Nicolas S. a servi au sein du Commando Parachutiste de l’Air n°10 (CPA 10), l’unité d’élite des forces spéciales françaises. Aux côtés de ses frères d’armes, il a traqué des chefs terroristes, capturé des criminels de guerre, libéré des otages et mené des évacuations de ressortissants français en zones de crise. Dans son livre, Les Guerriers du 10, publié aux éditions Mareuil, Nicolas S. retrace ces années d’engagement à travers dix récits captivants qui plongent le lecteur dans l’univers exigeant des forces spéciales. Extrait d’un entretien donné à Conflits :
[…] Le CPA 10 est souvent perçu comme une unité d’élite discrète. Quelles sont ses spécificités par rapport aux autres forces spéciales françaises ?
Le CPA 10 partage ses missions avec d’autres unités d’élite, comme les commandos marines ou le 1er RPIMa. Cependant, il se distingue par son expertise aérienne, qui est au cœur de notre identité. Par exemple, nous identifions des pistes d’atterrissage en terrains hostiles pour permettre à des avions de transport de se poser en toute sécurité. Nous sommes également des spécialistes du guidage de frappes aériennes, une compétence essentielle pour mener des opérations précises dans des environnements complexes.
Nos maîtres-chiens, intégrés à nos groupes, sont une autre spécificité. Ces duos homme-chien sont indispensables pour des missions de détection d’explosifs, de pistage ou d’attaque. Enfin, la taille réduite de l’unité renforce notre cohésion. Tous les membres se connaissent personnellement, ce qui crée une dynamique de confiance et de solidarité, essentielle pour opérer dans des contextes à haut risque.
Vous parlez souvent de capturer des ennemis. Que devient un prisonnier après une capture ?
Une capture n’est qu’une étape. Notre rôle principal est d’exploiter le renseignement tactique immédiat, en interrogeant le prisonnier sur le terrain pour obtenir des informations cruciales. Ces interrogatoires tactiques, qui ne remplacent pas ceux menés par les services de renseignement, restent essentiels pour sécuriser nos zones d’opération et anticiper les mouvements ennemis. Cela peut concerner des caches d’armes, des positions ennemies ou des réseaux. Ces données permettent d’ajuster nos actions en temps réel.
Ensuite, le capturé est transféré aux autorités locales ou aux forces conventionnelles. Cependant, dans certains théâtres comme le Sahel, des failles judiciaires entraînent parfois des libérations rapides, ce qui peut être frustrant. Nous avons ainsi capturé plusieurs fois une même cible.
Avec les changements géopolitiques actuels, comment évoluent les missions du CPA 10 ?
Pendant des années, le contre-terrorisme a dominé nos missions, avec des déploiements réguliers au Sahel ou au Levant. Aujourd’hui, le contexte géopolitique limite notre liberté d’action, notamment en Afrique, où les populations locales sont parfois hostiles à la présence occidentale. Nous privilégions désormais des interventions ponctuelles, souvent planifiées depuis la France, comme les évacuations de Kaboul ou du Soudan. Nous nous préparons aussi à relever de nouveaux défis, comme la guerre hybride et les conflits de haute intensité. Cela implique de réajuster nos stratégies, tout en maintenant un haut niveau de préparation pour répondre à des scénarios variés et imprévisibles.
Comment conciliez-vous vie familiale et vie professionnelle dans un métier aussi exigeant ?
C’est un équilibre difficile, mais c’est possible avec une organisation rigoureuse et beaucoup de soutien de la part de la famille. Je suis marié et père de trois enfants, et comme beaucoup de mes camarades, j’ai dû faire des sacrifices pour concilier ces deux aspects de ma vie. Être membre des forces spéciales, c’est accepter des périodes d’absence prolongées et un niveau d’engagement intense. Cela demande non seulement un investissement personnel, mais aussi une compréhension et une résilience de la part de nos proches.
Au CPA 10, cette problématique est bien prise en compte. Nous avons l’avantage d’être une unité de taille réduite, ce qui permet une gestion plus humaine et personnalisée. Contrairement à d’autres structures, nous connaissons tous nos camarades et leurs familles, ce qui crée une véritable solidarité. Par exemple, après une succession de missions particulièrement éprouvantes, nous pouvons bénéficier d’une période de pause qui nous permet de nous ressourcer et de nous reconnecter avec nos proches.
Il est aussi courant de passer par des postes d’instruction ou des fonctions plus sédentaires à certains moments de sa carrière, pour rééquilibrer les choses. C’est une manière de préserver l’équilibre familial tout en restant actif dans l’unité. Certains camarades choisissent même de faire une pause ou de basculer temporairement vers des missions moins opérationnelles pour se recentrer sur leur vie personnelle, avant de repartir sur le terrain. […]