Philippe Juvin, maire de La Garenne Colombes (92), député européen, écrit dans Le Figarovox :
"Un débat curieux vient d'agiter la commune dont je suis maire (La Garenne-Colombes dans les Hauts-de-Seine). Je me suis en effet rendu coupable d'un acte d'une gravité exceptionnelle, véritable forfaiture dans la gestion de la commune: j'ai autorisé l'installation d'une crèche grandeur nature sur le domaine public, devant l'Eglise de la ville…
Heureusement, les courriers de protestation vigilante n'ont pas tardé.
Cette crèche, m'a-t-on écrit, est un acte de «prosélitysme». Elle porte gravement «atteinte à la laïcité» (ben voyons). Le même courrier moralisateur, peu avare en lieux communs, me rappelait que la laïcité est (merci, je suis au courant) un «fondement de la République».
Ce courrier me demandait le déménagement immédiat de cette dangereuse crèche au nom de mon «engagement citoyen (quel rapport?), de ma lucidité (merci de m'en créditer) et de ma responsabilité» (bigre!). Fermez le ban.
Bref, vous l'avez compris, ils sont devenus fous.
Dois-je désormais, au nom d'une laïcité mal comprise, prendre un arrêté municipal pour interdire la vente des galettes des rois chez les boulangers? Débaptiser la Rue Jeanne d'Arc (une sainte, quelle horreur)? Ou mettre fin à la chasse aux œufs de Pâques dans le square de la mairie?
Quelle tristesse de constater combien la bêtise et l'ignorance d'une minorité envahissent l'espace public. Bêtise de réduire la laïcité à des interdits primaires. Ignorance que la France a une vieille et structurante culture chrétienne. Rappeler cette évidence historique n'est pas mettre en danger la République.
Ceux qui agitent ainsi le drapeau laïc ne servent pas la laïcité. Noël est présent dans tous les esprits comme un moment d'amour. Noël est pour certains un moment de foi et pour d'autres un simple, mais important, moment de tradition. Quelle famille ne célèbre pas Noël comme un moment de joie?
Ceux qui mènent ce combat dérisoire contre les crèches feraient mieux de s'interroger sur l'absolue nécessité pour la France de s'appuyer sur des traditions, le 25 décembre comme le 11 novembre, qui cimentent le corps social. Ils feraient mieux de se demander si la communion de Noël, qu'elle soit religieuse ou non, n'est pas le moment où tous ceux qui sont si seuls peuvent espérer n'être plus tout à fait seuls. Ils feraient mieux de comprendre que, le jour de Noël, c'est bien la Fraternité de la République qu'incarne l'enfant de la crèche."