De Bruno de Seguins Pazzis :
Quand sœur Francesca Xavier Cabrini débarque à New York en 1889, âgée de 39 ans, elle ne possède rien, tout comme des milliers d’immigrants italiens. Avec l’aide de quelques sœurs, malgré sa santé fragile et son isolement dans une société patriarcale, elle va se lancer dans une aventure sans précédent, construisant un orphelinat, puis un hôpital et progressivement un véritable « empire de l’espoir ».
Avec : Cristiana Dell’Anna (Mère Francesa Cabrini), David Morse (L’Archevèque Corrigan), Romana Maggiora Vergano (Vittoria), Federico Ielapi (Paolo), Virginia Bocelli (Aria), Rolando Villazón (DiSalvo), Giancarlo Giannini (le pape Léon XIII), John Lithgow (le maire de New-York, Gould), Eugenia Forteza (Sœur Umilia), Federico Castelluccio. Scénario : Alejandro Monteverde et Rod Barr. Directeur de la photographie : Gorka Gomez Andreu. Musique : Gene Back.
Cinéaste catholique, le mexicain Alejandro Gomez Monteverde, l’a démontré en signant la réalisation de Bella (2006) qui aborde la question de l’avortement avec délicatesse une émouvante bienveillance, Little Boy (2015), une parabole cinématographique subtile et lumineuse et Sound of Freedom (2023) le sujet de la pédocriminalité. Trois sujets très différents, trois genres de cinéma également. Le premier est d’un genre mélodramatique se déroule dans le milieu Latino de NewYork, le second est un conte fantastique visible de 7 à 77 ans et le troisième, un « thriller » inspiré par des faits authentiques. Mais tous les trois, font références et prônent les valeurs chrétiennes, tous sont des films qui convertissent.
Alors quel genre cinématographique pouvait bien aborder cette fois-ci Alejandro Monteverde pour diffuser les valeurs de sa foi ? La biographie filmée bien entendu. Et pour cela il choisit évidemment une figure emblématique pour les Américains du Nord, la première sainte de l’Amérique du Nord, Francesca Xaviere Cabrini (1850-1917), béatifiée seulement 21 ans après sa mort par le pape Pie XI, sanctifiée en 1946 par Pie XII et déclarée patronne des immigrants. En 1996, elle entre au National Women’s Hall of Fame (« musée national des femmes célèbres »), fondé en 1969 à Seneca Falls. Ce musée est le temple américain de la renommée qui honore et perpétue la mémoire des citoyennes américaines qui se sont particulièrement illustrées dans le domaine des arts, des humanités, des sciences, de la politique, des affaires ou du sport.
Le cinéaste, se basant sur une documentation très sérieuse, concentre son récit sur l’œuvre et l’apostolat qu’elle a développée au moment de son arrivée à New-York en 1896 et les quelques années qui la suivent, montrant son combat pour le bonheur et la santé des personnes qui vivaient dans la plus grande misère dans le quartier de Five Points, sa détermination à servir ceux qui sont dans le besoin et à combattre les obstacles et le sectarisme qui se dressaient sur son chemin. De la belle personnalité de Mère Francesca Cabrini, le cinéaste fait ressortir sa volonté inflexible, sa capacité de résistance dans les épreuves et sa compassion qui ne l’abandonnent jamais malgré sa santé fragile.
Parfois, la vie est plus étrange que la fiction, mais elle peut aussi être plus ennuyeuse. Parfois, la vérité sur la vie d’une personne se perd avec les années qui passent. Parfois, les étapes importantes auxquelles nous sommes confrontés dans la vie réelle peuvent ressembler à des contre-vérités à l’écran. Ici, il n’en est rien grâce à une concentration du récit sur quelques années de la vie de Francesca Cabrini, grâce à une approche très documentée mais aussi profondément émotionnelle, grâce également à un travail scénaristique et à une mise en scène très calculée et grâce enfin à une distribution des rôles qui mélange adroitement des comédiens italiens et américains.
Sainte Francesca Cabrini Cristiana Dell’Anna dans le rôle de Francesca Cabrini Cristiana Dell’Anna (La série Gommora de Roberto Saviano de 2014 à 2021, Qui rido io de Mario Martone La Main de Dieu de Paolo Sorrentino en 2021), très populaire en Italie, en plus d’une certaine ressemblance avec la sainte, donne vie à cette sainte peu connue chez nous.
Dans un rôle plus en retrait, Giancarlo Giannini (en 1972, L’Innocent (L’innocente) de Luchino Visconti en 1976 Lili Marleen, de Rainer Werner Fassbinder en 1981, Le Dîner (La cena) d’Ettore Scola en 1998) compose un Léon XII très convaincant. David Morse (L’Armée des douze singes de Terry Gilliam en 1995, Rock de Michael Bay en 1996, en 2000, Démineurs de Kathryn Bigelow en 2009) dans le rôle de l’évêque de New-York et John Lithgow (L’Esprit de Caïn de Brian De Palma en 1992, L’Affaire Pélican d’Alan J. Pakula en 1994, Moi, Peter Sellers de Stephen Hopkins en 2004, Killers of the Flower Moon de Martin Scorsese en 2023) dans celui du maire de la ville, viennent avantageusement équilibrer cette distribution pour le côté anglo-saxon.
En dehors bien entendu de nous faire connaître et admirer cette belle figure de sainteté, un autre intérêt du film, est de nous permettre de réaliser ce qu’était ce bidonville de Five points dans Manhattan au 19ème siècle. Le nom de Five Points correspond aux cinq rues qui étaient accessibles vers 1830 depuis l’intersection autour de laquelle le bidonville s’était développé. L’afflux d’immigrants pauvres, irlandais et allemands, se renforce par la grande famine en Irlande dans les années 1840. Ce quartier est devenu un ghetto où sévissait la famine, les maladies (choléra, la tuberculose, le typhus, le paludisme ou la fièvre jaune,), les gangs et les politiciens corrompus. Il se trouve que l’histoire de ce quartier n’est quasiment jamais représentée au cinéma si on excepte le film de Martin Scorsese, Gangs of New-York (2002) dont l’intrigue s’y déroule. Alejandro Monteverde et son directeur de la photographie Gorka Gomez Andreu (Sound of Freedom en 2023) en font une reconstitution impressionnante qui donne au spectateur l’impression d’être dans une adaptation d’un roman de Charles Dickens. Ainsi, la conjonction des qualités techniques, artistiques et historiques font de Cabrini, et pour tous les âges, un beau voyage vers la sainteté.
Bruno de Seguins Pazzis