Nouvelle vidéo de Thomas Debesse :
On peut inscrire tout cela dans un développement prophétique. On a pu voir deux années de confinement qui ont interrompu ce pèlerinage dans sa forme habituelle. La foule des pèlerins a été empêchée de se réunir, chaque communauté a dû vivre la Pentecôte chacun de son côté avec des initiatives locales, pendant que quelques-uns s’en allaient quand même sur le chemin avec pour seul compagnon leur solitude.[…] L’enfouissement ne produit une germination que si la force d’enfouissement est une force extérieure. L’enfouissement c’est comme le martyr, pour porter du fruit ça doit être subi. Celui qui recherche le martyr se suicide. De même celui pour qui la force d’enfouissement vient de lui-même ne peut pas germer, tout ce qu’il fait c’est qu’il s’enterre vivant et qu’il meurt. Mais c’est parce que vous subissez une force d’enfouissement extérieure, et que vous avez une force d’émergence intérieure que cela provoque par vous une germination. C’est la force intérieure d’émergence dans un contexte d’enfouissement subi qui provoque la germination.
Après deux années de silence, enterrés, nous avons eu en 2022 une année de pluie. On peut là encore filer la métaphore de la germination, et cette année 2023 on a vu toutes ces jeunes pousses sorties de terre. Ce n’est pas qu’une métaphore. […] Ce qui m’a marqué le plus ce n’est pas que les pèlerins étaient jeunes, c’est qu’ils n’avaient jamais fait ce pèlerinage avant. Ce qui m’a marqué le plus c’est la proportion de commençants. […]
J’observe un changement dans la société, une émergence qui n’est pas spécifique au pèlerinage de Chartres. Un prêtre me demandait après le pèlerinage si j’avais des explications. Je lui ai dit qu’en fait c’est un mouvement de fond, c’est une lame de fond qui commence à faire surface mais qui a beaucoup d’inertie. On commence à la voir émerger. On pouvait la repérer en observant certains signes.
Par exemple sur le plan médiatique, et là je ne parle pas vraiment de médias traditionnels, mais plus de réseaux sociaux et de culture sociale. Il y a un développement culturel en cours, qui n’est pas que religieux d’ailleurs, c’est un développement philosophique, artistique, politique parfois, une recherche de beauté, dans la musique, dans l’architecture, dans d’autres arts encore. Il y a une recherche de franchise, une recherche de patrimoine, une quête spirituelle, une fierté de l’héritage, et tout simplement une joie. […] Il y a suffisamment d’initiatives pour qu’elles surgissent et se manifestent extérieurement. Il y a une vitalité, il y a une créativité, et il y a un besoin de transmission.
Dans une interview, Jean de Tauriers a aussi évoqué le fait que pendant les confinements, certains prêtres attachés à la forme extra-ordinaire avaient été parmi les plus courageux dans le maintien de la célébration de la messe et des sacrements. Et ça aussi ça compte. La jeunesse a besoin de courage, et elle sait reconnaître le courage. […]
Ensuite il y a eu l’encyclique Traditionis Custodes dont le nom même semble être en contradiction avec son propre texte, et ça intrique, ça interroge, ça intéresse. Finalement cela attire l’attention. Et cela nourrit le sentiment qu’il n’y a plus rien à perdre, qu’il n’y a plus à donner de gages à une génération qui ne laisse pas d’autre héritage que celui de ne pas avoir d’héritage. Le mépris est donc pleinement accepté, c’est une étape du deuil qui est franchie et qui permet d’avancer. Comme disait le Christ, « laissez les morts enterrer leurs morts », et la jeunesse l’a entendu. […]
Dans son homélie du lundi de Pentecôte, Mgr Gullickson a repris les mots de Benoît XVI : « Rien ne remplacera jamais une messe pour le salut du monde ». Et si rien ne remplace une messe pour le salut du monde, l’expérience d’un pèlerinage dans la vie d’une personne est difficile à remplacer. Le pèlerinage est le lieu où, pendant trois jours, on a le temps de transmettre. C’est justement à cause de ce rôle de transmission qu’à l’échelle d’une société un pèlerinage est difficile à remplacer.
Mgr Gullickson ajoute : « Pourriez-vous finir comme saint Justin mourant en martyr pour la messe dominicale ? Il ne s’agit pas de réclamer le martyre ! Tenez-vous juste prêts avec Justin si on vous appelle et peu importe les conséquences ! »
Comme on ne doit pas réclamer le martyre, on ne doit pas réclamer l’enfouissement, mais il faut être prêt, prêt à germer de cet enfouissement subi, et c’est précisément dans cet effort de relèvement que la vie témoigne de la vérité. […]
L’autre point qui a surpris, c’est la bienveillance médiatique vis-à-vis du pèlerinage, cette fois-ci de la part des médias traditionnels. C’est là aussi le reflet ou l’effet d’un changement de société. Même d’un point de vue non-croyant, c’est au moins vu comme un folklore sympathique. Traditionis Custodes a aussi eu un effet en dehors de l’Église. Quand quelques jours à peine après avoir restreint la célébration du rite Tridentin, le pape a célébré une messe en rite oriental, ça pouvait rendre perplexe même des non-croyants, dès lors qu’ils étaient confrontés à cette information. Pourquoi la spécificité d’un rite serait une richesse et pas la spécificité de l’autre ? […]
En 2022, le pèlerinage était déjà le témoignage de la jeunesse et du courage, en 2023 il est le témoignage du renouvellement et surtout d’une transmission. Ça a toujours été un témoignage de jeunesse, mais là ça ne peut pas être caché, et c’est une jeunesse qui a soif de transmission.