Voici un nouveau texte d'Alain Toulza :
"A la suite de mon récent appel à soutenir la candidature de Jean-Frédéric Poisson aux primaires de la droite et du centre, appel publié par Le Salon beige du 28 septembre dernier, une objection m’a été opposée relative à l’une des deux conditions exigées pour voter aux primaires, à savoir la signature de la déclaration suivante : « Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France », déclaration qui, dans son premier membre de phrase, serait contraire aux exigences spirituelles et morales chrétiennes, notamment en matière de laïcité.
Je viens donc aujourd’hui opposer les réflexions suivantes à cette objection :
1) Ainsi que plusieurs de nos amis l’ont souligné dans de récentes prestations, rien, nulle part, n’indique d’une façon ou d’une autre, ce qu’il faut entendre par "valeurs républicaines".
Le député Jacques Bompard, par exemple, a saisi en mai 2014 le Premier ministre d’une question écrite à propos de l’expression « pacte républicain… vague, sans contenu précis » fréquemment utilisée par M. Valls lui-même, des membres du gouvernement et des parlementaires jusque dans des séances à l’Assemblée nationale.
« Il est également préoccupé par la façon dont les expressions "République", "valeurs républicaines", "pacte républicain" tendent à très largement remplacer les mots "France", "Patrie", "Nation" (…) C'est pourquoi il l'interroge sur la signification concrète de l'expression "pacte républicain" et lui demande d'en préciser le contenu pour que les Français soient au courant (…) »
M. Bompard se dit
« très surpris qu'au nom de cette notion aux contours flous on puisse dire tout et son contraire (…) On ne trouve en effet aucune trace d'un quelconque "pacte républicain" dans les grands textes qui régissent les institutions françaises. Et pour cause, personne ne l'a jamais vu ni signé. Ce "pacte" incessamment brandi pour menacer ceux qui auraient le tort de ne pas s'y conformer n'a aucune existence juridique, législative ou constitutionnelle, pas plus qu'il ne désigne une réalité concrète (…) Mais à en croire certains, le "pacte républicain", où chacun met un peu ce qu'il veut, c'est sacré et il n'est donc pas question de mettre en doute son bien-fondé et encore moins la réalité de son existence … »
Ce contre quoi le député Bompard conclut que « Le "pacte républicain" n'existe que dans l'esprit de ceux qui en font profession… »
De son côté, dans sa chronique "Vu de ma fenêtre", le journaliste et essayiste Denis Tillinac énonce, sous l’intitulé L’imposture des valeurs "républicaines", ces quelques vérités incontournables :
« Depuis les attentats du mois dernier à Paris, l’invocation aux "valeurs républicaines" tourne au moulin à prières. Gauche et droite s’en gargarisent pour légitimer leur mise au rebut du FN, mais Marine Le Pen ne s’en réclame pas moins. (…) Or, n’en déplaise à la gent prédicatrice, les "valeurs républicaines", ça n’existe pas. On confond indûment valeur et principe. L’honneur, la liberté, le courage, la probité, la pudeur, l’équité, le respect de soi et d’autrui, la bonté, le discernement, la générosité, sont des valeurs, et il serait opportun qu’on les inculquât à l’école. Universelles (…) elles ne sauraient être l’apanage d’un régime politique déterminé. Elles sont aussi enracinées dans les monarchies européennes que dans notre République. Les sujets de Sa Majesté la reine d’Angleterre jouissent de la même liberté que les citoyens français. Ceux des républiques d’Iran, du Soudan, du Pakistan ou de l’ancien empire soviétique en sont privés. Bref, le mot "république" ne recèle en soi aucune valeur et en conséquence il n’a pas la moindre vertu morale. »
2) Et d’ailleurs, des trois principes qui prétendent fonder la République française : Liberté, Egalité, Fraternité – vertus chrétiennes récupérées par les révolutionnaires, mais perverties – laquelle est-elle entendue de façon identique par tous les citoyens de ce pays ?
- Liberté ? Les croyants, singulièrement les chrétiens, n’ont certes pas la même approche de ce concept que les héritiers de la dogmatique révolutionnaire et maçonnique. Sans compter que la définition de la liberté, de son espace et de ses limites au regard des enjeux collectifs, est le plus souvent divergente d’un courant politique à l’autre, voire contradictoire, selon l’idéologie – libertaire ou totalitaire – dont se réclament maints républicains.
- Egalité ? On le constate chaque jour, il n’y a pas, hors de son fondement chrétien, une valeur aussi bafouée que celle-ci et qui parvienne à creuser autant de clivages au sein des courants philosophiques et groupes de pression "républicains" : quelle égalité de droits concède-t-on aux personnes les plus vulnérables (bébés à naître, handicapés, malades ou vieillards en fin de vie) ?
- Fraternité ? Le mot ne prête plus qu’à sourire, tant le peuple français est décrié pour être celui qui se hait le plus au monde et qui ne cesse de produire dans ses aires politiques, médiatiques et associatives, anathèmes, injures et exclusions. Mais comment peut-on être frères quand on ne se reconnaît pas de père commun ? Les fraternelles maçonniques elles-mêmes ont essayé mais elles ne parviennent qu’à singer la charité fraternelle chrétienne, en imposant à leurs membres un code de complicité philosophique contraignant.
3) Serait-ce alors la laïcité qui constituerait la valeur suprême des "républicains" ? En ce domaine aussi, il n’y a pas dans le monde politique français, davantage d’homogénéité des points de vue que pour les autres prétendues valeurs républicaines.
Beaucoup tendent à délimiter une barrière infranchissable entre les espaces temporel et spirituel de façon à interdire à Dieu d’être chez lui dans la cité humaine. La fourchette en est large, des émules de l’ex-président Chirac s’opposant farouchement, en 1995, à la reconnaissance des racines chrétiennes de la France et de l’Europe et signifiant un officiel « non à une loi morale qui primerait la loi civile (…) », jusqu’à des ténors du Front National partisans d’une laïcité radicale qui exclue tout droit de parole à l’Eglise. Certains d’entre eux n’hésitent pas à s’identifier comme catholiques, « agnostiques » comme Alain Juppé ou libéraux.
Il en est d’autres qui admettent tout de même une immixtion du positionnement catholique dans le débat politique. Ainsi de M. Macron, qui déclare crânement dans le numéro de Marianne du 8 octobre :
« La laïcité n'a pas vocation à promouvoir une religion républicaine. La République est ce lieu magique et unique qui permet à des gens de vivre dans l'intensité de leur religion. C'est pour ça que je dénonce les considérations qui demandent à des citoyens d'être «discrets», parce que les précédents historiques où l'on a demandé la discrétion en matière de religion ne sont pas à l'honneur de la République (…). Dans sa conscience profonde, je pense qu'un catholique pratiquant peut considérer que les lois de la religion dépassent les lois de la République. »
Il est vrai que M. Macron ajoute contradictoirement : « Simplement, à chaque instant où il (le catholique pratiquant) est dans le champ public, les lois de la République prévalent sur les lois religieuses.»
Mais Il y a aussi ceux qui, à l’instar de Frédéric Poisson, considèrent que distinction n’est pas, ne doit pas être, séparation. Tout est à Dieu, la cité humaine comme le reste de sa Création. Mais Dieu prescrit une autonomie véritable dans la gestion de la cité charnelle, l’essentiel étant que l’autorité qui en est chargée réfère son action aux impératifs de sa volonté divine sur l’homme, qu’expriment sa loi naturelle et la morale qui lui est liée. Tout véritable chrétien doit vouloir, et faire autant que possible, qu’il en soit ainsi. En la matière, le rôle de l’Eglise est de rappeler cette loi et cette morale et au besoin exprimer ses griefs et ses condamnations si elles ne sont pas respectées. Cette prétention est légitime : à quel courant politique, philosophique ou idéologique est-il interdit de porter jugements et condamnations (voire des menaces) sur les stratégies des divers gouvernants ?
En fin de compte, la république française est une auberge espagnole ou chacun cuisine les prétendues "valeurs républicaines" à la sauce qui lui convient. L’élasticité de ce concept est telle qu’elle permet au président Hollande de proclamer le 26 juillet que « tuer un prêtre catholique c’est profaner la République ». Signer qu’on adhère à ces "valeurs républicaines", n’est donc pas forcément souscrire à une doxa maçonnique, révolutionnaire et laïcarde puisqu’il n’y a pas de menu fixe en la matière, mais choisir à la carte le plat de valeurs républicaines que l’on peut avaler sans crainte d’être empoisonné. Il en existe un, dans cette auberge espagnole, Dieu merci : celui des valeurs défendues par Jean-Frédéric Poisson. Elles seules s’inscrivent dans une perspective résolument chrétienne clairement spécifiée dans l’intitulé du parti qu’il préside et c’est pourquoi il s’est engagé à consigner les racines chrétiennes de la France dans la Constitution. Cette conception des "valeurs républicaines" a été manifestement validée par les organisateurs de la "primaire" à l’égal des autres puisque M. Poisson est admis dans la course à l’investiture. En signant la déclaration en cause le jour du vote, je souscrirai exclusivement aux seules valeurs républicaines s’affirmant comme chrétiennes et donc en communion avec les lois de Dieu.
A l’approche de cette échéance, il importe de peser avec toute la gravité requise le choix que nous aurons à faire. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République nous allons avoir la possibilité d’élire un chrétien candidat sous cette étiquette et ferme dans sa résolution de défendre la vie, la famille, l’amour, la France. L’instant est historique : pour nos enfants et petits-enfants, ne laissons pas passer la grâce qui nous est offerte.
Alain Toulza
P.S. Ajoutons, à l’égard des monarchistes hésitants, que déclarer « partager » des valeurs républicaines d’inspiration chrétienne ne signifie pas, pour autant, qu’on adhère à la forme institutionnelle du pouvoir qui s’en réclame, pas plus qu’un républicain n’est censé adhérer à un régime monarchique s’il est amené à reconnaitre publiquement le bien-fondé de valeurs chrétiennes sur lesquelles ce régime est édifié.