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Valeurs chrétiennes : Culture

Ces Français oubliés, qui ont subi la terreur japonaise

Ces Français oubliés, qui ont subi la terreur japonaise

Guillaume Zeller, journaliste, a déjà publié Oran, 5 juillet 1962. Un massacre oublié (2012) et La Baraque des prêtres. Dachau, 1938-1945 (2015). Il se penche cette fois, avec Les Cages de la Kempetaï, sur l’offensive japonaise en Indochine, en mars 1945, quelques mois avant la capitulation japonaise. Les Japonais s’emparent de l’Indochine française lors d’un coup de force, ponctué de nombreux massacres. Des milliers de Français, civils ou militaires, sont déportés dans des camps, incarcérés dans des prisons ou assignés à résidence. Ces hommes et ces femmes connaissent des conditions de détention effrayantes dans les cachots et bagnes qui jalonnent la péninsule du nord du Tonkin jusqu’au sud de la Cochinchine. Sous la surveillance de la Kempeitaï, surnommée la “Gestapo japonaise”, ils participent à des travaux harassants, souffrent de la faim et de la soif, subissent coups et tortures quand ils ne sont pas entassés dans des cages à tigres fétides d’où ils ne voient jamais le jour. On estime que plus de 3 000 Européens sont morts pendant cette période.

Les rescapés, dont les grands-parents de l’auteur, demeurent pourtant oubliés, écrasés entre la libération de la métropole et la guerre d’Indochine qui s’annonce, quand ils ne sont pas soupçonnés de complaisance envers le régime de Vichy. Plus de 70 ans après, ce livre leur rend hommage. Ainsi, l’amiral Decoux, commandant en chef des forces navales en Extrême-Orient et gouverneur général de l’Indochine française demeura sous la garde des Japonais jusqu’au 30 septembre 1945.

Le 1er octobre, il embarque à The Dau Mot à bord d’un Dakota à destination de la France. On ne lui laisse pas le temps d’aller se recueillir sur la tombe de son épouse, décédée en 1944 dans un accident de voiture sur la route entre Saïgon et Dalat. Il est accompagné de plusieurs de ses compagnons de détention à Loc Ninh, dont le général Delsuc, l’amiral Bérenger, Claude de Boisanger, Paul Arnoux et Jean Aurillac. A Tan Son Chut, l’aérodrome de Saïgon où l’appareil fait une première escale, aucun représentant officiel français ne vient le saluer. A Rangoon, en revanche, un détachement britannique vient lui présenter les armes sous des trombes d’eau. Arrivé au Bourget le 8, il est arrêté et emmené au quai des Orfèvres où il passe la nuit sur une couchette en fer. Il y apprend le lendemain qu’il est inculpé pour atteinte à la sûreté de l’Etat avant d’être transféré au Val-de-Grâce à Paris où il est hospitalisé et placé en garde à vue.  Dans la chambre contiguë, il retrouve le général Weygand qui connaît un sort identique après avoir passé plus de deux années dans les geôles allemandes.

Jean Aurillac, son directeur de cabinet, qui lui aussi a été transféré à Paris depuis Loc Ninh, connaît un sort similaire. Dans le journal qu’il tient alors, il précise son état d’esprit sans doute comparable à celui de bon nombre des hauts fonctionnaires passés des gardiens japonais aux policiers français. “Débarquer au Bourget pour être pris en charge par la police, puis être interné derrière des barbelés français, gardés par des gendarmes français, voilà ce qui m’attendait après un séjour colonial de neuf ans, dont quatre ans et demi de lutte acharnée pour maintenir la souveraineté française contre les entreprises nippones et sept mois de captivité sous la botte japonaise ! Traverser Paris dans un car de la police parisienne, et échouer sur un grabat de la rue des Tourelles au lieu d’aller voir ma mère et tous mes miens […], telle est la récompense que le gouvernement réservait à un serviteur dévoué qui, à l’écart de toute préoccupation politique partisane, n’a eu pour unique souci que de contribuer de toutes ses forces à l’influence française en Indochine”, s’insurge-t-il.

En mars 1949, le verdict de la Haute Cour de justice concernant l’amiral Decoux débouche sur un non-lieu. Néanmoins, révoqué et privé de pension en vertu d’un décret signé par le ministre Edmond Michelet, il doit attendre jusqu’en 1951 pour que le Journal officiel publie l’annulation de ce décret.

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1 commentaire

  1. C’est là qu’on voit tout le déshonneur de la république, encore plus critiquable que l’attitude des soldats ennemis.

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