Charles Beigbeder, entrepreneur et secrétaire national de l'UMP chargé de la pédagogie de la réforme, est interrogé par Contrepoints. Extraits :
"[U]une fois élu, Nicolas Sarkozy dont la campagne était en
partie libérale a relégué ses défenseurs soit à de « petits »
ministères, soit à des postes où ils ont occulté leur libéralisme. Qu'en
pensez-vous ?
En effet, et c'est très
regrettable. On a besoin des libéraux plus que jamais. Le quinquennat de
Nicolas Sarkozy, a, je crois, mis la France sur la bonne trajectoire,
en rupture avec l'immobilisme chiraquien. Mais nous sommes nombreux à
penser qu'il n'a pas agi assez vite, qu'il a raté des occasions. Cela
étant, il n'y a pas eu de déchirures sociales, ni d'émeute majeure. La
France est un pays compliqué et très fragile. L’occasion ratée de la TVA sociale
en est un exemple : en 2007 le rapport Lagarde et Besson est remis à
François Fillon début septembre, et il l’enterrera sur instruction de
Nicolas Sarkozy alors qu’il était tout à fait possible de la mettre en
place à ce moment-là. Pourquoi ? D’une certaine manière, ils
réfléchissent trop, et se disent : "on va faire la réforme des régimes
spéciaux d'abord et puis ensuite on fera la réforme des retraites et on
ne va donc pas faire en plus la TVA sociale tout de suite, on la fera
après." Mais à force de dire "après", on rate des occasions, et puis la
crise arrive et on ne peut plus rien faire et on perd cinq ans. C'est
frustrant. […]Tout le monde ou presque est d’accord sur la réduction des
dépenses publiques, mais rares sont ceux qui disent où couper. Exception
à la règle, vous avez fait des propositions précises, pouvez- vous nous
les expliquer ?
Oui, vous pouvez les retrouver déjà sur pactepourlafrance.fr
où je les ai actualisées par rapport à celles de mon livre et classées
en 15 propositions. Je peux vous en donner quelques exemples :
- Sur l’efficacité de l’État, il faut poursuivre la RGPP de façon
beaucoup plus ambitieuse et y ajouter une RGPS et une RGPL (révision
générale des politiques sociales locales) - Sur les collectivités, il faut clarifier les responsabilités, afin
d’éviter des doublons qui créent des inefficiences considérables. Le
nombre de fonctionnaires dans les collectivités territoriales a augmenté
de 60% depuis 1997. Quant à la transformation de ces personnels des
collectivités territoriales en fonctionnaires par François Mitterrand il
y a 30 ans, elle n’était peut-être pas nécessaire. Même si ce ne sera
pas facile de revenir en arrière, c’est possible à mon avis. - Sur la sécurité sociale, le plus gros du morceau, je propose de
reprendre et d’accélérer la convergence du tarif public vers le tarif
privé. Il n’y a aucune raison de conserver cette différence, et les
socialistes ont supprimé cette convergence, ce qui est scandaleux. L’AME
devrait être supprimée ou réservée aux actes d’urgence, pour les
enfants ou les femmes enceintes. Le droit à la CMU doit être payant […]. - Sur les retraites, je suggère, en citant l’Italie, la réindexation
des pensions sur la croissance par exemple, ou leur gel au-dessus d’un
certain seuil. […] - Sur l’emploi : la politique de l’emploi coûte 4% du PIB par an pour
10% de chômage. Il faut peut-être mettre un peu de dégressivité dans
l’allocation chômage, pousser les chômeurs à reprendre un travail plus
vite avec de la formation, car aujourd’hui seuls 8% des
demandeurs d’emploi font une formation. Surtout, si on veut régler le
problème du chômage, il faut « dérigidifier » le marché du travail, le
fluidifier. C’est en outre un bon moyen de réduire les déficits : un
marché plus fluide permettra de réduire le frein à l’embauche que
représente la peur du procès aux prudhommes en cas de licenciement.
C’est une vraie crainte pour les entrepreneurs et une réalité, qu’on
pourrait évacuer en prévoyant dans le contrat le versement d’une prime
prédéfinie qui empêcherait tout recours aux prudhommes. Il est important
de trouver un système simple car, sans cette peur des prudhommes, des
centaines de milliers d’emplois pourraient être créés immédiatement. On a
actuellement un système très pénalisant pour l’emploi, qui coûte une
fortune. Enfin, revenir sur les 35 heures, au moins pour les cadres, qui
en sont les grands gagnants avec trois semaines de congés payés
supplémentaires. […]
Nous allons terminer en « testant » votre libéralisme par
quelques questions rapides. La première est : pour ou contre le mariage
homosexuel ?
Contre. Parce que je pense que l’union d’un homme et d’une femme par
le mariage est le moyen le plus efficace d’accompagner les générations
et d’accueillir les enfants. Je suis disons libéral conservateur.Pour ou contre la dépénalisation de la consommation de drogues, et, si oui, lesquelles ?
Contre, évidemment, car je pense que le cannabis est extrêmement
dangereux pour la santé et pour le cerveau, surtout chez les jeunes. Les
études disent que c’est vraiment dévastateur, avec des baisses de QI
permanentes et, on le voit, c’est extrêmement dangereux pour la société
toute entière, notamment avec les accidents de voiture. De plus en plus
de personnes sont non seulement sous alcoolémie importante, mais aussi
sous cannabis. Donc il est hors de question pour moi de libérer cette
drogue très néfaste. […]Pour ou contre la liberté de choix vis-à-vis de la sécurité sociale ?
À fond pour ! Avec une remarque cependant, il ne faut pas que le
système soit une usine à gaz ; il faut que le système reste simple à
utiliser pour les entreprises. Comme vous le savez, les entreprises ont
déjà le choix tout comme les individus pour ce qui est des assurances
complémentaires. C'est une bonne idée que d'élargir ce choix aux
assurances « de base » (assurance-chômage, retraites, etc.). Cela
poussera les personnes à davantage de responsabilité, tout comme cela
introduira des mécanismes de concurrence salutaires entre les
différentes assurances. […]"
PK
Des idées mais pas de propositions ou des propositions très socialisantes (taxe sociale).
Autrement dit : l’herméneutique de la continuité… donc gamelle assurée : les Français vont payer et la gamelle sera bonne pour les élus.
Qui aura le courage de VRAIMENT réformer ? La réforme passe par une VÉRITABLE transformation de la fiscalité et du droit du travail :
– prélèvement clair et unique (sans impôt supplémentaire) sur le revenu des salaires et du bénéfice sur entreprise
– déprotection de l’emploi de l’entreprise
– privatisation de pan entier de secteur tenu par l’État (autrement dit, on débauche la plupart des fonctionnaires…)
Sans ces mesures fortes et directives, tout le reste est mesurette.
[En fait l’entretien est beaucoup plus long et évoque ce que vous proposez. MJ]
Bernard Mitjavile
Beigbeder est président de Poweo, une entreprise qui s’est livré à un marketing très agressif, se prétendant écolo, moins chère qu’EDF etc pour des résultats très décevants à mon humble avis en tant qu’ancien client.
Sa performance pour proposer Annecy aux JO d’hiver a été aussi très décevante.
Bon, il est beau gosse, a de relations et quelques idées raisonnables..
philippe
On connait déjà les résultats de la politique que propose ce Monsieur. Dans les pays anglo-saxon ou elle est religion, la misère est noire et plusieurs millions de personnes travaillent 50 ou 60 heures par semaine pour pouvoir vivre. La réduction des dépenses publiques n’est même plus une méthode à appliquer. Le déficit est abyssal et pour le ramener à zéro il faudrait plusieurs centaines d’années. Une fois que l’on a réduit tout ce que l’on peut réduire, que restera t-il pour simplement payer les intérêts de la dette qui représente 200 milliards d’euro par an à son niveau actuel? Il ne reste donc que deux alternatives en politique économique: 1/ soit accepter la réalité financière de notre pays et accéder à terme au but réel, c’est à dire une gouvernance globale économique contrôlée par Bruxelles ou
2/ Sortir de la zone euro, revenir à notre monnaie nationale et dévaluer en refaisant marché la planche à billet. Cette technique étant bien sûr avec les risques inhérents qu’elle comporte.
Le reste c’est de la salade…
Gran
“”seuls 8 % des demandeurs d’emploi font des formations””
Bizarre, parce que moi, chaque fois que j’en ai demandé une, on m’a dit : “pas de place”, ou alors “réservé à telle catégorie de diplômes” et autres excuses.
Dans mes périodes de chômage, je n’ai jamais pu avoir de formations autres que celles que je me suis payée moi même …
rom dyli
Sur la question de la dépénalisation des drogues, ce débat va beaucoup plus loin qu’une discussion médicale.
La question que doit se poser un authentique libéral est: est-ce le rôle de l’Etat de me dire ce qui est bon ou mauvais? Certes, cette question peut mener à un relativisme à outrance, mais l’Etat n’a aucune légitimité sur la morale.
Le libéral (voire le libertarien), pense que l’Etat n’a rien à dire sur les drogues, qu’en pénalisant sa consommation, on considère l’individu comme un idiot qui ne sait pas décider tout seul et qui ne sait pas assumer ses responsabilités.
En outre, le libertarien considère qu’en interdisant les drogues, on favorise la corruption, le trafic et le haut cout des drogues. Si dépénalisation il y a, alors le prix de la drogue baissera tellement qu’il ne sera plus intéressant d’en vendre.
M. Beigbeder se pose donc la mauvaise question. Il ne s’agit pas de savoir si une drogue est plus dangereuse qu’une autre. Cette discussion porte vraiment sur la liberté et la responsabilité de l’individu.
[L’Etat a tout de même un rôle de justice. Le cannabis contrevient au bien commun et doit donc être interdit comme toutes les drogues. MJ]
Daquin
Sécurité sociale? Il y a de quoi faire. Mais qu’on n’ait pas non plus la naiveté de croire à la libre concurrence propre et fluide.
Bernard Mitjavile
Mon commentaire précédent était un peu dur suite à une expérience personnelle mais je pense qu’il a raison sur la plupart des thèmes abordés : sécurité sociale, droit à la CMU, retraites, nombre de fonctionnaires etc..
Au lieu de parler tout de suite de sortir de la zone euro comme un médicament miracle, on devrait s’attaquer à ces problèmes un par un.
Emmanuel
@ Michel Janva.
Vous dites: “l’Etat a tout de même un rôle de justice.”
Pourquoi pas. Mais ce rôle ne s’exercera que dans le cadre d’un litige entre deux partis.
On peut concevoir que l’usage du cannabis, tout comme un grand nombre de comportements divers et variés, est de nature à contrevenir à un degré ou à un autre au bien commun. Même s’il faut rappeler qu’il est parfaitement impossible de définir précisément les limites et l’étendue de ce bien commun.
Donc, oui, l’usage du cannabis relève de la liberté de la responsabilité de l’individu et non, ce n’est pas le rôle de l’Etat de sanctionner dans ce domaine. D’où il découle que convaincre le cas échéant les usagers du cannabis de sa nocivité relève tout autant de la liberté et de la responsabilité de ceux qui n’en font pas usage.
Vouloir agir au nom du bien commun est un alibi qui trop souvent aura permis les plus épouvantables abus de pouvoir des uns contre les autres.
[C’est bien le cas. Il y a litige entre la société et les trafiquants. Convaincre c’est bien, dire le droit aussi. Je ne vois pas en quoi l’interdiction de la drogue serait un abus de pouvoir. Elle vise à protéger biens souvent les mineurs dont la capacité de jugement et de responsabilité n’est pas encore mature. MJ]
Mû de Jamir
@ Bernard,
Concurrencer EDF, il fallait oser. Reprendre le dossier mal embarqué d’Annecy, il fallait avoir du courage. Beigbeder a ce mérite d’oser et d’avoir du courage. En matière de réussite professionnelle, il n’a rien à prouver à qui que ce soit (cf Selftrade, et holding Gravitation). Cet homme crée de l’emploi. Il est talentueux et ses convictions sont saines. C’est un véritable entrepreneur, dans tous les sens du terme. Personnellement, j’ai plutôt de l’estime pour lui, et ai tendance à penser que la France a besoin de gens comme lui.
Bernard Mitjavile
A Mû : Concernant Annecy, vous parlez d’un dossier mal embarqué mais il ne s’est pas mieux porté après la venue de Beigbeder puisque Annecy a terminé dernière d’une demi-douzaine de concurrentes bien qu’ayant des possibilités pour les activités de neige et glace valant largement celles des autres. Ceci dit, c’est plutôt une bonne chose que Beibeder ait fait de la figuration car il n’a sans doute pas le talent de Mitt Romney qui a su éponger la dette de Salt Lake City après les JO d’hiver ce qui fait que beaucoup de gens autour d’Annecy n’étaient pas enthousiastes pour cette candidature.
Concernant EDF, vous dites qu'”il fallait oser la concurrencer” mais ne s’agit pas vraiment de la concurrencer puisque l’essentiel de l’énergie fournie par Poweo provient d’Edf mais seulement de profiter d’une possibilité donnée par l’Europe d’ouverture des marchés de l’énergie à la concurrence sans vraiment apporter de concurrence.
Ceci dit, tout cela a peu d’importance car j’ai dit que j’étais d’accord avec le fond de l’article et les idées défendues, pour le reste je ne m’intéresse pas à la carrière de ce grand patron secrétaire national de l’UMP (curieux mélange des genres).
Aeterna
Quand on sait comment Powéo était géré avant d’être revendu….
Jacques
Ce M. BEIGBEDER dit des choses très bien et avance des propositions pensées et très concrètes.
Certes les esprits chagrins diront que la droite RPR-UDF puis UMP a tjrs mis en avant de vrais libéraux réformateurs quand elle est dans l’opposition, puis quand elle arrive au pouvoir elle les tue et les rejette. C’est exact, souvenons -nous de Madelin que Juppé n’eut de cesse en 1996 de faire partir du gvt : on connait la suite.
Mais qu’importe : ce qui est dit là pourrait en inspirer plus d’un ou d’une, et je pense à Marine Le Pen qui lutte contre l’ultra libéralisme fantasmatique de ses énarques chevènementistes, et à son père qui se disait récemment libéral clignotant par éclipses. Je dis cela sans acrimonie contre le FN, mais il est évident que réformer la France et la libérer de la gauche passera par l’expulsion de la gauche du corps social où elle est enkystée, et que cela nécessite les réformes préconisées par M. Beigbeder, dont tout l’entretien est à lire comme le suggère Michel JANVA.
françois
les commentaires sont effrayants…voilà un français qui tient sur les questions essentielles des propos sains et cohérent et il lui ai fait reproche de sa gestion du dossier d’Annecy ou je ne sais quoi…
Quand les “gens de droite” apprendront à voir ce qui les rapproche avant de mettre le doigt sur ce qui peut diviser????
Bernard Mitjavile
@Jacques j’ai du mal à comprendre l’expression “l’ulta-libéralisme des énarques chevenementistes” de Marine Le Pen. Une chose est sûre, il y a de sérieuses lacunes dans les propositions économiques du FN. Dommage car c’est le seul parti qui s’oppose sérieusement à l’immigration massive.
Jacques
En effet, expression maladroite dans la forme : par “l’ulta-libéralisme des énarques chevenementistes” de M Le Pen, je songeais à leurs dénonciations et mise en accusation du dit ”ultra libéralisme” thème que leur patronne a malheureusement repris.
A l'”Université de La Baule les deux discours de ces deux énarques étaient socialistes, dans le sens du socialisme jacobin : tout par l’Etat, tout pour l’Etat, conçu comme la seule expression de la liberté des Français, ce qui est une position qui n’est pas de droite.
Ainsi ces gens influencent le FN contre l’opinion majoritaire au sein du FN, et font par Marine Le Pen une fausse analyse des faits présents : ni le mondialisme, ni l’Eurofédéralisme ne sont ”ultralibéraux”, ils sont une confiscation des libertés des sociétés et des peuples au profit d’une oligarchie technocratique qui manipulent les législations, les monnaies et toutes les règles internationales pour assurer son pouvoir supranational et maintenant tenter de se sauver en croyant sauver ce système pervers et en faillite. Très exactement l’opposé de ce préconise le libéralisme, fondé sur la liberté, la transparence des choix, le contrôle, la responsabilité, la subsidiarité et le libre contrat, ceci en se fondant sur des réalités naturelles, les corps sociaux et le marché. Par exemple, les subprime sont socialistes et non libérales : elles sont le fruit de lois qui faussent le marché et ses équilibres.
Par ce discours inepte, M Le Pen se ferme progressivement l’accès au vote des classes moyennes modérées, celles diront le FN a besoin pour dépasser les 20 % : non pas que ces électeurs soient tous aptes à comprendre cela sur le plan des idées, mais parce qu’ils ne supportent pas l’étatisme omniprésent que les deux énarques ont fait adopter à Marine Le Pen, à partir de leur analyse fausse et de gauche.
De plus ce discours fait de la gauche le critère suprême : le FN serait ”populiste” parce qu’il reprend des éléments idéologiques à la gauche. C’est tellement idiot et contraire au bon sens que cela en devient grotesque : ces énarques, comme ceux qui le sont précédés jadis, ne font que défendre eux aussi, comme la technocratie mondialiste qu’ils croient combattre, le pouvoir de l’Etat tout puissant, assis en France sur les idées du programme national de la Résistance repris par De Gaulle et Thorez, et qui est le fondement de l’Etat depuis. Or c’est sur ce pouvoir que les élites mondialistes s’appuient pour interdire aux peuples européens par exemple d’avoir des sociétés libres et des systèmes politiques dans lesquels on ne pourrait construire l’€urofédéralisme contre leur volonté.
En croyant dénoncer la machine à broyer les peuples et les sociétés libres par l’utilisation du mot ”ultralibéralisme” repris aux altermondialistes, M Le Pen ne fait qu’apporter une pierre ”populiste” au mur qui les enferme : le socialisme.
Car en jouant sur l’ambiguïté, M Le Pen ne défait pas la gauche : elle semble s’y conformer.
Le vrai populisme est une libération de droite qui donne la parole aux peuples contre toutes les oppressions : celles des puissances d’argent, des lobbys des idéologies de gauche, mais aussi de l’étatisme socialisant et corrupteur et qui ruine les sociétés. En quittant ce populisme M Le Pen a engagé le FN dans une impasse à 18 %. Elle s’est crée de la sorte un plafond de verre électoral.