D'Aymeric Pourbaix dans Famille chrétienne :
"[…] Il nous est plus facile d’être des chrétiens des Rameaux, qui acclament le Christ au faîte de sa gloire terrestre, que de L’accompagner dans sa déréliction, jusqu’à la Résurrection.
Cette réalité nous poursuit. Il est plus confortable aujourd’hui d’affirmer comme Pilate, sur un air de démission : « Qu’est-ce que la vérité ? » Et de s’en tenir, même chez les chrétiens, à de vagues généralités sur la paix, la tolérance, et le dialogue. Valeurs terriblement abstraites, ce qui permet de les marier avec tous les désirs, bons ou mauvais. Ainsi, au nom de ces valeurs, la Jeunesse ouvrière chrétienne en Belgique vient d’abandonner sa référence religieuse, pour s’intituler désormais « Jeunesse organisée et combative »…
En revanche, parler de la vérité concrètement, dans une situation donnée, un pays ou une paroisse, voilà qui devient gênant, qui bouscule. La conviction du pape François est ainsi que notre époque compte plus de martyrs que dans les premiers temps, « parce qu’ils disent la vérité, ils annoncent Jésus Christ à cette société mondaine, qui ne veut pas avoir de problèmes ». Même la culture du débat, très présente dans les médias, ne sert souvent qu’à masquer le refus de « contempler la vérité trouvée », comme disait Pascal. Le philosophe, pourtant connu pour sa polémique contre les Jésuites, aimait en effet la vérité plus encore que le débat.
Car le christianisme n’est pas une doctrine philosophique dont on pourrait débattre à l’infini, affirme encore le pape François. « C’est une personne debout devant la croix. » Ceux qui ont réformé l’Église l’ont fait à partir d’une contemplation de ce mystère d’amour, bien plus sûrement qu’en prêchant un optimisme facile, qui ne prendrait pas le mal au sérieux. Et donc qui n’aurait pas besoin de rédemption. Ainsi de saint Bernard, qui a créé trois cent cinquante monastères dans toute sa vie, et qui disait : « Ce que j’ai toujours à la bouche, ce que j’ai toujours dans le cœur, ce qui fait ma philosophie la plus profonde, c’est Jésus, et Jésus crucifié ».
C’est ce réalisme de la foi, cette exigence doublée d’un caractère presque affectif, en tout cas très vivant et incarné, qu’il s’agit de retrouver pour voir renaître la civilisation chrétienne. Au XVIIe siècle, cette piété robuste a animé toute la spiritualité française du Sacré-Cœur de Jésus, et produit au cours des siècles suivants une multitude d’œuvres sociales, de congrégations religieuses et de vocations sacerdotales. Ce message, adressé à l’époque surtout aux prêtres et aux religieux, ne demande aujourd’hui qu’à s’étendre aux familles."