Ce matin, Chantal Jouanno et Jean-Marie Bockel nous livrent (ici) une analyse de l'opération Sangaris en Centrafrique. Faisant la comparaison entre l'opération Sangaris en Centrafrique et les opérations de maintien de la paix en Afrique de la dernière décennie, les auteurs de l'article en viennent à comparer les moyens mis en oeuvre:
"Deux spectres hantent les interventions de maintien de la paix sur le continent africain. Le premier est le génocide rwandais de 1994, face auquel la communauté internationale a réagi, mais trop tard, par l'opération Turquoise. À cet égard, ce fut l'honneur de la France de s'interposer dans la guerre civile centrafricaine, qui menaçait de devenir à son tour un génocide.
Cependant, le second spectre est celui de la première bataille de Mogadiscio, en 1993. Deux cents hommes de l'opération Restore Hope, essentiellement américains, furent engagés dans des combats acharnés contre des miliciens somaliens trente fois plus nombreux. En mai 2014, deux mille soldats français tentent, aux côtés des forces africaines, de désarmer vingt mille rebelles de la Seleka et soixante-dix mille des anti-Balakas. Donc, en examinant lucidement les rapports de forces en présence – et même si chaque conflit possède sa logique propre -, nos troupes risquent à tout moment de subir un nouveau Mogadiscio pour avoir voulu éviter un Rwanda."
La comparaison de la crise centrafricaine avec celle de la Sierra Leone, dans les années quatre-vingt-dix, est pertinente mais cruelle : les Britanniques intervinrent, mais avec cinq mille hommes et non pas deux mille. L'opération Sangaris, elle, se fait avec moins de la moitié de ces effectifs pour un territoire dix fois plus étendu, ayant qui plus est pour voisines des zones de crise parmi les plus instables au monde. Pour des raisons de coût, aucun avion de chasse français, à l'instar du Rafale, n'a été engagé. Or, l'attaque du 5 mai a démontré le caractère indispensable d'un soutien aérien. […] En outre, les témoignages de familles de soldats de Sangaris sont édifiants, et font écho au récent débat sur le risque de nouvelles coupes dans le budget de la Défense. Les soldats français sont, par exemple, "obligés de mettre des gilets pare-balles au niveau des portes du véhicule, sinon elles [les balles] les traversent."
De fait, le général Vincent Desportes, ancien directeur de l'Ecole de guerre, juge irresponsable de prolonger Sangaris "sans renforcer les troupes et sans poser la condition suivante à la communauté internationale : nous envoyons plus de soldats jusqu'à cet été mais au-delà, il faudra nous aider. Sinon, nous serons contraints d'abandonner la Centrafrique à son sort au mois d'août." Nous partageons son analyse, à l'heure où la France manque clairement de soutien en RCA.[…]
Les auteurs déplorent les manques de moyens de la mission française, soulignant que si l'ONU n'intervient pas assez vite, la France n'aura d'autre solution que de retirer ses troupes en abandonnant les Centrafricains à leur sort.