Lu dans L'Homme Nouveau :
"En janvier, alors que tombait le gouvernement libanais, un projet de loi passait inaperçu. Le ministre du Travail, le chrétien Boutros Harb, proposait alors d’interdire pendant 15 ans les ventes de terres entre chrétiens et musulmans. Confronté aux critiques dénonçant une tentative de «ségrégation religieuse», le ministre affirmait qu’il entendait préserver la coexistence au Liban : «Un phénomène malsain se développe, je ne fais que tirer la sonnette d'alarme». Il évoquait alors des opérations d’achats «organisées ou semi-organisées de terrains appartenant à certaines confessions, par des individus ou sociétés d’autres confessions.» Ce projet a eu le mérite de soulever un problème réel pour la communauté chrétienne. Car sans la nommer, c’est elle que cette loi voudrait protéger.
Longtemps ignoré, le rachat des terres chrétiennes est devenu un sujet d’inquiétude formulé aussi bien par des responsables religieux que politiques. […] En clair, les musulmans, qu’ils soient chiites ou sunnites reçoivent des aides de leur communauté pour vivre et se développer… les chrétiens non. […] Si certains essaient de se regrouper pour sauver leur terre, la concurrence est déloyale. «Personne ne peut lutter. Les prix augmentent tellement que nous n’avons pas les moyens de garder ces terres, ou de les racheter.». Un exemple récent : l’achat d’un terrain par un musulman de Saïda à un prix exorbitant. «Ce terrain n’est même pas habitable, c’est juste une manière de gagner du terrain», commente-t-il. […] Le terrain qui coûtait 13 000 dollars en 2000 est parti à 97 000 dollars… […] Certains accusent la politique immobilière et démographique de la milice chiite du Hezbollah qui rachèterait des centaines de milliers de kilomètres carrés dans les régions chrétiennes.
Mais nombreux aussi sont ceux qui estiment que le vrai danger réside dans l’acquisition de ces terres par des investisseurs étrangers, comme les ressortissants du Golfe, soutien financier de la famille Hariri. La situation préoccupe les responsables maronites du pays, l’un d’entre eux déclarait, sous couvert d’anonymat : «Nous avons une étude qui montre que dans la région de la Bekaa (Est), près de 68 millions de mètres carrés sont passés de chrétiens à de non-chrétiens au cours des cinq dernières années.»"