De Bernard Mitjavile :
On présente souvent la religion chrétienne comme hostile à la science et lors de débats sur Internet, on trouve toujours des lecteurs qui rappellent le procès de Galilée avant de se lancer dans des attaques frontales contre le Christianisme et de déclarer d’une façon générale et un peu hâtive que le christianisme s’est toujours opposé au progrès scientifique.
Pourtant, une première question se pose : comment se fait-il que la science moderne soit née dans des pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, la France, l’Italie, les Etats-Unis, en gros les pays occidentaux dont la culture, l’éducation, les institutions ont été fortement marquées par le christianisme si ce dernier est si contraire à la recherche scientifique ?
On ne peut isoler le développement scientifique du développement culturel général d’une civilisation, de son développement social et économique et dans le cas de l’Occident, ce développement a été fortement marqué par le christianisme.
De même, on ne peut que reconnaître le rôle du christianisme dans la fondation des grandes universités occidentales, certaines des plus grandes universités en particulier dans le domaine scientifique comme Harvard, Yale, Oxford ou Cambridge étant toujours attachées à leur tradition chrétienne, le genre d’universités qui, contrairement à la Sorbonne, produisent des prix Nobel plus ou moins tous les ans.
On a souvent accusé avec une certaine raison l’Eglise catholique d’avoir eu parfois des positions dogmatiques opposées à la recherche scientifique, citant en particulier le procès contre Galilée. C’est vrai que cette affaire a été choquante, un fait admis par la grande majorité des catholiques mais il ne faut pas oublier que Galilée avait une relation amicale avec le pape qui pour des raisons plus politiques que religieuses a dû laisser l’inquisition mener son procès contre lui, et que les inquisiteurs l’accusant ne représentaient certainement pas l’ensemble du christianisme mais une petite minorité même s’ils avaient un grand pouvoir à Rome à cette époque.
En fait, on peut noter que certaines théories scientifiques fondamentales ont été l’œuvre de membres du clergé.
Ainsi Copernic, l’homme à l’origine de la révolution copernicienne qui a remis en question la vision de l’univers de Ptolémée, était un chanoine, un membre du clergé, et ses travaux n’ont pas été opposé par l’Eglise catholique près d’un siècle avant Galilée. Selon certains, Copernic qui n’avait pas à son époque la célébrité de Galilée était sans doute plus diplomate, évitant une confrontation directe avec l’Eglise catholique et disant que sa théorie héliocentrique permettait de mieux expliquer le mouvement de certaines planètes sans en faire une vérité absolue s’opposant à la Bible.
Un moine morave Johann Gregor Mendel (né le 20 juillet 1822 et décédé le 6 janvier 1884) est à l’origine de la génétique par sa théorie de l’hérédité, découvreur de ce que l’on appellera par la suite « les lois de Mendel ». Les lois de Mendel, bien que rejetées ou ignorées au départ sont plutôt plus solides scientifiquement que la théorie de l’évolution de Darwin qui a été sans cesse remodifiée depuis plus d’un siècle pour inclure les apports de la génétique, les notions de mutations génétiques brusques, de l’histoire de la terre avec l’apparitions et de disparitions rapides de milliers d’espèces et bien d’autres développements.
Un abbé Georges Lemaître (1894-1966) né à Charleroi (Belgique) est le père de la théorie du Big Bang, ayant formulé ses découverte 2 ans avant Hubbles (1927 contre 1929). Seulement il avait publié en français ses calculs dans une revue n’ayant pas un grand impact international. Mais on reconnaît aujourd’hui qu’Hubbles a développé ses recherches sur le big-bang suite à une rencontre avec Lemaître lors de la 3ème assemblée de l’Union Astronomique Internationale (UAI) aux Pays Bas en 1928.
Plus largement, la grande majorité des scientifiques étaient chrétiens ou au moins théiste ou déiste (Newton ou Einstein et son « Dieu ne joue pas au hasard »), (cela n’est pas surprenant vu que la grande majorité de la population européenne se considérait comme chrétienne jusque vers la deuxième moitié du 20ème siècle et que la majorité de la population américaine se considère toujours comme chrétienne), et ceci sans voir de contradiction entre leurs recherches et leur foi.
On peut se demander pour quelles raisons le Judaïsme comme le Christianisme ont été plus favorables au développement scientifique que d’autres cultures ou religions (Hindouisme, Confucianisme, Islam). Plusieurs raisons ont été avancées, le refus de l’idolâtrie des forces de la nature en général, en particulier de l’idolâtrie des astres et l’astrologie, une vision optimiste de l’avenir et du progrès s’opposant à la répétition cyclique des âges par exemple dans l’hindouisme, avec l’attente de la venue du Royaume, du jour où la volonté de Dieu sera « faite sur la terre comme au ciel », la primauté de la conscience et la recherche de liberté (“Là où est l’Esprit de Dieu, là est la liberté” selon Paul), la vision de l’homme comme centre de l’univers appelé à « dominer la terre et la soumettre » selon la Genèse et non d’un être soumis aux forces cosmiques (« Ce qui est un miracle, c’est que l’univers soit compréhensible pour l’homme » disait déjà Einstein indiquant que l’homme aurait très bien pu vivre dans un univers dont les lois fondamentales resteraient hors du domaine de sa compréhension).
Comme l’a montré Thomas Kuhn (« La structure des révolutions scientifiques »), la recherche scientifique progresse par bonds, le consensus scientifique ou paradigme d’une époque étant remis en cause par une minorité d’individus qui au début ne paraissent pas crédibles, ainsi du temps de Copernic, il ne semblait pas évident que sa théorie permettait de mieux prévoir les mouvements des planètes que celle de Ptolémée, aussi il y a eu et y aura toujours des débats très animés sur diverses théories mais, quoiqu’il en soit, affirmer que le christianisme s’est opposé systématiquement au développement scientifique au cours de l’histoire est seulement le signe de lacunes grossières en matière de culture et d’histoire.