Voici l’analyse du père Danziec, parue dans Valeurs Actuelles, sur le rapport Sauvé :
L’Église est sans péché, mais elle n’est pas sans pécheurs . Depuis la trahison de Judas, le triple reniement de Pierre et la débandade des apôtres à l’heure du Golgotha, nous le savions déjà. L’Église est sans péché car son message sur Dieu, la vie, l’homme et l’au-delà a façonné une civilisation formidable, produit des oeuvres de charité inégalées et constitué un patrimoine artistique, spirituel et intellectuel qui donne le vertige. Mais elle n’est pas sans pécheurs non plus. Sa grande et édifiante histoire n’a jamais cessé d’être traversée par celle, plus petite et moins noble, de prélats libidineux, de religieuses acariâtres ou de vicaires cupides.
Au livre noir des falsifications de l’Évangile, le récent rapport sur la pédophilie dans l’Église de France, réalisé par une commission indépendante et portant sur la période 1950-2020, ajoute un nouveau chapitre nauséeux. Dans les rangs des fidèles, certains regretteront peut-être que les évêques de France aient mandaté une telle étude afin de mettre en lumière ses plus abjectes parts d’ombre. Comme si le catholicisme en France avait besoin, à l’heure de son essoufflement, d’un tel déballage.
Mais devant la souffrance, le chrétien peut-il se permettre de détourner le regard ? À camoufler la vérité, elle finit toujours par revenir plus tranchante. Il est vain de se voiler la face pour mieux se protéger. La vie chrétienne, au contraire, presse chacun à planter ses yeux sur le Christ crucifié, qui se décline sur le visage des innocents outragés. À contre-pied d’une fuite en avant trop souvent de mise, les évêques français ont donc décidé, dans le sillage du travail de vérité commencé par Benoît XVI, de boire le calice de l’incurie d’une certaine époque jusqu’à la lie. Que cette vérité bouleverse et secoue le paroissien innocent, qui n’a rien demandé, est fort légitime. Mais la justice oblige aussi à affirmer que le choc de cette enquête ne sera jamais à la hauteur de la souffrance subie par les victimes. « Qui cherche la vérité sur l’homme doit s’emparer de sa douleur » , écrivait Bernanos. Aux responsables ecclésiastiques de la saisir tout entière. De la méditer pour en tirer des leçons. Et d’effectuer les réformes qui s’imposent.
Car ce rapport serait encore insuffisant, et au final stérile, s’il ne s’accompagnait d’un examen de conscience radical et de résolutions farouches. La fascination de la modernité, le relativisme sexuel, le mépris des règles prudentielles, la perte du sens du péché, les désordres liturgiques, la déconstruction de la foi, l’abandon de la mortification ont conduit à ce désastre. Les catholiques de conviction en subissent encore aujourd’hui les folles conséquences et réclament la condamnation de ces errements une bonne fois pour toutes. Oui, le tremblement de terre provoqué par cette enquête appelle le grand effacement des lubies progressistes des années 1960 et suivantes. Bossuet l’affirmait : « Quand Dieu efface, c’est qu’il souhaite écrire. » À nous de contribuer à ce que le récit de l’Église soit à nouveau glorieux.