité en procédure civile. La tendance est au dépôt de dossier par l’avocat qui, certes, se présente mais reste muet ! Et ce, alors même que le décret du 1er octobre 2010 est relatif à la « conciliation et à la procédure orale ». Pire encore, les textes en viennent à la suppression des audiences. Donc plus de débats ! Si justice ne rime plus avec débat – disputatio-, il ne reste plus que la rue pour s’exprimer « pour de vrai » !
(D’après l’intervention de Michel Pierchon au nom du comité Berryer à Augerville, le 7 décembre 2020, avec clichés CB).
Voir aussi: https://berryer.wixsite.com/berryer